mardi 29 décembre 2009

Yves Gourgaud, Langue et littérature cévenoles (du XVIIe siècle à nos jours)

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Nous clôturerons l'année 2009 par le début d'un feuilleton, linguistico-historique, sur la langue cévenole, qu'il n'en déplaise à certain ce texte est en Français.

Marsyas 2 a cette volonté de pont entre les langues, les parler, les patois, toutes les expressions du monde, la tour de Babel...des pays d'oc !

Et pour ponctuer cela, ce soir au moment où je vous écris, le 85 ème pays visiteur du blog se joint à nous, d'autant qu'il s'agit d'un pays, d'une langue d'un peuple qui ont beaucoup souffert :l'Arménie... tout un symbole !

Voilà bon bout d'an
, & je ne vous dit pas le reste !


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Yves Gourgaud :Langue et littérature cévenoles (du XVIIe siècle à nos jours)

INTRODUCTION

De la langue au pays

Dans une des plus célèbres pages de ses Mémoires et Récits, Frédéric Mistral nous fait assister à la genèse d’une vocation à la fois littéraire et patriotique :
« Et là même, -à cette heure j’avais mes vingt et un ans- le pied sur le seuil du Mas paternel, les yeux vers les Alpilles, en moi et de moi-même, je pris la résolution : premièrement, de relever, de raviver en Provence le sentiment de race /.../ ; secondement, de provoquer cette résurrection par la restauration de la langue naturelle et historique du pays /.../ ; troisièmement, de rendre la vogue au provençal par l’influx et la flamme de la divine poésie. » (édition Rollet, page 389)
Le génie de Mistral est d’avoir compris qu’une « race » (lisez : un peuple) n’est rien sans sa langue, et qu’une langue n’est rien sans la « poésie » (lisez : la littérature) : en ce qui nous concerne, nous remplacerons l’idée de « race » ou de « peuple » par celle de Pays, bien plus concrète et moins susceptible de dérives politiques. Dans la perspective ouverte par Mistral, nous affirmons que la littérature cévenole permet de caractériser la langue cévenole, laquelle permet à son tour de définir concrètement un pays Cévennes : l’espace dans lequel on peut entendre notre langue et/ou lire notre littérature.

Des différentes Cévennes

Notre « pays Cévennes » ne veut pas se substituer aux autres « Cévennes » : il n’est qu’une façon d’envisager un espace en fonction de critères définis à l’avance. Il est donc appelé à côtoyer d’autres « pays Cévennes » qui ont chacun leur intérêt et leurs partisans. En voici trois parmi les plus intéressants :
Les Cévennes de la géographie : c’est l’espace le plus vaste et aussi le moins précis, comme le reconnaît Jean Susini dans l’avant-propos de son Histoire littéraire des Cévennes :
« Les géographes ne sont pas toujours d’accord entre eux qui, jadis, en faisaient la bordure orientale du Massif Central, du Naurouze au Morvan, mais les réduisent aujourd’hui à la chaîne comprise entre l’Aigoual et le Lozère. » (page 7)
Prenant acte de ce flou géographique, Susini n’hésitera pas à inclure dans ses Cévennes littéraires d’expression française (sur les 200 pages de l’ouvrage, il n’y en a que trois consacrées à la littérature d’expression cévenole) le romancier Ferdinand Fabre, qui est de Bédarieux, bien plus près de Béziers que d’Alès...
Les Cévennes de l’ histoire sont certainement les plus connues de nos jours : il s’agit de cette fameuse « Cévenne des Cévennes » popularisée par les Camisards puis par Stevenson et dont l’ouvrage de Paul Fabre : Dictionnaire des noms de lieux des Cévennes (Bonneton 2000) donne en page 9 une claire délimitation :
« Au nord, nous ne dépassons pas le mont Lozère, à l’est la plaine d’Alès, à l’ouest nous n’abordons pas les Causses, au sud, enfin, nous n’allons guère au-delà d’une ligne passant par Le Vigan, Ganges, Saint-Hippolyte-du-Fort. »
Pendant longtemps, nous nous en sommes tenu à cette « Cévenne des Cévennes » pour étudier et valoriser notre littérature et notre langue. Nous faisions confiance et à Susini et à Cabanel pour nier l’existence d’une Cévenne administrative dont les contours seraient officiellement et précisément définis : en 1949, Jean Susini affirmait (op. cité, page 7, première phrase de l’ouvrage) que « les Cévennes /.../ n’ont jamais constitué, dans notre France, une division administrative. ». Et Patrick Cabanel, dans son Histoire des Cévennes (PUF 2007, page 9) reprend : « De définition politique ou administrative, en effet, elles /= les Cévennes/ n’ont jamais eu. ». Or nous avons pu découvrir l’existence d’une entité administrative cévenole :
Les Cévennes de l’administration royale : on les voit apparaître dans un ouvrage de 1663 : Description de la France et de ses provinces dont l’auteur, P. Duval d’Abbeville, est le « Géographe ordinaire du Roy ». Dans la « Table des provinces » décrites par l’auteur, on trouve, entre « Champagne » et « Dauphiné », la mention explicite de « Cevennes, p. 206 », l’auteur prenant soin de préciser que « cette Table est seulement des grandes Provinces de la France ». Un peu plus loin, l’auteur présente « une Table des 12 grands Gouvernements de la France, qui furent assemblés en la tenue des Estats Généraux du Royaume, l’An 1614, avec leurs Villes Capitales » : on y découvre que le « grand Gouvernement » de Languedoc est divisé en deux : le Languedoc (proprement dit) avec pour capitale Toulouse, et les Cévennes avec pour capitale Viviers. Il est donc bien clair qu’il existe une entité administrative « Cévennes » distincte de l’entité « Languedoc », Viviers étant placée sur le même plan que Toulouse. Cette distinction se confirme page 194 : on y lit que « le Languedoc est comme renfermé entre la Méditerranée, les Pyrénées, la Garonne, le Tarn, les Cévennes et le Rhône. »
La description des Cévennes occupe les pages 206 à 210 de l’ouvrage : « Les Cevennes sont des hautes Montagnes /.../ aujourdhuy elles communiquent leur nom au Vivarais, au Givaudan & au Vellay qui font partie du Grand Gouvernement de Languedoc, chacune de ces trois Provinces tient ses Estats en particulier apres la tenuë de ceux du Languedoc : Viviers, Mende & le Puy en sont les Villes capitales. » (pages 206-207)


