jeudi 28 février 2013

Yves Gourgaud : A PROPOS D’UN ECRIVAIN DU BLEYMARD : JEAN JOUVE

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A PROPOS D’UN ECRIVAIN 
DU BLEYMARD : JEAN JOUVE



Yves Gourgaud, 
février 2013


1. MONSIEUR JEAN JOUVE

    Notre ami Serge Goudard a illustré mon article qui présente le blog LOUBLUMA par un poème qui figure sur le site, et bien sûr il l’a reproduit très fidèlement : nous avons cette habitude, ici à Marsyas2, de penser que lorsqu’un auteur vivant écrit dans notre langue, c’est qu’il connaît cette langue et donc que personne n’a à lui « reprendre » ou lui « corriger » sa graphie sans sa permission.
    Si je fais cette remarque, c’est justement parce que l’auteur de « Quond ére effon a Sen Julien » a eu quelques problèmes de ce genre : de grands « savants » lui ont fait des remarques, pensant sans doute qu’un pauvre patoisant, n’est-ce pas, serait impressionné par un langage doctoral…
    Pas de chance pour les donneurs de leçons ès-écriture : il se trouve que Monsieur Jean Jouve (qui a signé, en patois, JIOUBE) est… docteur en sciences économiques !! Alors vous pouvez penser que les sabentasses ont été pris au piège de leur propre suffisance, qui se révélait aussi une fameuse insuffisance…
    Mais cette anecdote (qui m’a été contée par Monsieur Jean Jouve lui-même) doit être méditée par tous. Il est vrai que, bien trop souvent, nous avons tendance à penser qu’une écriture patoisante révèle une formation intellectuelle sommaire, alors que Jean Jouve nous inflige le démenti le plus absolu à ce propos : profitons-en pour affirmer ici que les auteurs patois sont porteurs d’une LANGUE AUTHENTIQUE et que de ce point de vue leur graphie est elle aussi authentique, et d’un emploi parfaitement aisé, pour peu qu’on connaisse un minimum de la forme de langue qui est écrite.
La supériorité de l’écriture patoise sur celle dite « occitane » est TOTALE et ABSOLUE, puisqu’elle permet de retrouver la vérité de la langue parlée. Or quand une langue est vivante, c’est qu’elle est parlée, et si l’on veut la transmettre, il faut commencer par la PARLER avant de l’ECRIRE : nos occitanistes font exactement le contraire, et s’imaginent  (piètres linguistes ! pitoyables pédagogues !) qu’avec leur graphie venue du fond des âges (elle était en déconfiture dès le début du XIVe siècle, c’est justement un texte du Gévaudan qui le démontre) ils vont faire revivre nos langues !
Laissons les rêveurs s’habiller en troubadours et chanter le Moyen-Age : nous qui sommes de ce siècle, nous suivrons les vrais écrivains qui, comme Jean Jouve, savent transmettre leur langue.

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QUOND  ÉRE  EFFON A  SEN JULIEN


Mous effons sabou pas deque fagion aïci,
Y abio pas la télé per para dé langui.
Alors boou  lus counta ço que adoun s’y fagio,
Et mi soubene bien , d’occupachiéous , n’y abio.

La primo azerbabions , et adoun chions bachios ,
Ménabion al debés , al chion ou be al bouos ,
Fagion jappa lous chis et nantres musabions ,
Courrions din lous barthas , chiantabions , supplabions .

Lou fé éro dalliat , alors fenaîrabions;
Pieî chiabio meïssouna , las gierbos liabions ,
Fagions de gierbîeîrous per fa secha lou blat,
Troubabions d’aousselous ,uno ser , ou un rat.

la primo amaï l’aoutou , al coutrié laourabions;
Esterpabions lou fen et tirabions d’abon,
L’alaouzeto chiantabo , acos éro plasen ,
Fagio bel ou plabio ,chiabio ségre lou ten.

Lou bespré , arréduch , anabions pas treppa
Tout juste se sourtions à la crous per parla ;
Las fédos , à la nuech, béniéou per si saqua
Countabions lous agnels abon de lous barra.

A la fi de l’aoutou , à l’escolo anabions;
Dedin ou per la cour , en parés jiougabions
Chions punichs caouques cops, d’antres cops n’on rigio ,
A l’oustaou chiabio pas se plognié maï qu’aco.

Quon l’hiber éro qui, la néou toumbabo prou,
Lindabions per chiamis, tirabions lou ménou,
Nous giagabions de frech, pourtabions lous esclochs ,
Per nous achalouna, nous trajions de palochs .

Fagions notres debouers , allaï à la beillado ,
Nous sarabions del fioc , coujions la peiroulado ;
S’y digio la prièro abon d’ana durmi ,
ET pieî pantaïsabions al liech jusqu’al mati .

Lou ten au bien chiangiat , yo quicon maï a faïre.
Mais bous ou dise bien , et creigiet voste païre ,
Aïmairio maï, lou bespre , espéra lous troupels
Que dabon la télé escarjuellia mous uels. 

2. “QUOND ERE EFFON A SEN JULIEN” - Commentaires du texte :

Parlons maintenant de ce poème (qui est en patois de Saint-Julien-du-Tournel) : les mots qui sont en gras sont ceux que vous trouverez expliqués dans le Lexique de Monsieur Hubert Nogaret, sur son blog LOUBLUMA ; on a ainsi un lien précieux entre la langue du Bleymard (le Lexique) et la littérature qui en est l’illustration et la justification.
Voici, relevés dans le poème de Monsieur Jean Jouve, quelques mots et formes qui, pour un Cévenol alésien comme moi, se révèlent très proches parents de notre propre parladure :

SABOU : la finale des verbes en -OU est commune entre les Cévenols d’Alès et ceux du Bleymard (les occitans, quant à eux, écrivent -ON, quand ce n’est pas –AN ou -EN !)
LUS : c’est la forme la plus typiquement cévenole qu’on puisse trouver ! Partout ailleurs on dit « lour », « lur », « lious », etc. Rappelons que les Provençaux, de leur côté, disent (ié), ce mot étant soit singulier « lui » soit pluriel « leur »
S’Y, MI, N’Y : autres formes typiques du cévenol (en mistralien on les écrit SI, MI et NI), qu’Alès ne connaît pas mais qui apparaissent déjà du côté de Saint-Jean-du-Gard.
CHIONS : en alésien on dit (SIAN), et cette forme est elle aussi très cévenole (et aussi largement gévaudanaise) : contrairement au provençal, CHIONS/SIAN n’est pas du présent (« nous sommes »), mais du passé (« nous étions »), ce qui prouve que même des parladures voisines comme le provençal et le cévenol connaissent ici ou là de nettes différences.

