mardi 29 décembre 2009

Yves Gourgaud, Langue et littérature cévenoles (du XVIIe siècle à nos jours)

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Nous clôturerons l'année 2009 par le début d'un feuilleton, linguistico-historique, sur la langue cévenole, qu'il n'en déplaise à certain ce texte est en Français.

Marsyas 2 a cette volonté de pont entre les langues, les parler, les patois, toutes les expressions du monde, la tour de Babel...des pays d'oc !

Et pour ponctuer cela, ce soir au moment où je vous écris, le 85 ème pays visiteur du blog se joint à nous, d'autant qu'il s'agit d'un pays, d'une langue d'un peuple qui ont beaucoup souffert :l'Arménie... tout un symbole !

Voilà bon bout d'an
, & je ne vous dit pas le reste !


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Yves Gourgaud :Langue et littérature cévenoles (du XVIIe siècle à nos jours)

INTRODUCTION

De la langue au pays

Dans une des plus célèbres pages de ses Mémoires et Récits, Frédéric Mistral nous fait assister à la genèse d’une vocation à la fois littéraire et patriotique :
« Et là même, -à cette heure j’avais mes vingt et un ans- le pied sur le seuil du Mas paternel, les yeux vers les Alpilles, en moi et de moi-même, je pris la résolution : premièrement, de relever, de raviver en Provence le sentiment de race /.../ ; secondement, de provoquer cette résurrection par la restauration de la langue naturelle et historique du pays /.../ ; troisièmement, de rendre la vogue au provençal par l’influx et la flamme de la divine poésie. » (édition Rollet, page 389)
Le génie de Mistral est d’avoir compris qu’une « race » (lisez : un peuple) n’est rien sans sa langue, et qu’une langue n’est rien sans la « poésie » (lisez : la littérature) : en ce qui nous concerne, nous remplacerons l’idée de « race » ou de « peuple » par celle de Pays, bien plus concrète et moins susceptible de dérives politiques. Dans la perspective ouverte par Mistral, nous affirmons que la littérature cévenole permet de caractériser la langue cévenole, laquelle permet à son tour de définir concrètement un pays Cévennes : l’espace dans lequel on peut entendre notre langue et/ou lire notre littérature.