Les Cévennes littéraires et linguistiques

On le voit, selon qu’on accepte des données géographiques, historiques ou administratives, on obtient un « pays Cévennes » chaque fois différent ; notre Cévenne à nous, le pays de la langue et de la littérature cévenoles , offre un quatrième espace, plus vaste que la « Cévennes des Cévennes » mais plus restreint que les Cévennes géographiques ou administratives. En voici les contours :
Les Cévennes de la langue et de la littérature s’ inscrivent grosso modo dans un quadrilatère qui s’allonge du nord-est au sud-ouest, et dont les quatre extrémités sont :
Au nord-ouest : Langogne (Lozère)
Au nord-est : Aubenas (Ardèche)
Au sud-ouest : Nant (Aveyron)
Au sud-est : Sommières (Gard)
L’essentiel de ce territoire est constitué par l’est de la Lozère, le sud de l’Ardèche, le nord et l’ouest du Gard. Les pays de Nant dans l’ Aveyron et Ganges dans l’Hérault en font également partie. Le centre de ce territoire est traversé par l’axe routier Alès – La Grand Combe – Florac, et l’axe Aubenas – Le Puy marque sa limite septentrionale. Un autre axe traverse en entier notre Cévenne (du sud-est au nord-ouest) : il relie Sommières à Alès (N 110) puis Alès à Langogne (D 906). Parallèlement à l’axe Alès-Florac, on va de Lédignan à Florac par Anduze et la célèbre Corniche des Cévennes. La traversée Nant-Aubenas (du sud-ouest au nord-est) est moins évidente, par Le Vigan, Saint-Hippolyte-du-Fort et Anduze jusqu’à Alès ; ensuite on longe facilement les montagnes cévenoles par Saint-Ambroix jusqu’à Aubenas.
Bien entendu, les tracés de notre quadrilatère ne sont qu’approximatifs : Vals-les-Bains en Ardèche, Châteauneuf-de-Randon en Lozère et Lussan dans le Gard sont de notre langue ou de notre littérature, bien que situés un peu en dehors du quadrilatère ; en revanche, des villages de la pointe sud-est sont de langue provençale comme le sont Uzès et Nîmes.



LA LANGUE CEVENOLE

Sa réalité est mise en doute par bon nombre de « spécialistes » qui s’en tiennent à la classification traditionnelle : le cévenol n’étant qu’un sous-dialecte du groupe languedocien, il est classé avec le montpelliérain comme « languedocien oriental ». Sans entrer ici dans des analyses ou des démonstrations précises, on remarquera que dès 1900, c’est un linguiste, et un linguiste montpelliérain, Léon Lamouche, qui est obligé d’avouer que le cévenol n’a que peu de rapports avec le « languedocien », et même avec le « languedocien oriental » que Lamouche connaît parfaitement bien puisqu’il est l’auteur d’une grammaire du montpelliérain. Si l’on en croit (référence bien plus actuelle) le site internet Wikipedia, le dialecte languedocien se caractérise par les traits distinctifs suivants :

« le maintien des occlusives finales : cantat [kantat] (en provençal : [kãnta] ) » : une bonne partie des Cévennes disent, comme les provençaux, « c(h)anta » et non « c(h)antat »

« le maintien de l' s final : los òmes [luz omes] (en provençal : [lejz ome]) » : même remarque qu’en 1)

« la chute de l' n final : occitan [utsita] (en provençal : [usitãn]) » : en cévenol, l’ N final est soit muet : barou (« barreau ») soit présent (il nasalise alors la voyelle précédente) : baroun (« baron »)

« la non-palatalisation des groupes CA et GA : cantar, gal (en auvergnat : chantar, jal) » : l’essentiel du pays cévenol ardéchois et lozérien dit « vacho», « jalino »

« le maintien de l' -l final non vocalisé : provençal (en provençal et en gascon : provençau) » : en cévenol on dit sourel mais cevenòu, et on oppose pèl (« peau ») et pèu (« poil »)

« l'indistinction de b et v (bêtacisme) : vin [bi] (en provençal : [vin]) » : le cévenol (sauf en Lozère) maintient la distinction entre B et V

On voit clairement que sur les six critères choisis pour définir le languedocien, aucun ne peut servir à caractériser l’ensemble cévenol. Et si l’on prenait pour « cévenol de référence » le type alésien (qui fournit à lui seul les trois quarts de la littérature cévenole), alors on constaterait que sur les 6 critères qui définissent le languedocien, un seul peut s’appliquer au cévenol (type « canta » plutôt que « chanta »).

Le cévenol est ainsi défini « en creux », en négatif : il ne peut pas être du languedocien, selon les critères généralement adoptés. Et comme personne n’a encore pensé à le définir comme de l’auvergnat ou du provençal, on est en droit de se poser la question de la validité de ces découpages dialectaux traditionnels : le pays cévenol, manifestement, résiste à ce type de classification.
On en aura une autre preuve, et de taille, si on consulte l’énorme ouvrage de référence du félibre Jules Ronjat : Grammaire istorique des Parlers Provençaux Modernes (4 volumes, 1930-1941 ; le dernier est consacré aux dialectes) : chaque fois qu’il s’agit de caractériser un groupe de parlers cévenols, des problèmes de classification surgissent, en dépit de l’idéologie de l’auteur, partisan déclaré de l’unité de la « langue provençale » et de son découpage en grands dialectes (limousin-auvergnat, provençal, languedocien-guyennais, aquitain et alpin-dauhinois, cf. tome IV, pages 5-6). L’alésien est certes déclaré « languedocien », mais c’est surtout sa similitude avec le parler de Nîmes (donc le provençal) qui ressort page 14... Page 19, c’est le gévaudanais qui fait problème : il est censé être de l’ « auvergnat » au nord et du « languedocien » au sud, mais Ronjat remarque que « les parlers de ce pays forment un ensemble relativement uni, grâce à plusieurs traits communs importants ». Quant au « vivarais sud » qui est traité page 46, il est encore plus évident que la classification traditionnelle y est prise en défaut : selon elle, il faudrait classer ce pays dans l’ « auvergnat » ! Or, après un examen assez minutieux des caractéristiques de cette région, Ronjat en arrive à la conclusion suivante : « En somme, l’habitus général de ces parlers donne à l’auditeur l’impression d’un languedocien avec « cha » (cf. gévaudanais), et l’essentiel de l’analise confirme cette impression » Et Ronjat conclut assez piteusement : on a placé /le vivarais sud/ ici par raison géographique !
Du côté des occitanistes, on retrouve exactement le même malaise : dans sa Gramatica occitana Alibert inclut d’office toute la Lozère dans son « dialecte languedocien » alors que plus des deux tiers du département disent « chanta » et non « canta ». Et lorsque le linguiste B. Moulin, dans sa Grammaire occitane /du/ parler bas-vivarois (Institut d’Etudes Occitanes 2006) veut « situer dans l’ensemble occitan » des parlers qui, selon sa propre idéologie, ne peuvent qu’être « auvergnats », il aboutit exactement à la même conclusion que le félibre provençaliste Ronjat : « En conclusion /.../ il paraît légitime de considérer l’occitan de la région d’Aubenas, et du Bas-Vivarais en général, comme du languedocien nord-cévenol » (page 9). Ronjat est d’ailleurs cité à la suite de ce jugement, pour confirmation : « il /Ronjat/ établit un parallèle avec le gévaudanais, quant à cet aspect général de languedocien nord-occitan »
On est dans la plus totale des contradictions : le « languedocien » selon Ronjat et Moulin (plus généralement : selon le Félibrige et l’occitanisme) est un « dialecte sud-occitan » qui exclut CHA- ou JA-, ces traits caractérisant au contraire le « nord-occitan ». Dire, comme le fait B. Moulin, que le Vivarois sud et le Gévaudanais sont du « languedocien nord-occitan » est un parfait non-sens, le languedocien étant toujours défini comme « sud-occitan », et le « nord-occitan » excluant absolument le languedocien. Mais à travers cette contradiction (insurmontable si l’on veut rester « occitan » ou « félibre » tendance historique), Bernard Moulin donne (sans doute bien malgré lui, mais peu importe) la clé qui nous mène à la sortie : écrire que le Vivarais méridional est du « languedocien nord-cévenol », c’est admettre l’existence d’une réalité linguistique cévenole, qui certes ne peut être classée comme « languedocienne » (voir plus haut) mais qui est bel et bien du « nord cévenol »
Car cette impossibilité à classer le cévenol (alésien, gévaudanais et vivarois) dans les schémas de la vieille tradition linguistique nous amène inéluctablement, si l’on veut sortir des contradictions, à postuler l’existence d’un groupe linguistique autonome qui n’est pas un autre « dialecte occitan » mais tout simplement une langue à part, la langue cévenole : cette langue est en contact entre les langues d’Auvergne, de Provence et de « Languedoc » (les guillemets marquent notre scepticisme quant à l’existence réelle d’une « langue languedocienne », mais ce n’est pas aux Cévenols d’entrer dans cette discussion), il n’est donc pas surprenant que le nord-cévenol ressemble à de l’auvergnat, le cévenol oriental à du provençal et le cévenol occidental et méridional à du « languedocien ».
Si l’on veut maintenant définir la langue cévenole autrement qu’ en négatif (« ce n’est pas du languedocien, ni du provençal, ni de l’auvergnat »), on pourra établir, sur la base des parlers les plus représentés dans la littérature (les parlers alésiens donc, cf. plus haut) une liste de caractéristiques. Mais là encore nous nous méfierons de la typologie linguistique traditionnelle, qui, selon nous, fait une place excessive à la phonétique d’une part, et à la diachronie de l’autre. Nous voulons défendre et promouvoir une langue et une littérature vivantes, et l’étude de l’évolution historique des mots et de leur prononciation depuis l’époque latine nous semble un exercice assez vain dans cette perspective : nous nous adressons à un public qui n’est pas formé à la linguistique ni aux langues anciennes. Nous avons donc préféré établir une liste de « marqueurs d’identité linguistique » (MIL) à partir de l’observation des textes alésiens modernes (de La Fare à nos jours). Voici une première liste de vingt MIL :