AZERBABIONS, MENABION, MUSABIONS, CHIANTABIONS, SUPPLABIONS, etc. : toutes ces formes de l’imparfait en –ABIONS (nous écrivons et prononçons en Alès : -AVIAN) sont communes au cévenol et au provençal, alors que les occitans écrivent (-àvem), forme qui est languedocienne mais ni cévenole ni gévaudanaise.
LOU FE, LA FI : nous ne prononçons pas de –N en fin de mot, et donc nous ne l’écrivons pas plus que Monsieur Jean Jouve : les Provençaux écrivent ces –N parce qu’ils les prononcent ; les occitans les écrivent sans les prononcer (pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué et surtout sabentas ?)

BENIEU (« venaient ») est aussi une forme finale (-IEU) très caractéristique du cévenol : les occitans, eux, écrivent (venián) ! Voyez comme il est simple d’écrire en occitan : il suffit, pour un mot de 6 lettres, d’apprendre trois règles de prononciation : 1) le (v) se prononce (b) ; 2) le (á) se prononce (è) ; 3) le (n) se prononce (w). Sans commentaire… En cévenol alésien nous écrivons (venièu) parce que nous prononçons (v) ce qu’au Bleymard ou à St-Julien-du-Tournel on prononce (b). Les provençaux ont du mal avec ces terminaisons, parce que dans leur langue, la terminaison (-iéu) est celle de … la première personne. Alors quand ils lisent (venièu) ils pensent tout de suite à traduire « je venais », alors que c’est « ils/elles venaient » ! Autre différence importante entre Cévennes et Provence, avec CHIONS/SIAN, voir plus haut.

VOSTE : c’est la même forme en cévenol alésien et en provençal, alors que les occitans écrivent (vòstre) avec un R qui chez nous n’existe pas.
Vous voyez que le poème de Jean Jouve, en dehors de ses qualités littéraires (vous aurez admiré la précision des termes employés, l’auteur étant une encyclopédie vivante des réalités du terroir et des mots qui les expriment) nous est à nous, Cévenols du Gard, d’une grande utilité linguistique puisqu’il sert à marquer précisément nos particularités communes. Nous ferons remarquer, une fois de plus, à nos occitanistes qu’il n’est nul besoin d’une écriture de ma grand la borgno pour « unifier » les parlers : il suffit d’écrire une langue authentique, avec une graphie simple et directe qui met le lecteur en confiance.

Nous remercions Monsieur Jean Jouve de nous avoir autorisés à reproduire son poème ici, et nous espérons vivement qu’il voudra bien nous donner à lire d’autres de ses compositions : avec Monsieur Hubert Nogaret, il sera le bienvenu tant sur ce site MARSYAS2 que dans les pages de l’Armagna Cevenòu… ou d’une publication qui réunirait les auteurs du Bleymard.
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mardi 26 février 2013

Lou Bluma : site internet de la tradition cévenole en Lozère (Le Bleymard)

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UN BLOG AMI
LOUBLUMA



    « Loubluma », c’est Lou Bluma, le nom cévenol (de langue d’oc) du Bleymard, chef-lieu de canton lozérien : les parlers de type cévenol (ceux de l’est du département) y entrent en contact avec ceux, plus typiquement « gévaudanais » (ou auvergnats) de la région de Mende.

    « loubluma », c’est le nom du blog de Monsieur Hubert NOGARET, un amoureux de sa langue et des traditions authentiques de son pays : je vous invite à découvrir par vous-mêmes ce blog, et surtout, pour ce qui concerne la langue, un travail tout à fait intéressant et même précieux : le lexique oc-français des mots et expressions qu’Hubert Nogaret a jugés intéressants parce que typiques, et qui occupe 14 pages .
Un lexique qui ne s’inspire de rien ni de personne, juste un travail tout personnel qui, malgré la modestie de son auteur, est un véritable acte de foi dans notre langue, et du même coup un vrai cadeau fait à notre culture.
Avec l’aimable autorisation de l’auteur, je reproduis ici la présentation du glossaire telle que vous la lirez sur le blog LOUBLUMA :


ESSAI DE GLOSSAIRE 
« PATOIS-FRANÇAIS »

J’ai voulu sauvegarder, ci-dessous, quelques mots et expressions de nostro lengo.
Le choix est purement subjectif : mots intraduisibles en français, termes jugés pittoresques ou particulièrement exporessifs… C’est dire si le terme de « glossaire » est prétentieux et à quel point son contenu est limité. Aussi, si des lecteurs peuvent enrichir ou corriger ce clapas, je leur exprime, dès à présent, toute ma gratitude.
NOTA : 
(1) Les termes en patois sont écrits comme je les entends, c’est-à-dire dans une orthographe très approximative.
(2) A la réflexion, je pense que ce glossaire est surtout destiné à ceux qui parlent couramment le patois (acos béléou un dictiounari dé m’as couillounat quon t’aï bis)
(HUBERT  NOGARET, blog LOUBLUMA).

Quelques remarques qu’on peut ajouter :

1) La graphie d’Hubert Nogaret est patoisante, ce qui signifie très clairement : FIDELE à la langue parlée authentique. Cette orthographe que son auteur qualifie de « très approximative », par un souci de modestie qui l’honore, est au contraire TRES PRECISE pour la prononciation, alors que la graphie « savante » concoctée par nos occitanistes est, elle, tout-à-fait approximative parce qu’elle note une idée, pas une prononciation, et laisse donc le lecteur complètement désarmé quant à la prononciation exacte, ou même approchante, du mot. Entre la graphie patoise (effon) et la « belle » graphie occitane (enfant), laquelle à votre avis est la plus authentique ? Laquelle vous permet de prononcer correctement ?

2) Quand Monsieur Hubert Nogaret pense que son travail ne pourra servir qu’à ceux qui connaissent déjà la langue, il a tort et raison en même temps : raison si on pense à l’exploitation immédiate des mots et expressions ; mais si l’on croit, comme nous à Marsyas2, que cette langue peut être récupérée et réutilisée, alors il faut bien dire, et fortement, que le travail d’Hubert Nogaret est, selon une belle formule qu’on a appliquée à Frédéric Mistral, « un conservatoire de l’avenir » : grâce à des Hubert Nogaret, on a la conviction que notre langue est VIVANTE, et qu’on peut donc la TRANSMETTRE, à l’oral mais aussi à l’écrit.

Merci donc à Hubert Nogaret, travailleur désintéressé et passionné qui fait honneur à son canton du Bleymard !

… Et bien sûr, Monsieur Hubert Nogaret sait écrire en lengo nostro : il m’a suffit de le solliciter pour qu’il m’envoie immédiatement trois belles proses dans une langue impeccable : j’en donnerai bientôt une pour les lecteurs de Marsyas2, qui pourront ainsi juger des qualités d’écrivain de l’auteur du blog LOUBLUMA.



