mardi 1 septembre 2009

Yves Gourgaud : UN POEME ENIGMATIQUE : INTRO À L’OUSTAU de Sully-André PEYRE

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Tout le monde sait que Sully-André Peyre fut le fondateur de Marsyas, revue littéraire prestigieuse dont Marsyas 2 s’ingénie à faire revivre l’esprit : indépendance totale (tant vis-à-vis du Félibrige que de l’occitanisme), exigence de qualité, éclectisme linguistique et thématique.

Tout le monde sait aussi que Peyre fut l’un des très grands poètes du siècle passé en langue provençale. Pour ma part, je n’en vois que deux qui puissent lui être comparés : Joseph d’Arbaud et Max-Philippe Delavouet.

S-A Peyre fut un homme aux talents et aux sensibilités multiples : avant l’immense poète portugais Fernando Pessoa, il inventa l’hétéronymie, c’est-à-dire une multiplicité de personnalités ayant chacune un style poétique très particulier. Si vous lisez les poèmes d’Escriveto (Escrivette), vous rencontrerez une jeune fille nostalgique de l’amour et du désir non réalisés, alors que le couple Beaumone et Jacques Vivarais célèbrent au contraire l’amour accompli, heureux, épanoui.




Y a-t-il un mystère Peyre ? Certains de ses poèmes ne sont pas d’une lecture aisée, et de plus le poète avait déclaré, à ce propos : « Ne cherchez point à tout comprendre… » (cette phrase sert de bandeau au court recueil de poèmes d’ « Escrivette et la rose », publié après sa mort)
Je voudrais ici donner à lire un des poèmes que j’avais choisi, il y a quelques années, pour l’épreuve de langue d’oc du baccalauréat : mes lycéens cévenols s’étaient passionnés pour ce texte parce qu’il leur paraissait, à juste titre, énigmatique. On y voit clairement apparaître deux personnages qui dialoguent, mais de quoi parlent-ils exactement ? C’est la question que je pose aux lecteurs de Marsyas2.

J’ai pour ma part trouvé une explication plausible, que je vous livrerai plus tard, après avoir pris connaissance de vos propres interprétations.

Voici donc le poème de Peyre :


Intro à l’oustau ; fai fre deforo. Auren de fiò
Pèr faire reflouri lou bos encaro un cop,
E béuren un vin vièi coume nosto jouinesso
(Quand la vido èro longo e la taulo èro messo).
Se vos, escartaren, i vitro, li ridèu
Sus lis estello frejo e lis aubre fidèu.
E belèu me diras lou secrèt de ta vido ;
Pièi dourmiras.

Ami, lou deforo me crido,
E me fau enana, dins la niue de l’ivèr.
Devino moun secrèt, se vos. I’a de blad verd
Que pounchejo adeja dins li terro e qu’à l’aubo
Es blanc de gèu. Demié li piboulo e lis aubo,
Que soun plus que de branco nuso, li paran
Soun reclaus sus li grano e parèisson plus grand.
Deman, dins lou matin, sarai mort o pèr orto,
Te souvendras de iéu en durbissènt ta porto.
Pièi li jour passaran. T’enanaras tambèn.
Es à la fin de tout que li causo van bèn.



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Quelques notes de vocabulaire :

li piboulo e li aubo : les peupliers et les trembles
li paran soun reclaus sus li grano : les jardins sont ordonnés sur les semences
pèr orto : en route

Et maintenant, lecteur, fais ce que te dit le poème :
Devino moun secrèt, se vos.


Yves Gourgaud - Septembre 2009

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