1)imparfait de l’indicatif en –AVIAN, -AVIAS
2)passé simple en –ÈN, -ÈS : parlèn, diguès...
3)imparfaits et conditionnels en -E- : disièi, voudrièu...
4)imparfait du subjonctif en –ESSIAN, -ESSIAS
5)présent du subjonctif en -I- : que vendie, que bàtiou...
6)SIÈI « je suis »
7)SIÈS « tu es »
8)SIAN, SIAS « nous étions, vous étiez »
9)Radical S(I)EGU- au subjonctif présent : que siègue...
10)radical FOU- (/ Fau-) « falloir » : foudre, fòu, fouiè...
11)infinitif AVEDRE « avoir »
12)DAS, défini contracté du pluriel « des »
13)NOSTE, VOSTE (sans R), adj. possessifs
14)EM(B)É « avec » (forme en E-)
15)Terminaison –IÈIRO : galinièiro, premièiro...
16)Terminaison –ARIÈ : fadariè...
17)TUS « toi »
18)NAUTRES, VAUTRES (formes contractées)
19)LUS « leur, leurs »
20)MI, TI, SI, NI (« me, te, se, en »)

Nous avons confronté cette liste avec les données linguistiques du pays cévenol telles qu’elles apparaissent en particulier dans l’ ALMC (Atlas Linguistique du Massif Central) pour la Lozère et l’Ardèche : cette confrontation nous a permis de délimiter nos Cévennes au nord. En effet, au-delà des limites que nous avons assignées à ce pays cévenol, on ne trouve pratiquement plus aucune affinité linguistique. C’est tout spécialement le cas en Rouergue, en Velay, en Vivarais nord et centre, qui au mieux ne connaissent que 10 ou 20% de nos particularités cévenoles : si on songe que Velay et Vivarais constituaient la Cévenne administrative (voir plus haut), on comprendra que les limites administratives et linguistiques, ici comme ailleurs, ne coincident guère. Pour le sud du domaine, c’est surtout avec les textes littéraires que nous avons confronté notre liste, et les résultats ont dépassé nos espérances : ce fut pour nous l’occasion de constater que le conformisme continuait à faire bien des ravages, et que nous en avions été jusqu’alors la victime. Par exemple, les historiens de la littérature d’oc classent sans broncher Jean-Baptiste Favre de Sommières ou Pierre Guérin de Nant comme des auteurs d’expression « montpelliéraine » pour le premier et « rouergate » pour le second, alors que notre étude nous pousse à affirmer que l’un et l’autre sont d’expression cévenole. Il en va de même pour Jean Michel « de Nîmes » ou le gévaudanais Baldit, dont la langue, qui est celle de notre coin nord-ouest cévenol, est bien décrite dans l’ALMC (point n° 30).
On voit ici que les notions de « pays cévenol », « langue cévenole » et « littérature cévenole » sont indissociables, et que seule une approche non dogmatique permet de les mettre en évidence, chacune d’elles appuyant et éclairant les deux autres. Bien sûr, ces trois réalités sont aussi confortées par le sentiment des populations concernées : après avoir constaté que le long poème décrivant les eaux de Saint-Laurent-les-Bains s’inscrivait géographiquement dans notre pays cévenol, ce fut un réconfort et un encouragement de lire, dans le site internet de la commune, que Saint-Laurent est « un bout de Cévennes en montagne ardéchoise ».


Cette « fierta cevenolo », cette volonté souvent modeste, parfois têtue d’être cévenols, nous semble la preuve la plus forte de notre existence littéraire et linguistique. Et pour conclure cette introduction, nous ferons nôtre le jugement que Jean Susini publiait en 1949 dans son Histoire littéraire des Cévennes :

« Ce qu’il / Henri Ghéon / nous dit de la Cévenne ardéchoise s’appliquerait tout aussi bien aux Cévennes en général, à la Gardonnenque comme au Vivarais. Il y a, entre les massifs de l’Aigoual et du Lozère et la plaine littorale, la même variété de paysages, de moeurs, de dialectes /.../ Les Cévennes tiennent à la fois de l’Auvergne, du Languedoc et de la Provence. Elles participent du Nord et du Midi. Le rigoureux climat des hautes cimes y lutte avec les douceurs rhodanienne et méditerranéenne. L’exubérance méridionale s’y tempère des exigences de la vie intérieure. Ce pays de contrastes échappe parfois à l’analyse parce qu’il n’a jamais eu de limites bien arrêtées. En face de la plaine monotone, la variété des Cévennes -il y a plusieurs Cévennes, comme l’indique le pluriel de leur nom- est une source de beauté. Les influences opposées qui s’y rencontrent en font la terre d’un sage équilibre, aussi éloignée de la froideur nordique que de la pétulance méridionale. » (pages 36-37)

(à suivre)

décembre 2009
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Pierre Millet : Temps perdu & Trelus (Gloire) 2 poèsie -1950

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Pierre Millet fut ma révélation poétique & sensible de cette année 2009, pour la conclure, ces 2 poèmes tirés de son recueil de 1950 la Drahio... Emotion!