Yves Gourgaud, 
février 2013




P.S. 
Je viens de relire le blog LOUBLUMA, et je m’aperçois que la présentation du Lexique a été un peu modifiée : la Note 2 a été supprimée, remplacée par les remarques suivantes :
« D'aucuns se permettent de qualifier notre langue de vulgaire ! alors que tant de termes et d'expression perdent toute leur saveur lorsqu'ils sont traduits en français .
Je préfère le jugement de Louis HUGON :
"Notre langue gabale est essentiellement concrète, charnelle ... on a presqu'envie de dire charnue . En l'occurrence le mot charnu est tout à fait justifié, mais je dirai plus : notre langue est goustouse, elle a du goût, elle laisse au fond de la gorge, à la manière du bon fromage un paou fat, quand on la pratique à haute voix, un goût délicieux qui dure longtemps ..."
   
 Il suffit d’ajouter que Louis Hugon, lui aussi écrivain en lengo nostro, est l’auteur du très bel ouvrage « Dictons, Proverbes et autres sagesses de Lozère », éditions De Borée 2008, livre bilingue de 224 pages, richement illustré, que je recommande tout aussi vivement à l’attention des lecteurs de Marsyas2.




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dimanche 24 février 2013

Peireto Berengier : La dinastìo di Daudet

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La dinastìo di Daudet
 

Di Daudet couneissèn mai que mai l’Anfos e soun fiéu Leoun. Pamens, touto la famiho fasié dins la literaturo : lou fraire Arnest, la mouié Julia e lou segound fiéu Lucian. Es la saga d’aquelo dinastìo literàri qu’Estefan Giocanti nous presènto dins soun darrier oubrage. Èro deja l’autour d’uno tèsi de dóutourat sus Carle Maurras e avié alor rescountra lou Leoun.
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 Adounc, lou fraire Arnest Daudet (1837-1921), l’einat, fasié journalisto à Paris ; es éu qu’aculiguè Anfos quand ié mountè. Lou menè dins lou mounde de la literaturo e sabèn coume Anfos trachiguè lèu. Arnest èro un Blanc dóu Miejour que tenié de sa famiho. Publiquè d’estùdi istouri coume « La Terreur blanche », « Histoire des conspirations royalistes du Midi sous la Révolution », e bèn d’autre. Un di primadié de l’istòri mouderno.


La mouié d’Anfos, Julia Daudet (1844-1940), s’es proun di qu’escrivié à la plaço d’Anfos. Es belèu ana un pau vite, emai aguèsse de segur participa au travai de soun ome pèr de counsèu sena. De mai, coume èro de modo d’aquéu tèms, tenié saloun e li mai grand se ié rescountrèron : Zola, Leconte de Lisle, Mallarmé, Barrès, etc. Li fraire Goncourt èron pas li darrié de treva la famiho e Eimound presavo forço lis escri de Julia : « Impressions de nature et d’art » (1879), « Lumières et reflets » (recuei de pouèmo de 1920). Emé resoun, Flaubert la disié grando artisto. Poulideto que noun sai, ispirè Renoir e James Tissot. Lou paréu Daudet aguè d’enfant que dous fiéu faguèron carriero. Leoun (1867-1942) e Lucian (1878-1946).


Leoun Daudet, lou sabèn, avié fa d’estùdi de medecino mai se faguè counèisse subre-tout coume poulemisto e escrivan reialisto qu’avié pas pòu de trata la Republico de « crapulocratie » pèr eisèmple ! Sabié pinta li deco e li defaut de cadun emé de mot que fasien mau e restèron dins lis annalo : Clemenceau, « tête de mort sculptée dans un calcul biliaire », Zola « Vénitien de l’égout », etc. Li medecin, « médicastre », lis avié proun treva dins sis estùdi pèr escriéure de satiro crudèlo dins un estile rabelesian. Mai, ami de Maurras, sa plumo la meteguè au service de la poulitico e de l’Acioun Franceso…
Coume li Goncourt avien causi Anfos pèr eisecutour testamentàri, Leoun participè à la foundacioun de l’Acadèmi Goncourt.


Lucian Daudet, éu, fuguè « l’ami », grand e pichot ami, de Proust e de Cocteau… Jouvènt bèu e galant, fragile e delicat, fasié lou dandy e l’artisto. En chancello entre pinturo e literaturo, espausè si tablèu e publiquè rouman e pouèmo. Pau Morand presavo soun obro vuei trop desóublidado. Trevè li mitan parisen, li councert, lis espetacle e s’entrevè de tóuti lis esperiènci artistico de soun tèms.

Tout aquéu mounde es vuei un pau tapa, escoundu, pèr la glòri dóu paire. Un paire, Anfos Daudet (1840-1897), grand countaire que fai ounour au Miejour e à la Franço, presa qu’es dins lou mounde entié. De libre coume « Tartarin de Tarascon » qu’an fa e fan toujour poulemico, estrambourdèron Flaubert que parlè alor de « cap d’obro ». Dickens s’enfiouquè pèr lou rouman « Jack » e Enri James parlè d’engèni pèr « Port-Tarascon » (lou tresen voulume di Tartarin). Se vous dise e redise tout acò es que fai de bèn, tèms en tèms, de durbi lis iue e d’escouta aiours.


La famiho Daudet faguè grando pèr nosto literaturo e la vido culturalo de noste païs.



Peireto Berengier



« C’étaient les Daudet » d’Estefan Giocanti. Ed. Flammarion. En librarié



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vendredi 22 février 2013

Glaude Lapeyre : Reinié Char, l'ome revóuta

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Counferènci-Diapourama

« Reinié Char, l'ome revóuta »

    
Vint e cinq an de tèms, Glaude Lapeyre es esta au toco-toco emé lou pouèto Reinié Char, «  Fraire de Camin ». Après sa despartido, enfeta pèr li » Char es à sèns cubert », « Char garçavo li vesitaire deforo », « Char èro verinous », o d'àutri, que la prèsso escampihavo e qu'èron repeti...d'autant mai qu'en aquest siècle la pouèsio es messo à l'escart pèr li media, lis editour, li libraire....
    
Glaude Lapeyre a pres soun bastoun de roumiéu pèr adurre li pouemo de Char en aquèli qu'an pa'gu la chabenço de lis acara.
    
Lou fai bono-di l'ajudo d'un diapourama, emé de «  coumplice », de leituro, coumentàri, discussioun. La counferènçi s'adreisso en chascun, la pouesio pòu pertouca tóuti lis individu : lou pastre, l'astrounomo, lou matematician, lou cavaire de rabasso, vièi e jouine...
    
La counferènci s'entitulo : » Char, l'ome revóuta » ; es uno guinchado en Aubert Camus, en grando amista emé lou pouèto.


                    Glaude Lapeyre

    (revira en prouvençau pèr Michello Craponne)


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mercredi 20 février 2013

Peireto Berengier : Ourquido, ourquido !

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Ourquido, ourquido !




Nosto Prouvènço es lou paradis di touristo mai sabèn belèu pas proun qu’es tambèn lou paradis di naturalisto e en particulié dis ouquidisto.

Dins lou mounde i’a de mouloun d’ourquido diferènto e tambèn au nostre. De la Santo-Baumo au Verdoun, dis Aupiho à Ventour o au Luberoun cade endré mostro soun ourquido. Quand parlas de bioudiversita, aquesto planto en erbo vivaço n’es un moudèle grana.

L’ourquido es bono reproudutriço. Uno flour baio 50.000 grano. Quand pensas que i’a 30.000 meno d’ourquido (esclop de Vènus, vaniho, etc.) e 900 gènre diferènt, coumprenès que i’es eisa e veni de pertout. I’a toujour uno meno que s’entrais à l’endré despièi li ribo de mar fin qu’à 4.000 mètre d’auturo. Coume ié semblavo pas proun, l’ome farlabiquè 100.000 ibrido de mai… N’i’a que quàuquis-uno que se sufison souleto. Lis autro ié fau lis insèite pèr li fegounda (abiho, mousco, parpaioun guespo e fournigo). Pèr li miés atriva lis ourquido prenon la formo dis insèite que n’an besoun o bèn sèmblon de flour à neitar… Es uno bello engano que la bestiouleto ié troubara rèn de bon pèr elo. S’empegara soulamen de poulèn que lou pausara pièi sus d’àutris ourquido enganarello…

Rouland Martin

A-n-Avignoun, un ome apassiouna d’ourquido fai mirando. Ié counsacro sa retirado e travaio emé lou Museum d’Histoire Naturelle de Paris e la Soucieta Prouvençalo d’ourquidoufilìo. Cerco, comto, noto, classo tóuti lis ourquido de Prouvènço. Fai de charradisso, d’escourregudo pedagougico, de fotò, d’espousicioun e subre-tout publico d’oubrage meravihous. Ourganiso tambèn de viage d’estùdi en Franço e en Africo dóu Nord.

La cartougrafìo es quaucarèn de forço impourtant pèr la couneissènço de la naturo e de la floro. Autambèn fau establi d’enventàri foutougrafi e cartougrafi pèr miés counèisse l’estat dis abitat, sa counservacioun, li biais de reprouducioun e li menaço que peson sus nòstis ourquido. Emé lis àutri boutanisto bountous, cercon lis espèci raro, aparado, menaçado o en grand dangié.

Mancon pas d’obro qu’en Prouvènço avèn dins li 200 meno d’ourquido. Despièi 1980 an reculi 150.000 enfourmacioun. Es coume acò qu’an nouta 185 estacioun d’espèci d’ourquido : 65 rèn que dins lou Luberoun e 58 dins Ventour ; la Mountagneto e lis Aupiho comton 41 espèci diferènto, mai n’i’a de pertout au nostre.

Li mai noumbrouso flourisson à la primo ; es pamens poussible de n’en vèire quàsi tout l’an. Coume avèn tóuti lis altitudo, de valoun souloumbrous, de pendis ensouleia, de colo seco e de terro argilouso eigassouso, avèn touto meno de flour poussiblo. Caduno trobo soun comte. E dire qu’acò duro despièi 130 milioun d’annado, emai sachèsson pas just e just l’ate de neissènço !

Lou bateja dis ourquido

Devon souvènt soun noum i parla regiounau e i biais poupulàri de li nouma. Si formo an douna d’idèio e soun souvènt batejado de noum de bèsti que ié fan pensa : abiho, mounino, coulobre, granouio, aucèu, mousco, aragno, etc. Tout acò, segur que dato d’avans Linné que meteguè d’ordre aqui dedins emé si noum latin. E vuei, pèr faire simple, avèn en meme tèms li noum vulgàri, latin e regiounau… Coume acò lou Cypripedium calceolus es pèr lis un, » l’esclop de Vènus », pèr lis autre, « la pantouflo de la Vierge » ! Un mouloun de legèndo es estaca dins tóuti li regioun à-n-aquéli flour que calon pas de nous espanta.

En Prouvènço fasèn parié. L’Anacamptis palustris (ourquido de palun) ié disèn « Taverniero » (ourquido de l’auberguisto), l’Epipactis helleborine, « l’Erbo de la gouto », etc.

E fin finalo, poudèn n’agué à l’oustau, que soun pas tant dificilo que ço que dison.

 
 
Peireto Berengier



Bibliougrafìo : Roland martin, cartographe des orchidées par Claude Darras
 
 
 
 
 
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lundi 18 février 2013

Marsyas 2 : 4 ans - SULLY-ANDRE PEYRE OU LA MULTIPLICITE DE L'UN

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La maire Prouvènço que tèn lou drapèu
L'an panca crebado
La pèu dóu rampèu !
...
La Respelido



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Lorsque nous nous décidames à faire Marsyas2, il y a un peu plus de 4 ans, le dernier des collaborateurs de Marsyas ( version Sully-André Peyre), important, venait de nous quitter ; Emile Bonnel...  Ce départ fut une motivation certaine, sa veuve nous y encouragea...  
Cette aventure poétique, littéraire, critique, essayiste, sociale, cette aventure multi-culturelle & artistique passe ce jour le cap des 4 années!!! , donnant la place surtout à la culture des pays d'oc en général, avec une place particulière pour le Languedoc & la Provence. 
Mais aussi donnant sa place à toutes celles & ceux qui par leurs actions résistent au tout-prêt culturel, à la pensée unique, souvent trop bien-pensante & centraliste !!!

Les mots de René Char, de Macabiès qui sont enos devises, nous encouragent à continuer & surtout à vous faire partager notre envie de vivre en résistant, & pour un idéal de pensées sans entrave :
Resistaren !!!!


Sèrgi G.


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Laure Della-Flora
Sète -2013




SULLY-ANDRE PEYRE
OU LA MULTIPLICITE DE L'UN



La route blanche franchissait un horizon de vignes avec, çà et là, des bandes de labours ocres, brûlés par le soleil. Très peu d'arbres. Quelques platanes, des sycomores et de loin en loin, un olivier noueux, poussiéreux, penché sur les souches vertes. Il nous semblait que nous roulions depuis des heures et que nous devrions rouler pendant des heures encore avant de rencontrer un visage humain.

Aigues-Vives surgit à un détour, comme surgissent tant de bourgades méridionales, derrière une allée de platanes somptueux, décolorés et perdant leur écorce. Nous longeons la rue principale, et c'est une rue interminable, aux maisons de torchis blanchies à la chaux. Il n'y a pas d'eaux vives à Aigues-Vives. Seule, sur une petite place, une fontaine ancienne épandrait quelque fraîcheur si la vasque n'en était desséchée. De temps à autre une voûte étroite s'ouvre sur un puits d'ombre.

Le facteur sort d'un porche. Nous stoppons aussitôt pour lui demander l'adresse de Sully-
André Peyre. Le poète?
- C'est tout droit, à Mûrevigne, la dernière maison à droite quand on est déjà sorti du village.

De fait, nous, n'avons aucun mal à la trouver, la maison. Elle se blottit curieusement, à l'écart de la route, dans un terrain enfoncé, parmi d'épaisses touffes de roseaux et quelques arbres.