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TEMPS PERDU

(1)

L'illusion d'un temps qui s'écoule
Fait de jeunesse et de beauté
A chaque instant heurte sa houle
Aux récifs de l'Eternité ;
Mais tout n'est que vide et silence,
Je n'exhume rien du Passe
Qu'une miraculeuse absence
Où le rêve s'est renversé.


(2)

Ne crains pas la nuit dont le vœu t'appelle
Rosé du temps pur ;
Un double désir te forme éternelle
Au seuil de l'azur.

Ton cœur en s'ouvrant refoule cette ombre
Mais elle a porté,
Comme font les mots liés par le nombre,
Ton poids de Beauté.


(3)

Quand nous serons, mêlés au sable
Une boue informe et fétide,
Toi qui nous donnes la lumière,
Seigneur, daigne te souvenir.

Car sur le dernier promontoire
Qu'assiégeait la plainte de l'ombre
Nous avons crié vers ta gloire
Qui brillait à travers la terre.




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TRELUS

La raisso contour de rassado,
D'un biais sutiéu,
Chato enfin nuso t'a mesclado
Au pur estiéu.

Siés Ion soulèu gounflant l'estello
De si raloun,
Bèuta floutanto dins si vélo
D'ilusioun.

Vaqui sauna coume une espaso
L'astre de car,
Quand d'aubo lusènto e de braso.
Briho la mar....


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GLOIRE


L'averse couleur de lézard,
Subtilement,
Fille enfin nue t'a mêlée
A l'été; pur.

Tu es le soleil gonflant l'étoile
De ses rayons,
Beauté flottante dans ses voiles
D'illusion.

Voici comme une épée qui saigne
L'astre de chair,
Quand d'aube luisante et de braise
Brille la mer...


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vendredi 25 décembre 2009

Sur une idée de François Simon : Nicola DAL FALCO

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Mon Ami François Simon, grand connaisseur & esthète de la chose italienne, nous propose en cette fin d'année de découvrir l'oeuvre de Dal Falco, oeuvre poétique singulière & directe. Elle mérite plus qu'un coup d'oeil tant sa symbolique est avangardiste & profonde...

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Nicola DAL FALCO vive a Lucca. Giornalista, critico d'arte, elzevirista, poeta, si dedica ora allo studio, a fin di pubblicazione, del diario di suo padre, che fu ministro della sanità in vari governi democristiani. Conosce assai bene la Francia, specie la Provenza. Vi ha trovato la luce che funge da fondamenta per le sue strutture pittoriche, e di cui ci propone, oltre ad alcune poesie di vibrante ispirazione, qualche campione che rallegra l'occhio e il cuore.



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tempio,
ciò che divenne albero e a questo aggiunse
la cavità della speranza,
a tutti i luoghi la ricerca del luogo,
l’albero-cripta, il cielo-caverna…

architettura è luce, malinconia del costruire un dove.


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è la stessa brezza che tinge il tramonto,
che, socchiudendo gli occhi, rende diafana
l’aria, colmando dentro il cuore
di un sapore, una rotta d’uccelli,
come un boccale,


allora, ti accorgi che vale poco
l’altezza del cipresso e molto,
molto di più, il cammino del vento:
scaltrezza di nuvole,
giro d’anche e di numeri...


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jeudi 24 décembre 2009

LE NOËL DE MATY en Lyonnais

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Une vue depuis Fourvière

Un ami lyonnais m'a envoyé ses voeux à travers cette chanson en "parler" de la capitale des Gaules.
Les langues d'Oil & Franco-provençales n'ont pas résistées à l'avancée du français, donc au
lieu de vous transmettre un énième Noël de Sabolly, voilà un Noël de Maty.

Chanson d'un temps où les fêtes avaient une valeur symbolique & non ... mercantile!

Boun Nouvé o Nadau, coumé vouras!!!

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LE NOËL DE MATY

1751

(Ce Noël est extrait du Recueil de Noëls nouveaux sur la naissance de Notre-Seigneur Jésus- Christ, imprimé à Lyon, en 1752, par Jean-Denis Juttet; il fut réédité par Philipon dans Lyon Revue, 6 e année, nouvelle série).

Maty, réveillez-vous
Maty
Metti la testa à la fenestra
Y a gran bru dans lo quarti

Levi vo per vey (bis)

Ce qui pou etra.

Quey ! vos a moda si matin !
Vos ne craigni po l'oura fraicha;
Ay dion qu'en l'étable à Martin
Diu nos est nacquis (bis)
Den una crécha.

A queu brut !
Tu ne mens pas,

Je pensave que tu voulais rira;
Allons-y vito de celo pas !
Comme e tant de monde (bis)

Per le charrira !

Diu sai sayen et mai deden
Y est don vo qu'êtes sa mara?
Joie in branlo si vo pla
Y accuragera (bis)
Sa pouvra mare.

Dame que lui donny à teta,
Dites no qu'il est venu faira,
Es-ty venu per no racheta ?
Cely pouvre enfant : (bis)

Y aura affaira.


A qu'y est joli cet enfan,
Y ressemble una genty image;
Encore un branle s'y vo pla,
Y desennoycra (bis)
Sa pouvra mare.


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vendredi 18 décembre 2009

Fernand MOUTET : LA BÒRI

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La poésie, brute, de F. Moutet est un réel plaisir en ce jour d'hiver ; une madeleine de Proust ??? L'homme seul sur le chemin de la vie, un morceau de Parménide, la Grèce éternelle !

Quelques informations sur ce poète sur ce lien.



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LA BÒRI


Ai camina long-tems dins la bourrasco,
Dins la bourrasco di grand routo nuso,

Tout pounhegu pèr li jalant desèmbre.


Mas vuei pamens ai basti ’questo bòri

De barrounas emai de fresc restouble,

Proche de la palun afrejoulido.


Vautre toùti, venès, venès la vèire ;

Per l’acaba travaiaren ensèmble,
E quand la bòri sara bèn finido,

Que lusiran quàuqui bancau de chaine

Tout à l’entour d’un lar beluguejaire,

Qu’auren enfin, lis un emé lis autre,

En escoutant lou rauc quieula di fouco
Rèn qu’à tuba nosto pipo d’escrumo,

Qu’à rescaufa lou sang de nòsti veno

A forço d’aigo-ardènt e d’amistanço,
Alor, sabès-ti ço que vau faire ?