Il n'y a pas à se tromper, en effet. C'est bien là maison de poète. Nous franchissons la porte du jardin, contournons une corbeille de fleurs et de plantes.
La façade apparaît aussitôt derrière le vert de la tonnelle et de la vigne vierge. Mais aucun son ne nous parvient. Tout est calme et silence. Un silence lourd, épais de pleine après-midi estivale et que trouble à peine le crissement de nos pas sur le sable.
Par une porte-fenêtre ouverte et qui donne de plain pied sur le jardin, nous pénétrons dans une vaste pièce à la fois studio et salle à manger. Il y a là des meubles du pays, lisses, luisants, agréables à regarder. Des bibelots de Provence et quelques tableaux d'amis ornent les murs.

A droite, un escalier tenant toute la largeur de la pièce descend à un vaste bureau. Le Maître est là, penché sur ses papiers. Derrière lui, autour de lui, une grande bibliothèque, aux rayons surchargés de livres, monte jusqu'au plafond. A peine a-t-il levé les yeux à notre entrée. D'une voix posée, bien timbrée, il continue à dicter à une jeune fille qui, assise en face de lui, de l'autre côté du bureau, prend des notes. Nous apprendrons plus tard que cette secrétaire est aussi une poétesse, de celles que S.-A. Peyre publie, de temps à autre, sous le nom d'Antoinette Nusbarme ou d’Antoinette Ducros, en première page de Marsyas.

Il termine sa phrase et nous nous présentons. Aussitôt il se lève et s'avance, souriant et les
mains tendues:

- Que sias brave d'èstre vengu!

C'est la première fois que nous sommes en présence du Maître et, en vérité, nous ne sommes pas trop surpris. Nous nous le représentions bien ainsi, l'inoubliable poète de La Cabro d'Or, le sévère, directeur de Marsyas, le dur polémiste du mistralisme intégral.
Sous le front dégagé, le visage presque ascétique, encore allongé par la petite barbe en pointe, et, sous les épais sourcils, un regard aigu et pourtant lointain.

Un homme au rêve habitué, disait Mallarmé de lui-même. Et l'on ne peut s'empêcher, devant Peyre, de songer à la fois à Mistral et à Mallarmé. A Mistral pour l'aspect général, la noblesse de l'attitude, la cordialité de l'accueil. 
A Mallarmé pour le regard et cette frilosité devant l'hiver et le monde que décèle un grand châle de laine écossais, négligemment jeté sur les épaules.
Un homme au rêve habitué. Au rêve et à la solitude. Les vignes, autour de la maison du poète, s'étendent jusqu'à l'extrême limite de l'horizon, en ondulations océanes. Et Peyre vit désormais chez lui comme dans une île dont il ne sort que de loin en loin.
Mais qu'importe là solitude! La poésie est pouvoir. Non fiction destinée à parer la réalité de prestiges imaginaires, mais pouvoir de fait, qui, par magisme incantatoire, donne prise sur l'âme et, par elle, sur le monde et la vie. Technique aussi valable que les anciennes mancies pour pénétrer, au-delà des apparentes transitoires, l'essence même des êtres et des choses, révéler leurs analogies secrètes, les situer sous leur jour absolu:

Agues pas crento de canta
Lou founs desir que te tafuro;
En lou cantant pos l'encanta
Jusqu'à la bèuta la mai puro...

(Ne sois pas honteux de chanter - le profond désir qui te point - le chantant, tu peux l'enchanter - jusqu'à la beauté la plus pure...).

Cette incantation terminale et réalisée de l'intérieur (c'est un secret que tu avais perdu) donne tous les droits au poète.
Et d'abord celui de recréer sa vie à sa guise. C'est pourquoi les ouvrages autobiographiques de Peyre sont des biographies non pas seulement poétisées (dans la tradition gœthéenne de Poésie et Vérité) mais proprement transfigurées. Le grand-père que j'ai eu en songe ou encore ce pur chef-d'œuvre intitulé Colombier sont des œuvres significatives à cet égard. Et le poète ne nous y convie pas tant à revivre son enfance retrouvée qu'à découvrir, avec lui, la seule enfance qu'il ait jamais voulu vivre. Li passado e li liò revivien dins l'image, écrit-il. Et cette image des choses, cette épuration est le centre même du vrai.

C'est cette transmutation délibérée du réel, opérée selon certains rites poétiques, J'irai vers la nuit, avec mon regard d'enfant, qui permet au vrai créateur de déclarer: le ciel se gagne et se vit sur la terre. Car partout où se porte son regard peut surgir son ciel.
Ceci explique que Peyre, loin de craindre la dispersion, semble, au contraire, la rechercher. Il n'hésite pas, en effet, à se muer lui-même, par le truchement de pseudonymes, en personnages plus ou moins étranges qui à longueur d'année, vivent dans Marsyas. Depuis le remarquable article de Jean-Calendal Vianès dans Reflets de Provence, plus personne n'ignore qu'Escriveto est l'autre face lyrique de Peyre, comme, en 1909, Louise Lalane avait été l'autre face d'Apollinaire. Mais Charles Rafel est aussi l'autre face pensante de Peyre. Sa face anarchisante, frondeuse, truculente, et qui nous convie, gouailleuse, à un jeu de massacre idéal. 

Dispersion également dans la forme. Peyre, en effet, écrit non seulement en provençal (comme toute son hérédité provençale et languedocienne l'y incite) mais encore en français et en anglais. Est-ce là vaine gageure de dilettante? Nullement. Mais certitude, au contraire, que le vrai problème se situe, au-delà des différences de langues, au cœur même des mots, dans le pouvoir soudain déclenché par la précision de leur assemblage:

O douceur du repos muée en toutes choses!

Cette croyance, de souveraineté créatrice jointe à une émouvante fidélité à sa vocation (Peyre édite et dirige Marsyas depuis trente-cinq ans) nous aide à comprendre aussi la rigueur de la position doctrinale dans le Félibrige et l'importance capitale qu'il attache au droit de chef-d'œuvre. C'est par sa traduction de la Bible que Luther a créé l'allemand moderne. C'est par la Divine Comédie que Dante a créé l'italien. C'est par ses poèmes que Malherbe a suscité notre français classique. C'est par Mireille que Mistral a recréé la lengo nostro.

Et Mistral a fait plus que recréer une langue. Il a été un moment de la conscience d'un peuple. Cette conscience survit aujourd'hui à Mûrevigne. Nous le savons de toute certitude.

Quand nous avons fait le détour par le mas des souches et des mûres comme dit Pierre Millet dans on magnifique article de Fe, nous revenions de Maillane. Or, à Maillane, les étroites allées du petit jardin ne nous avaient conduits qu'à des pièces désertes, à des portraits de fantômes, à une exposition de meubles hors du temps.
Mais le miracle s'est produit à Aigues-Vives, où nous avons enfin retrouvé Mistral, plus vivant, chez Peyre, que dans son Musée. 