Un moumenet restarai emé vautre

Just lou tems d’estampa dins ma memòri

Lou souveni d’aquelo benuranço ;
Pièi durbirai la porto sèns rèn dire,

E tout soulet long de la palunaio
M’enanarai enca dins la bourrasco,

Dins la bourrasco di grand routo nuso.



Fernand MOUTET








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dimanche 13 décembre 2009

Teodor AUBANEL : Lou Capitàni grè - avant 1888 (sonet inédit ?)

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Publié dans le "laus" d'E. Hamelin de Montpellier par A. Roque-Ferrier
Le premier, ami & admirateur d'Aubanel, publia & traduisit des oeuvres du "Maître" avignonnais...

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Lou Capitàni grè

Un capitàni grè que pourtavo curasso,
Dôu tèms de Barbo-rousso, es esta moun aujòu ;
Cercant lis estramas, ebri d'un chaplachòu
Dis armo, ferre au poung cridavo : Arrasso ! arrasso !

Pèsto, lioun, sablas, famino, dardai fou,
Avié tout afrounta ! Li loup, li tartarasso ;
Seguissien trefouli sa cavalo negrasso ;
Car sabien que i'aurié de mort un terro-sôu.

Vint an chaplè li Turc, raubè li Sarrasino ;
Soun espaso au soulèu lusissié cremesino,
Quand sus li Maugrabin passavo coume un flèu,

A grand galop, terrible, indounatable, ferouge !.. .
D'aqui vèn que, pèr fes, de sang moun vers es rouge :
Tire d'éu moun amour di femo e dôu soulèu.


Teodor AUBANEL



Lord Byron

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samedi 12 décembre 2009

Albert de QUINTANA I COMBISAL : CASTELL DE MONTGRI ! - 1868

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Pour en savoir plus sur l'auteur, contemporain de Mistral cliquez sur ce lien



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AL CASTELL DE MONTGRI !

Castell, castell que guaytas la plana ampurdanesa,
Tu que, en. despit dels segles, pregonas sa grandesa,
Tu que las armonias ascoltas de la mar,
Y llamps y tremontanas seré los veus passar ;
Al trovador que canta, enniua en tas murallas....
Selvatges cantarellas seran las presentallas,
Los lais de amor que t'donga, rugitsenmatzinats... .
JO CANTO LAS ABSOLTAS DE NOSTRAS LLIBERÏATS !

A cada cambra teva, jo fai gravaré una histôria ;
A cada pedra rônega, un ram de nostra glôria ;
A cada trist marlet, la sombra de un grau rey...
Y en mitg de tots, del poble la sâbia, antiga lley.
Desprès ab mars de llàgrimasjo tornaré a esborrarlas.. .
La forsa y lo mal dret, un jorn, vingué à cremarlas :
Sens ellas que es la pâtria?... Oh! fills degenerats'
JO OS CANTO LAS ABSOLTAS DE VOSTRAS LLIBERTATS !

Veniu, sombras magnànimas dels Berenguers, d'en JAutne :
De vostres màrbreas tombas alsarvos avuy plàuœe!...
Aixécat tu, n'Anfos y Père '1 de Muret!....
Portau entre las mans lo llamp del cel per fuet,
Cridau dels avis morts la multitut inmensa,
Veniu! y à vostres nèts, pajesos de remensa,
Fuetejau corn l'aire las negras tempestats....
JO 'LS CANTO ABSOLTAS A VOSTRA LLIBERTAT !

Oh ! fuig, viventa crônica que guardo en la memôria.
Vergonya sols y oprobi té la œoderna historia ;
Ta llum eniluernadora no vull en mon recort....
Plagués à Dèu per sempre que '1 pensament fôs mort !
Lo amor de pâtria apaga lo cant de la sirena ;
La mare de tants héroes rossega vil cadena ;
Las feras famolencas roségantli '1 costat....
CANTEM, CANTEM ABSOLTAS A NOSTRA LLIBERTAT !

Botxins de nostra pâtria ! de vostre honor en mengua,
Deixau la cambra lùbrica y ns' tallareu la llengua !...
Dels avis, rovellada, la espasa en terra jau...
La escombra y la filosa donaunosia, si os piau :
De timida donsella durem la vestimenta ;
Lo llit de la ramera sepultara la afrenta,
Que los bordells no ténen ni pâtria ni passat !....
JO 'CANTO LAS ABSOLTAS DE NOSTRA LLIBERTAT!

Castell, castell que guaytas la plana ampurdanesa,
Jo vull cremar la fâbrica padrô de ta grandesa.
En mitg tas flamaradas jo vull també cremar:
Las cendras escampadas pels aires, per la mar,
Lliures per sempre mes, dirni la tramoutana....
Que '1 Dèu del cel m'ascolte !... oh ! rassa catalana !
Poble, si no t' despertas, Oh! poble renégat!....
ETERNAMENT LA TOMBA GUARDE TA LLIBERTAT !



Albert de QUINTANA Y COMBIS.
Toroella de Montgri, 5 juay de 1868

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jeudi 10 décembre 2009

Alexandru Vlahuţă : NOAPTE DE IARNĂ (traduction auvergnate en dessous)

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NOAPTE DE IARNĂ
(NUEIT D’IVÈR)


Vîntul şuieră în noapte, vaiete bocesc prin ramuri,
Înteţit omăţu-n spulber bate zuruind în geamuri ;
Vălmăşăg de glasuri strigă prin văzduh. Eu, la caldură,
Povestesc singurătăţii – luînd vorbelor măsură –
Cît de mici şi cît de albe-s mîinile iubitei mele,
Şi ce dulce mi-e robia cînd mă-nlănţuie cu ele.

(Lou vent bufo dien la nueit, de gemegados saumucou per lei brinchos, Mai fournido, la nèu en poulvero bat lei vitros en cliquejant ; Una rumour de voutz crido dien lei niaulos. Ieu, à la chagoureto, Counti à la soulitudo – en pesant mas paraulos – Coumo lei môs de moun eimado sou blancho e pichounos, E quont m’es douç l’esclavatge quand m’encadeno en guessos.)

Şi cum stau aşa-n migala rimelor viclene, iată
Că în liniştea odăii simt, ca o suflare-nceată,
Lunecarea unei umbre… Un moşneag îmi stă-nainte ;
Zgriburit de frig spre mine tinde mînile lui sfinte,
Ca deprinse de pe cruce – mîinile de trudă şi-ndurare,
Mîini ce poartă semnul jertfei şi al durerii seculare –
Şi înţeleg fără să-mi spuie, cine-i, şi de ce a venit…
Ca un vinovat, privirea în pămînt mi-o plec smerit,
Şi-n tăcere-ascult cum ninsul picură topit în păru-i…
Veche temniţ-a minciunii, sub ce adevăr te nărui !