René Méjean
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(In La France Latine, 
n° 64, avril 1955.)

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samedi 16 février 2013

Sextius-Michel : FELIBREJADO DE TARASCOUN

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FELIBREJADO DE TARASCOUN  
BRINDE



Sian touti de cansounejaire
Dins noste Paris miejournau,
Es pèr acô que me fai gau
De pourta 'n brinde de troubaire.

Beguen, messiés, au conse, au Maire,
A soun counsèu municipau.
Beguen tambèn un bon cigau
A Tarascoun, coume à Bèu-Caire.

Eici tout es grand, tout es bèu,
Lou pont, la glèiso, lou castèu.
Bèu-Caire a la tourre di Masco.

Mai, moun sounet, se l'ausissié,
Dirié segur lou rèi Reinié
« Felibre, oublides la Tarasco »



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jeudi 14 février 2013

Gabriel TOUZE-TAGANT : Frédéric Mistral au Lavandou

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Frédéric Mistral 
au Lavandou
Sur une idée de David
 Autant que je me souvienne des dires de ma grand-mère maternelle, cela s’est passé au printemps de 1866.

Mon grand-père, Hippolyte Cèze et ma grand-mère, née Sylvie Boglio, tenaient une boulangerie au Lavandou, hameau de Bormes. Mon grand-père aimait les poètes. Sans doute, c’est de lui que m’est venu, très tôt, mon amour de la poésie et ce besoin impérieux de chanter à mon tour.
Ce jour-là était un dimanche, un beau dimanche du mois de mai. Le Lavandou en fête recevait le poète provençal : Frédéric Mistral.
Calendal n’était pas encore terminé. Mireille, grâce au célèbre poète romantique, Alphonse de Lamartine, avait séduit les milieux littéraires parisiens. L’étoile de Mistral montait au firmament de la gloire.
Pour bien s’informer des choses de notre côte enchantée, l’enfant de Maillane était venu vers notre azur.
Le maire, les notables, s’étaient réunis au Grand-Hôtel de la Plage. Ce Grand-Hôtel, à cette époque, était bien modeste ; mais c’était le seul que possédait l’humble bourgade de pêcheurs. Certains d’entre eux avaient été invités.
Pour faire honneur au poète, les pescadous avaient fourni à M. Laugier, le propriétaire de l’hôtel, les plus grosses rascasses et tous les poissons indispensables pour préparer une succulente bouillabaisse. Mais pour le prélude ils avaient apporté deux corbeilles d’oursins.

Le maire, M. Toussaint Honnoraty, avait recommandé à l’hôtelier de bien faire les choses. Aussi cet excellent homme s’était mis en quatre. Croyant bien faire, il avait placé à côté de l’assiette de chaque convive une cuiller à dessert.
Mon grand-père était du festin. Au début du repas, il fit comme les autres ; c’est-à-dire qu’il se servit de sa cuiller pour recueillir, dans les oursins ouverts, les veines rouges ou orangées.
Cette façon de procéder était contraire aux habitudes des hommes de la mer. Eux avaient coutume, avec un bout de pain, de ramasser, en un geste circulaire, la bonne crème au goût salé qui sentait l’iode et tout l’univers sous-marin.
Oh ! comme ils étaient mal à l’aise ces pêcheurs simples mais dignes, qui ne voulaient pas avoir l’air ridicule en ce beau jour où l’amitié fraternelle honorait le génie !
N’y tenant plus, mon grand-père se leva et dit :

- « Messieurs, je m’excuse de prendre la parole ; puis, s’adressant au poète, ajouta : Car, Mèstre ! siou segu que mi coumprendrès. Nous aùtré avèn l’abitudo de manja leis orsin m’un tros de pan. Aco nous vaï. Mai émé la cuiéro sian coumo uno poulo qué vèn de trova uno clau ! Sabèn pas qu’èn faïré. Alors, sé voulès bèn, anan usa coumo à l’abitudo. »
Le fier poète se dressa ; puis de sa voix harmonieuse il lança : « Moun ami ! avès bèn fa dé mi dire quèto causo. Ignoravé vosto coutumo. Fau pas la chanja ! Aco va émé vosto vido. Zou ! manjan ensèn leis orsin émé lou pan dou Bouan Diéu ! »

Tous les convives furent d’accord ; et le rire fleurit sur les visages tannés des hommes bruns.
Quand fut servie dans la faùco de liège la bouillabaisse toute fumante, ce fut un cri de joie unanime qui la salua. Elle embaumait ! Toutes les couleurs de la terre et de la mer s’y mêlaient.
« Gramaci ! Gramaci ! meis ami », disait le poète charmé par les senteurs qui se dégageaient du mets resplendissant.
Alors tout le monde se leva, et tous en chœur, les Lavandourains, les Borméens et le chantre immortel de la Provence chantèrent à pleine voix la Coupo Santo.
Gabriel TOUZE-TAGANT,
« Le Pays de mes Amours », 
1978



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mardi 12 février 2013

Peireto Berengier : Louis-Agricòu Montagné

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Louis-Agricòu Montagné
(1879 – 1960)

Un pintre à Castèu-nòu de Gadagno

Louis Montagné, soun paire èro representant e fuguè abarri dins uno famiho que ié voulié faire estudia lou dre. Pamens, de tout jouinet, moustrè qu’èro fa pèr la pinturo e lou dessin. Pau Saïn lou remarquè qu’èron vesin. Louis Montagné lou seguiguè à Paris ounte rintrè lèu dins la bono soucieta e troubè sa bello plaço dins li mitan artisti. Proun sucès dins li saloun afourtiguèron sa noutourieta e daverè de bourso pèr viaja à l’estrangié, en particulié en Itàli.

En 1903, partiguè pèr l’Africo dóu Nord sus li piado d’impressiounisto coume Aubert Maquet.

En 1907, lou museon Calvet ié croumpè uno de si peto li mai grando : « Le Fort Saint-André ». Plus tard fuguè dóu nouvèu group dis artisto regiounau e dóu group di Trege ounte couneiguè en particulié l’escultour Pèire Gras, fiéu dóu capoulié.

Dóu tèms de la guerro, èro dins lou 118en RI e trevè li vilage arrouina. En Champagno reçaupeguè uno estello d’aubuso à la tèsto e perdeguè un iue. Pamens avié crouca sus lou viéu la vido vidanto de la guerro dins li trencado. Si dessin soun serva au Musée des Invalides à Paris.





En 1921 fuguè nouma direitour de l’Escolo di Bèus-Art d’Avignoun. Dès an plus tard, à Paris, rescountrè lou coumandant Charcot que lou menè pièi dins uno espedicioun poulàri sus lou Pourquoi pas. Ero un ilustratour e un pintre celèbre que fasié tambèn dins l’edicioun e la decouracioun. Pintre de la naturo, s’interessè peréu à la vido di campagno e i dedins d’oustau. Lou Museon Vouland d’Avignoun, ié rendeguè un bèl óumage en 2010 emé soun espousicioun « Intimités provençales ». Ero un mèstre di formo  e sa toco di mai delicado dins lis aquarello. Membre de la Coumessioun di Site e Mounumen Istouri trevè tóuti li regioun de Franço. Ié devèn la decouracioun d’uno partido dóu Train Bleu, lou famous restaurant de la garo de Lioun, à Paris. D’aiours, soun noumbrous lis artisto prouvençau que decourèron aquesto garo.