(E coumo sèi atau à chirca de rimos fugidissos, vaqui
que dien la tranquillitat de la peço sentissi un feble alé,
uno oumbro que resquilho… Un vièlh es davant ieu ;
Tridoulant de freid paro vers ieu sei môs santos
Coumo despegados de la croutz – de môs de dur trabalh e de pacienço,
De môs que portou lou sinhe del sacrifìci e de la doulour seculàrio –
E coumprendi sèns que m’hou digo, quau es e perqué es vengut…
Coumo un cupable baissi lis ueis al sòu, umilomen,
E escouti taizat coumo gouto la nèu en foundent dien si piaus…
Vièlho presou de la messourgo, souto quonho vertat t’espatarres !)


Tot e nou. Pe-o lume nouă mîndru soarele răsare.
Preot săvîrşînd o taină în altar moşneagul pare ;
Iară mîinile lui goale eu de daruri le văd pline
Şi pe cînd altă fiinţă simt că se deşteaptă-n mine,
Pe cînd gura mea-ncleştată un cuvînt nu poate spune,
Toate gîndurile mele se prefac în rugăciune…


(Tout es niòu. Soubre un mounde niòu lou souguilh glourious se levo.
Lou vièlh aparèis coumo un prèire que coumplis un mistèri à l’autar ;
E sei môs vouidos ieu lei vézi plenos de presents
E quand sentissi un aute èsse que se drevilho en ieu,
Quand ma boucho pestelado pot pas piû dire un mot,
Toutos mas pensados se mudou en pregàrios.)



Alexandru Vlahuţă


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Giacomo LEOPARDI : IL SABATO DEL VILLAGGIO présenté par François SIMON

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Visto per A. Bertè


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IL SABATO DEL VILLAGGIO


La donzelletta vien dalla campagna,
In sul calar del sole,
Col suo fascio dell’erba ; e reca in mano
Un mazzolin di rose e di viole,
Onde, siccome suole,
Ornar ella si appresta
Dimani, al di’ di festa, il petto e il crine.
Siede con le vicine
Su la scala a filar la vecchierella,
Incontro là dove si perde il giorno ;
E novellando vien del suo buon tempo,
Quando ai di’ della festa ella si ornava,
Ed ancora sana e snella
Solea danzar la sera intra di quei
Ch’ebbe compagni dell’età più bella.
Già tutta l’aria imbruna,
Torna azzurro il sereno, e tornan l’ombre
Giù da’ colli e da’ tetti,
Al biancheggiar della recente luna.
Or la squilla dà segno
Della festa che viene ;
E a quel suon diresti
Che il cor si riconforta.
I fanciulli gridando
Su la piazzuola in frotta,
E qua e là saltando,
Fanno un lieto romore :
E intanto riede alla sua parca mensa,
Fischiando, il zappatore,
E seco pensa al di’ del suo riposo.

Poi quando intorno è spenta ogni altra face,
E tutto l’altro tace,
Odi il martel picchiare, odi la sega
Del legnaiuol, che veglia
Nella chiusa bottega alla lucerna,
E s’affretta, e s’adopra
Di fornir l’opra anzi il chiarir dell’alba.

Questo di sette à il più gradito giorno,
Pien di speme e di gioia :
Diman tristezza e noia
Recheran l’ore, ed al travaglio usato
Ciascun in suo pensier farà ritorno.

Garzoncello scherzoso,
Cotesta età fiorita
E’ come un giorno d’allegrezza pieno,
Giorno chiaro, sereno,
Che precorre alla festa di tua vita.
Godi, fanciullo moi ; stato soave,
Stagion lieta è cotesta.
Altro dirti non vo’ ; ma la tua festa
Ch’anco tardi a venir non ti sia grave.


Giacomo LEOPARDI
29 settembre 1829



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Revenu pour quelques mois dans son « sauvage bourg natal », Leopardi , tel un « passereau solitaire », chante son désespoir et sa jeunesse perdue. Peut-être du haut du Mont Thabor qui domine Recanati, son regard plane sur son village dont il connaît les moindres ruelles et la placette devant le château paternel. Est-ce le souvenir des fêtes votives de San Vito, traditionnellement célébré le 15 juin ? Ou plus généralement celui des jours fériés qui scandaient le dur labeur des paysans ?
Cette composition, parmi les plus célèbres des « Canti », n’a rien de rhétorique. Elle nous emmène dans une succession de tableautins simples et frais .
Le jour va s’achever. L’œil du poète se dirige vers le couchant où la silhouette d’une jeune fille (la donzelletta) laisse deviner qu’elle porte sur sa tête une botte d’herbes dont elle nourrira ses lapins. Mais elle a aussi cueilli des fleurs champêtres, « roses et violettes » dont elle se parera demain pour aller à la fête. Symboles de la beauté, de la jeunesse et de la modestie, ces fleurs ne sont pas de saison mais ont valeur générique. Elles marquent, par contraste avec le fourrage porté sur la tête, la transition entre le travail terminé et le repos à venir.
Face au soleil couchant, le regard de Giacomo saisit le groupe de vieilles femmes qui se chauffent aux derniers rayons tout en filant la quenouille. Il peut imaginer leurs commentaires à la vue de la jeune fille : elles aussi ont été jeunes, belles, en bonne santé , et elles aimaient danser avec les garçons de leur âge, « compagnons Point de nostalgie dans l’évocation de leur jeunesse. Plutôt le plaisir de partager virtuellement avec la « donzelletta » la joie de l’attente du lendemain, la fête promise.

Puis le poète, quand vient le crépuscule, ne distingue plus les villageois : la lumière déclinante modifie le paysage, le ciel ne rougeoie plus et retrouve un bleu profond, les ombres s’allongent sous la lune naissante.
Seuls se perçoivent les sons : la cloche de l’église dont le tintement apaise le cœur, les cris joyeux des enfants qui, tels une volée de moineaux, sautent et jouent en piaillant, et encore le paysan qui regagne sa « table frugale » en sifflant, et en pensant au repos du lendemain.

Enfin, dans l’obscurité et le silence qui enveloppent le village, Leopardi n’entend que le marteau et la scie du menuisier qui, dans sa boutique close, se hâte d’achever son ouvrage avant le lever du jour.

A ce point, Leopardi inflige un brutal coup d’arrêt à nos rêveries paisibles : des sept jours de la semaine, celui qui apporte le plus de joie et d’espoir est le samedi. Il précède un dimanche fait de tristesse et d’ennui. Les heures couleront sur des pensées moroses, et la désillusion nous fera préférer l’image du travail pénible qui recommencera demain. Leopardi a toujours considéré le travail , fût-il ingrat et pénible, comme un moyen pour soulager les malheurs de la vie. La nature a pourvu l’Homme de besoins auxquels il doit pourvoir par le travail manuel ou mental, ce qui lui épargne l’ennui. Quelque occupation que ce soit nous est préférable à cette « noia », cette vacuité de la vie qui n’est fractionnée que par les peines, les maladies, les intempéries, le labeur harassant.