Proun endrudi e nouma Counservatour dóu museon de Vilo-novo d’Avignoun, Louis Montagné se croumpè lou doumaine de Pontmartin is Anglo e d’aro en lai partajè sa vido entre soun oustau e Paris ounte defuntè lou 12 de febrié 1960. Ero óuficié de la Legioun d’ounour despièi 1932.

La revisto municipalo de Castèu-nòu-de-Gadagno ié counsacrè un bèl article ilustra dins soun numeròde juliet 2012. Nous laisso noumbre de pinturo, aquarello e dessin forço presa dins li galarié e lis encan.

Louis-Agricòu Montagné, un pintre que lou devèn counèisse e presa.

Peireto Berengier




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dimanche 10 février 2013

UCHAUD : SOUVENI DIS AIGO D’ UCHAUD « Souvéni dis aiga d’Uchaou » - Chapitre sept

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SOUVENI  DIS  AIGO  D’ UCHAUD
(« Souvéni dis aiga d’Uchaou »)
 
Chapitre sept




Textes recueillis, mis en page & commentés 
Par Ive Gourgaud 
2013
 
 




En juin, la pompe est mise en état de marche… mais elle ne fonctionne toujours pas correctement ! Chacun donne son avis (parfois très technique) sur les disfonctionnements et les moyens d’y remédier



Pamen(s), lou 20 de jun, catre ouvriè arrivèroun
De Narbouno e, segu, la poumpo leu mountèroun.
- « Boudiu, quante atiral ! » faguè mestre Clavel,
« Semblo pa(s) que nous van mancha la Tour Efel ? »
Tóuti en se regardan(t), tamben n’i’a que blagàvoun ;
À tort ou à resoun, san(s) saupre discutàvoun ;
Disien : « Cresès que l’aigo arrivo au pieu d’Uchau(d) ?
Foudriè pa(s) que lou ven(t) nous faguèsse defau(t) :
Coumo on s’arenjarié que la rodo virèsse ?
S’acò veni’ariva, es pa(s) qu’on desirèsse… »
Respoundeguè Caran : « Boutas, coumo farian !
Nous metrian sèt ou iue, e farian viro-man ! »
Jujas se la plupar(t) esclatèroun de rire.
Valeto i respon(d) : « Es tout ce qu’as à dire ?
Qu’acò t’inquiète pas, per pau que fague ven(t)
La rodo virara, vai, bougre d’inoucen(t) ! »
- «Es pas à discuta, mis ami », fai Chazoto,
« Avèn pas de besoun de passa’nd’uno voto :
Acò’s tan(t) ben mancha que lou mendre péu d’er
Nous tendra toujour d’aigo au foun(s) dau reservouer. »

Coumo poudès pensa, l’aguèroun léu manchado.
Se diguè dinc Uchau(d) : « Deman din la journado
Van ensaja la poumpo ; s’agis que boufe un pau,
Que fague’itan(t) de ven(t) que l’alen d’un mouissau… »
Marchè pas tout-à-fet coumo on lou desiravo :
De segu fasié ven(t), la rodo plan viravo
E n’i’avié que disien : « De que diable i’a doun(c)
Que s’ar(r)este, que vire à bélli tourbihoun ? »
- «  De que i’a ! Vesès pa(s) qu’es de travès, la coueto,
Que i copo soun ven(t) ? Es quicon que la freto
Per la teni’n respe(t)  au biai(s) dau ven(t). »
Numa i faguè : « Blagas, e i entendès pa(s) ren !
Mè pamen(s) i’a quicon, foutre! que doun(c) l’empacho :
Es beléu lou clape(t) qu’à forço s’engavacho… »
- « E ben, de que voulès, » nous faguè Bergeroun,
«  Selon iéu marchara, la [t]rove ben d’aploum(b).
Tout ce que i’a, crese que ven dau bistirajo :
Per lou faire passa, fòu pa(s) plagne l’o[u]nchajo.
Virés din(s) quàuqui jour qu’aiçò marchara proun :
Fòu que li coussine(t) véngoun din soun aploum(b). »



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Notes

1. « Viro-man » est traduit dans le TDF de Mistral par : « tour de main », mais l’expression d’Uchaud « Faire viro-man » n’y est pas consignée. On suppose que la « solution » proposée ici est de faire tourner (« vira ») la roue à la main !
    2. « Passa’nd’uno voto » doit se comprendre : « passer par un vote, avoir recours au vote ». La forme « voto », au masculin, est donnée comme marseillaise par le TDF de Mistral. La forme d’Uchaud, clairement féminine (« una vota » dans le texte original), apparaît donc comme une nouveauté pour le lexique provençal.
3. « Bistirajo » : on fera la même remarque pour le mot féminin « bistiraja » (forme du texte original) : TDF note seulement « bestirage » au masculin (action de traîner en longueur, du verbe « bestira »)
4. « Ounchajo », qui rime avec « bistirajo » avec une graphie clairement féminine (« Onchaja » dans le texte original), est un mot inconnu de Mistral, qui n’a noté que « Ounchaduro » pour l’action d’oindre. On notera que le suffixe –age / -aje, normalement masculin en langues d’oc comme en français ou en castillan, est (sous sa forme –agem)  féminin en portugais.
5. L’abondance des graphies « pa » du texte montre bien que la graphie « pas », qui est la norme mistralienne provençale, entre ici en concurrence avec la graphie « pa » qui correspond à la prononciation réelle et qui est la norme mistralienne cévenole actuelle. Il est donc clair, dans ce texte en graphie patoisante, que la graphie « pas » est inspirée par le français. 



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vendredi 8 février 2013

J.E. Catelnau : LOU PARA-PLOJA

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LOU PARA-PLOJA

Atendièi l'oura e lou moumen
Qu'assadoulat de languimen,
Un rai de fèsta
Venguèsse foundre lou mau-cor
Que rousiga moun paure cor ;
Vè, dins ma testa
Fa tant de bruch, tant de rambal,
Qu'ausisse lou branle infernal...

Mes de l'espéra benurada,
Couma quand pouncheja à la prada
La flou, quicon vèn d'espeli,
E m'envau pèr tus lou culi ;

A la clartat de las estellas,
A la dau sourel agradiéu,
Ounte dansou las farfantellas,
Veici ce qu'ai causit, Roumiéu

Eiço que sembla un amusage,
Que se barra e s'oubris en l'èr,
Que fai cabussel au mariage
E met Roubinsoun à coubèrt.

A la premièira remassada,
Voudrièi, se siès lion dau maset,
Que pèr landà vers ma nisada
T'aparèsse, amie Louviset.

Se jamai la pou t'acousseja,
Vaqui pèr negà toun esfrai,
Deguèsson n'en crebà d'enveja,
De que béure un copet de mai.





Lou 24 d'Avoust de 1884 



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mercredi 6 février 2013

Peireto Berengie : Mistral en moudèle & un pouèmo

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Mistral en moudèle




Dins l’estiéu, lou journau « La Croix » publiquè uno tiero d’article sus « les belles dictées ». Se foundavo sus « de tèste d’escrivan celèbre » pèr moustra à bèus iue vesènt li dificulta de la lengo franceso.

Quau vous a pas dis que, lou 13 d’avoust, la proumiero ditado causido èro levado dóu plantié, dins li « Memòri e raconte ». Mostron alor la diferènci entre l’imperfèt e lou passat-simple e coume Mistral avié forço bèn revira soun tèste en gardant li nuanço di dous tèms.

Presènton tambèn Mistral « écrivain et lexicographe français de langue provençale », soun obro, lou pres Nobel e lou Felibrige coume uno assouciacioun de vuei « une organisation culturelle ayant pour objectifs la sauvegarde et la promotion de la langue et de la culture des pays d’oc par l’intermédiaire de disciplines artistiques et littéraires, de l’enseignement et des médias. »

I’a de journalisto que sabon…


Peireto Berengie


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lundi 4 février 2013

Uchaud : SOUVENI DIS AIGO D’ UCHAUD - (« Souvéni dis aiga d’Uchaou ») - Chapitre six

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SOUVENI  DIS  AIGO  D’ UCHAUD
(« Souvéni dis aiga d’Uchaou »)
Chapitre six




Textes recueillis, mis en page & commentés 
Par Ive Gourgaud 
2013


En décembre, tout se met en place, du réservoir aux canalisations. On promet à la population l’eau courante dans les six mois à venir. Un plaisantin préférerait voir couler du vin. On installe les fontaines, puis la pompe… mais sans la connecter, ce qui fait que les gens actionnent en vain le système d’arrivée d’eau des fontaines…



Lou dous decembre, enfin, dous ouvrié arrivèroun
Dessus lou piéu d’Uchaud lou reservouèr tracèroun,
E quàuqui jour après, venguè’n mouloun d’ouvrié,
E’co d’aqui marchè miel que ce que l’on cresié.
Jujas se sian counten(t) ! De joio l’on bavavo
De veire chaco jour lou traval qu’avançavo :
Lis un au reservouèr, d’autres au lavadou,
‘Co d’aqui seguè fa coumo un passo-debou(t).
Piei venguè lou moumen di canalisacioun :
Pausèroun li tuiéu em(b) tan(t) de precisioun
Que din pa(s)-ren de tems, tout acò seguè’n plaço.
- « Manco pas que li fon(t) », un jour me fai Latrasso,
« Endé la poumpo au pous, e quand fara de ven(t),
Nòsti fon(t) rajaran, seren tóuti counten(t). »

Juste end’aquel moumen, Moussu Damon passavo,
Mai aguè leu coumprès de ce que l’on parlavo ;
Nous dis en sourisen(t) : -« D’aqui au 10 de jun,
Soulide qu’aurès d’aigo per coire « las legum » !
- « D’aigo ? » fai Mazamet, « mai laissas l’aigo coure,
Fasès veni de vin, que beguen à plen moure !
Po(t) servi qu’i granouio ou ben per li canar(d),
Pa(s) que de n’en parla, fai frissouna mi car ! »

Enfin, sans trop tarda, placèroun li fonneto.
Tóuti, on se disié : « Qu’an bono façouneto !
Coumo l’entrepenur a’gu foço de gous(t),
Anan rendre Bernis amai Vestri jalous ! »
-« Voilà bien le public ! », nous fai alor Lesage,
Toujour din(s) soun francès, « Il crie et fait tapage
Sans rime ni raison, et dans moins d’un instant
Il a changé d’avis et le voilà content ! »

Desempiei quàuqui tem(s) la poumpo èro ar(r)ivado,
Mai save pa(s) per que seguè pas leu manchado :
Acò fai que souven(t) n’on vesié li passan(t)
(S)’ar(r)esta à’no fon(t) e quicha’pleno man !
Lou pu béu seguè’n jour un qu’èro’n bicicleto,
Que, poussa per la se(t), s’abrevo à la fonneto :
Quicho que quicharas, avié beu à quicha…
Se dis : « Aquel clape(t) deu estre engavacha ! »
Louiso i faguè : -« L’aigo ven, es en routo ! »
Avié beu à quicha, sourtié pas uno gouto,
E s’avié pa(s) passa Felis, lou counseié,
Encaro i sarié, beleu, que quicharié !




Note : « las legum », ainsi écrit dans l’original et mis en italiques, semble bien être une expression de la vieille langue d’Uchaud, qui ne serait donc passée que récemment au provençal et à ses articles pluriels en LI. On a un autre exemple de passage récent du cévenol au provençal, c’est le long texte de Germain Encontre qui prouve que le parler de Marsillargues était pleinement cévenol vers 1840, alors que l’atlas linguistique du XXe siècle prouve que les articles provençaux en LI y sont aujourd’hui les seuls usités. Voir plus haut notre note du Chapitre 4 à propos de la proximité linguistique entre provençal de cette région et cévenol. Signalons qu’Aubais, au sud-est de Sommières, est de langue cévenole (d’après des écrits de son prosateur Arthur Mabelly)


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samedi 2 février 2013

Peireto Berengier : Andriéu Chamson e Frederi Mistral

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F. Mistral - inauguration du buste M. Lacroix - La Grand-Combe


Andriéu Chamson e Frederi Mistral


« Mistral chez les Cevenols », es lou titre oubrage que vèn d’espeli.

L’autour, Jan-Louis Rouyre*, de Saumano dins lou Gard, es un afouga de Mistral e d’Andriéu Chamson. Un cop à la retirado, se groupè à l’obro pèr mena ensèn si dos passioun.

Autambèn, un recuei de tóuti li tèste ounte Andriéu Chamson parlo de Mistral, de « Mirèio » e de nosto lengo, vèn d’espeli souto uno cuberto poulidamen coumpausado e acoulourido pèr la felibresso dono Chamand Debenet, emé Mistral e lou pont dóu Vigan.
Dins un avans-prepaus di miés encapa (e segui d’uno prefàci de Frederico Hebrard), l’autour nous presènto soun travai emé fogo e passioun.

Un oubrage de mai dins la biblioutèco mistralenco que bouto à l’ounour dóu mounde de tèste rare e trop desóublida.


Peireto Berengier





* Jan-Louis Rouyre es tambèn l’autour d’oubrage liga i biòu e à la Camargo.
- L’oubrage de 67 pajo, costo 9 € sus lou site