En guise d’envoi, le Poète s’adresse au jeune enfant insouciant, comme ceux qui jouent sur la placette de Recanati. Il compare son jeune âge au samedi, qui précède le dimanche de sa vie, l’âge adulte. Il l’exhorte à profiter sans entraves de cette époque heureuse. Sans toutefois l’avertir des malheurs qu’il rencontrera quand il sera devenu adulte, il lui recommande seulement de ne pas être trop impatient d’atteindre la maturité.

Pour l’enfant, comme pour la jeune « donzelletta », pour le « zappatore » ou pour le « legnaiuolo », le bonheur est dans le futur. De même c’est dans l’évocation du passé que la « vecchierella » trouve une illusion de félicité. Mais pour tous la réalité d’un bonheur tangible au présent n’est qu’illusion. Pessimisme ? Non, car Leopardi envie la relative inconscience de ses contemporains, qui peuvent éprouver quelque plaisir à cette espérance ou à ce souvenir de moments de fête. Lui est bien trop conscient de la virtualité de ce bonheur, et il souffre de cette lucidité qui l’exclut de l’illusion même.


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mardi 8 décembre 2009

Pierre Millet : Poèmes en Français dont un manuscrit inédit en Lengo Nostro - 1950

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Recueil : Parhéliés de Pierre Millet
Ed. Marsyas


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ULTIMA THULE

à Raymond CHRISTOFLOUR.

Talisman rendu par le fleuve
En un jour de miséricorde,
Coupe oubliée, exquise preuve
Du peu que le destin m'accorde...

J'ai cherché pour qui cette coupe,
Quel était le nom de la morte,
Son visage dans l'eau qui coupe
La lumière qu'elle transporte.

Mais à l'oubli qui donc résiste ?
Je m'endormis sur le rivage :
Elle est retombée et l'eau triste
En garde pour toujours le gage.

Je vous désire encore, mensonge de la mer,
Quand l'aurore naissante a pénétré l'écume
Pour en faire jaillir en lumière une chair
Étincelante d'amertume.

Les dieux qui m'ont poussé vers ce monde mouvant
Enchaînent à vos flots mes jours d'ombre et de sable,
Illusion brûlante où brille dans le vent
Une Aphrodite impérissable.


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Hercules

Métamorphoses

à Jean-Baptiste ANGELI

Ces échecs, ce cœur solitaire,
Repoussé dans tous ses élans,
Sont l'humus, la cendre légère,
Mère des lis étincelants.

D'une étreinte, hélas, interdite
Et qui rend les cœurs plus amers,
Jaillit, lumineuse, Aphrodite,
Sur la belle danse des mers.

Car tout gonfle un nouveau langage,
Qui s'incarne de toutes parts
Et transforme ton vœu sauvage
Aux lumières des étendards.

Pour que l'univers se dessine,
S'accordant aux sons de ta voix,
II faut tes amours en ruine
Qui se haussent comme un pavois.

Aphrodite & Pan

Je ne te dirai rien, penché sur l'asphodète
Qui te garde à jamais :
Ta mémoire a cessé d'être une onde fidèle
Aux formes que j'aimais ;

Mais je rêve déjà que la rive interdite
M'ouvre son golfe amer,
Puisque je n'entends plus le rire d'Aphrodite
Ruisseler sur la mer.

Les jours dilapidés hanteront ma, mémoire
Sans m'apporter le prix de ce que j'ai souffert
Et pour tout effacer, le mensonge et la gloire,
Je laisserai sur moi se refermer la mer.

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Un Poème manuscrit & inédit
en Prouvènçau de P. Millet


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dimanche 6 décembre 2009

Lou Grelhet (Fèlis Remizo)

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Sur une proposition du Félibre Auvergnat Alan BROC, une fable :



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Lou lioun e lou rat


Entre las pautos d’un lïoun
Un ratou sourtiguèt de terro, a l’estourdido,
Lou rei dels animals, per aquel barbichoun,
Se moustrèt ço que-z-èro e li soubèt la bido.
Lou befach fouguèt pas perdut.
Qua jamai aurio cresegut
Qu’un lïoun d’un rat aurio ’faire ?
Un jour lou lioun que sourtio d’un bouscarlet
S’atrapèt a-z-un filet.
Per tont que rugiguèsse, se pouguèt pas desfaire.
Lou rat i coureguèt, e ran ! a cops de dents
Rougiguèt uno malho, estripèt la teissudo.
Pacienço e loungou de temps
Fòu mai que forço ou qu’enquietudo.


Lou Grelhet (Fèlis Remizo)

vendredi 4 décembre 2009

Alan Costantini : Mounsegne Jacint Serroni (Article Français-Provençal)

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La Caso-Diéu
La Chaise-dieu


Mounsegne Jacint Serroni

L’on celèbro aquest an lou tres cènt cinquantenc anniversàri dóu tratat di Pirenèu. Aquel apountamen marcavo la fin de la guerro dicho de Trento an, counflit de dimensioun euroupenco qu’óupausè Francés, Espagnòu, Austrian, prince alemand, Oulandés, Suedés… Pèr sagela aquel acord l’on maridè Louvis XIV emé l’Infanto Marìo-Tereso. La signaturo de la pas fuguè precedido pèr de counferènci, d’avoust à nouvèmbre 1659, au Païs Basco, sus l’isclo di Feisan, au mitan dóu flume Bidassoa.

Lou capo de la delegacioun espagnolo èro Don Luis de Haro. Aquelo de Franço èro menado pèr lou cardinau Jùli Mazarin. Au moumen dóu maridage restavo en balans un proublèmo de counfigno councernant lou Counflènt, lou Capcir e la Cerdagno (article 42 e 43 dóu tratat). Pèr lou regla li dos partido avien nouma de coumessàri. Dou coustat de Franço i’avié Pèire de Marca, archevesque de Toulouso e Jacint Serroni evesque d’Aurenjo. Es aquéu d’aqui que fin finalo signè, lou 12 de nouvèmbre 1660, lou darnié doucumen que meteguè fin à la tihouso questioun frountaliero entre li dous reiaume. Mounsegne Jacint Serroni neisseguè à Roumo lou 30 d’avoust 1617. Venguè en Franço dins la tirassiero de Michèu Mazarin (1). Ambedous èron de l’ordre de Sant Doumergue. Serroni fuguè evesque d’Aurenjo de 1646 à 1661, pièi evesque de Mendo (1661-1676), enfin archevesque d’Àlbi (1676-1687). Ero tambèn abat coumandatàri de la Caso-Diéu. L’ufanouso caisso d’ourgueno que se pòu vèire dins aquesto abadié dóu Velai es uno óuferto dóu prelat. Soun retra pèr Jacint Rigaud es vesible au museon Toulouso-Lautrec d’Àlbi. Soun calice e sa pateno soun counserva dins lou tresor de la catedralo Santo Cecilo. Mouriguè à Paris lou 7 de janvié 1687.



Alan Costantini

(1) Michèu, fraire de Jùli, fuguè nouma archevesque de z-Ais en 1645 e cardinau en 1647. Li Sestian ié soun devènt dóu galant quartié basti au miejour dóu cous Mirabèu.



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- Portrait -

Mgr Hyacinthe Serroni

On celèbre cette année le 350e anniversaire du traité des Pyrénées. Cet accord marquait la fin de la guerre dite de Trente ans, conflit de dimension européenne qui opposa Français, Espagnols, Autrichiens, princes allemands, Hollandais, Suédois…Pour sceller ce dont on était convenu on maria Louis XIV avec l’Infante Marie-Thérèse. La signature de la paix fut précédée par des conférences, d’août à novembre 1659, au Pays Basque, sur l’île des Faisans, au milieu du fleuve Bidassoa..

Le chef de la délégation espagnole était Don Luis de Haro. Celle de France était conduite par le cardinal Jules Mazarin. Au moment du mariage restait en suspens une question de limites concernant le Conflent, le Capcir et la Cerdagne (articles 42 et 43 du traité). Pour le régler les deux parties avaient nommé des commissaires. Du côté de la France il y avait Pierre de Marca, archevêque de Toulouse et Hyacinthe Serroni, evêque d’Orange. C’est ce dernier qui finalement signa le 12 novembre 1660 le dernier document qui mit un terme à l’épineuse question frontalière entre les deux royaumes. Mgr Hyacinthe Serroni naquit à Rome le 30 août 1617. Il vint en France dans le sillage de Michel Mazarin (1). L’un et l’autre appartenaient à l’Ordre de Saint Dominique. Serroni fut evêque d’Orange de 1646 à 1661, puis evêque de Mende (1661-1676), enfin archevêque d’Albi (1676-1687). Il était également abbé commendataire de la Chaise-Dieu. Le splendide buffet d’orgue qu’on peut voir dans cette abbaye vellave est un don du prélat. Son portrait par Hyacinthe Rigaud est visible au musée Toulouse-Lautrec à Albi. Le trésor de la cathédrale Sainte Cécile conserve son calice et sa patène. Il mourut à Paris le 7 janvier 1687.


(1) Michel, frère de Jules, fut nommé archevêque d’Aix-en-Provence en 1645 et cardinal en 1647. Les Aixois lui doivent l’élégant quartier bâti au midi du Cours Mirabeau

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mercredi 2 décembre 2009

Peireto Berengier : Qu’es acò l’Aiòli ?

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Qu’es acò l’Aiòli ?

Marsyas 2 èro pancaro endraia quand Sabino Barnicaud, la counservairis dóu Palais dóu Roure d’Avignoun aproufichè de la pountanado d’estiéu pèr esplica i touristo e is autre, ço qu’es « L’Aiòli ». Noun pas noste aiòli pèr la merlusso mai lou journau de Frederi Mistral emé soun poulit titre ilustra pèr Burnand. Uno mostro espetaclouso.

Lou Palais dóu Roure, que soun noum tèn sa poupularita dóu journau, vèn de reculi de mètre cube d’archiéu que tóuti li cresien perdu. La famiho de Montgolfier, de felen dóu Marqués, vèn de n’en faire presènt e soun tourna dins l’oustau de soun rèire que beilejè lou journau souto l’empento de Mistral de 1891 à 1899.

« L’Aiòli » pareissié tres cop lou mes (li 7, 17 e 27) e publicavo li meiours escrivan de Prouvènço. De Mistral à Devoluy, de Batisto Bonnet à Savié de Fourviero, de Roumanille à Fèlis Gras e de centenau d’autre. Sufis de vèire la taulo dóu journau pèr s’espanta de tant de travai, de tant de voio e de tant de talènt.

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Chivalié de la Rèino Jano

Ero un journau independènt de tóuti li parti que se dounavo pèr toco d’apara lou Miejour, si coustumo, sa lengo, si tradicioun e sis interès. La toco memo dóu Felibrige. Mistral disié dins soun buletin de presentacioun que sarié lou chivalié de la Rèino Jano e de la Bello Magalouno ! Mistral lou voulié pas un journau felibren, bord que n’i’avié deja e que falié touca tout lou mounde.

De fuietoun, de pouèmo, de conte, d’article istouri, literàri, pouliti (au bon sèns dóu terme), de reviraduro, d’anóuncio, d’article d’atualita, etc. Tout acò, en prouvençau e rèn qu’en prouvençau, debutè lou 7 de janvié de 1991, pèr l’anniversàri dóu restacamen de la Coumtat de Venisso à la Franço.

« L’Aiòli », coume « l’Armana Prouvençau » s’espandiguè e faguè grando pèr la proumoucioun de nosto lengo e de nosto culturo. Mai lou Baile, lou Marqués Folco de Baroncelli, partiguè en Camargo e i’aguè forço proublèmo de coumunicacioun entre Li Santo e Avignoun.

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L’epoupèio

En 1975, dins lou tome VII di « Memòri de l’Acadèmi de Vaucluso », Farfantello, countè aquelo epoupèio emé de persounage coume Marius André, Fourtuneto (vèire l’aficho), Marìo Gasquet, Bouvet, etc. Countè coume Baroncelli beilejavo lou journau emé negligènço, coume un pouèto pantaiaire que perdié lou caièr di comte long de la routo di Santo…

Li proublèmo se multipliquèron emé lou mounde que pagavo pas lis abounamen. Fèlis Gras, alor capoulié, roumpè busqueto, e coumpliquè encaro mai li causo. La famiho Baroncelli se desvouè tant que pousquè mai, en 1899, l’estampaire Seguin avisè Mistral dóu trau que i’avié dins li finanço… Lou tirage avié deja passa de 4000 eisemplàri à 800, tre li proumiéris annado. « L’Aiòli » s’acabè (faudra pièi, espera la fin dóu siècle XX pèr retrouba un journau regulié tout en prouvençau). Mistral tapè lou trau mai fuguè grand tristesso pèr éu e pèr Folco de Baroncelli ; Mistral escriguè alor : « C’est folie pure de faire tant de sacrifices dont personne ne nous sait gré et de battre l’eau avec un bâton. Travail de niais 1». Un siècle plus tard, nautre ié sabèn grat. Si sacrifice soun pas esta inutile. Que sarié vuei, se « L’Aiòli » nous fuguèsse esta edita e se n’avian si couleicioun tant preciouso ?

Es tout aquelo istòri que Sabino Barnicaud a sachu faire reviéure emé de tablèu, d’óujèt, de fotò, de carto poustalo, de journau, de manuscrich e àutri doucumen coume la faturo dóu n°1… Mai lou mai esmouvènt rèsto belèu lou manuscrich autougrafe de Frederi Mistral « l’istòri (inedicho) de la Revoulucioun dóu Coumtat de Venisso » que la vilo d’Avignoun aguè la bono idèio de lou croumpa quand passè is encan !

Aquelo espousicioun rèsto dins li memòri e lis archiéu que ié figuravon soun toujour au Roure ounte se podon counsulta.


Peireto Berengier

1- cita pèr Farfantello Memòri de l’Acadèmi de Vaucluso, TVII

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