Des différentes Cévennes

Notre « pays Cévennes » ne veut pas se substituer aux autres « Cévennes » : il n’est qu’une façon d’envisager un espace en fonction de critères définis à l’avance. Il est donc appelé à côtoyer d’autres « pays Cévennes » qui ont chacun leur intérêt et leurs partisans. En voici trois parmi les plus intéressants :
Les Cévennes de la géographie : c’est l’espace le plus vaste et aussi le moins précis, comme le reconnaît Jean Susini dans l’avant-propos de son Histoire littéraire des Cévennes :
« Les géographes ne sont pas toujours d’accord entre eux qui, jadis, en faisaient la bordure orientale du Massif Central, du Naurouze au Morvan, mais les réduisent aujourd’hui à la chaîne comprise entre l’Aigoual et le Lozère. » (page 7)
Prenant acte de ce flou géographique, Susini n’hésitera pas à inclure dans ses Cévennes littéraires d’expression française (sur les 200 pages de l’ouvrage, il n’y en a que trois consacrées à la littérature d’expression cévenole) le romancier Ferdinand Fabre, qui est de Bédarieux, bien plus près de Béziers que d’Alès...
Les Cévennes de l’ histoire sont certainement les plus connues de nos jours : il s’agit de cette fameuse « Cévenne des Cévennes » popularisée par les Camisards puis par Stevenson et dont l’ouvrage de Paul Fabre : Dictionnaire des noms de lieux des Cévennes (Bonneton 2000) donne en page 9 une claire délimitation :
« Au nord, nous ne dépassons pas le mont Lozère, à l’est la plaine d’Alès, à l’ouest nous n’abordons pas les Causses, au sud, enfin, nous n’allons guère au-delà d’une ligne passant par Le Vigan, Ganges, Saint-Hippolyte-du-Fort. »
Pendant longtemps, nous nous en sommes tenu à cette « Cévenne des Cévennes » pour étudier et valoriser notre littérature et notre langue. Nous faisions confiance et à Susini et à Cabanel pour nier l’existence d’une Cévenne administrative dont les contours seraient officiellement et précisément définis : en 1949, Jean Susini affirmait (op. cité, page 7, première phrase de l’ouvrage) que « les Cévennes /.../ n’ont jamais constitué, dans notre France, une division administrative. ». Et Patrick Cabanel, dans son Histoire des Cévennes (PUF 2007, page 9) reprend : « De définition politique ou administrative, en effet, elles /= les Cévennes/ n’ont jamais eu. ». Or nous avons pu découvrir l’existence d’une entité administrative cévenole :
Les Cévennes de l’administration royale : on les voit apparaître dans un ouvrage de 1663 : Description de la France et de ses provinces dont l’auteur, P. Duval d’Abbeville, est le « Géographe ordinaire du Roy ». Dans la « Table des provinces » décrites par l’auteur, on trouve, entre « Champagne » et « Dauphiné », la mention explicite de « Cevennes, p. 206 », l’auteur prenant soin de préciser que « cette Table est seulement des grandes Provinces de la France ». Un peu plus loin, l’auteur présente « une Table des 12 grands Gouvernements de la France, qui furent assemblés en la tenue des Estats Généraux du Royaume, l’An 1614, avec leurs Villes Capitales » : on y découvre que le « grand Gouvernement » de Languedoc est divisé en deux : le Languedoc (proprement dit) avec pour capitale Toulouse, et les Cévennes avec pour capitale Viviers. Il est donc bien clair qu’il existe une entité administrative « Cévennes » distincte de l’entité « Languedoc », Viviers étant placée sur le même plan que Toulouse. Cette distinction se confirme page 194 : on y lit que « le Languedoc est comme renfermé entre la Méditerranée, les Pyrénées, la Garonne, le Tarn, les Cévennes et le Rhône. »
La description des Cévennes occupe les pages 206 à 210 de l’ouvrage : « Les Cevennes sont des hautes Montagnes /.../ aujourdhuy elles communiquent leur nom au Vivarais, au Givaudan & au Vellay qui font partie du Grand Gouvernement de Languedoc, chacune de ces trois Provinces tient ses Estats en particulier apres la tenuë de ceux du Languedoc : Viviers, Mende & le Puy en sont les Villes capitales. » (pages 206-207)


Les Cévennes littéraires et linguistiques

On le voit, selon qu’on accepte des données géographiques, historiques ou administratives, on obtient un « pays Cévennes » chaque fois différent ; notre Cévenne à nous, le pays de la langue et de la littérature cévenoles , offre un quatrième espace, plus vaste que la « Cévennes des Cévennes » mais plus restreint que les Cévennes géographiques ou administratives. En voici les contours :
Les Cévennes de la langue et de la littérature s’ inscrivent grosso modo dans un quadrilatère qui s’allonge du nord-est au sud-ouest, et dont les quatre extrémités sont :
Au nord-ouest : Langogne (Lozère)
Au nord-est : Aubenas (Ardèche)
Au sud-ouest : Nant (Aveyron)
Au sud-est : Sommières (Gard)
L’essentiel de ce territoire est constitué par l’est de la Lozère, le sud de l’Ardèche, le nord et l’ouest du Gard. Les pays de Nant dans l’ Aveyron et Ganges dans l’Hérault en font également partie. Le centre de ce territoire est traversé par l’axe routier Alès – La Grand Combe – Florac, et l’axe Aubenas – Le Puy marque sa limite septentrionale. Un autre axe traverse en entier notre Cévenne (du sud-est au nord-ouest) : il relie Sommières à Alès (N 110) puis Alès à Langogne (D 906). Parallèlement à l’axe Alès-Florac, on va de Lédignan à Florac par Anduze et la célèbre Corniche des Cévennes. La traversée Nant-Aubenas (du sud-ouest au nord-est) est moins évidente, par Le Vigan, Saint-Hippolyte-du-Fort et Anduze jusqu’à Alès ; ensuite on longe facilement les montagnes cévenoles par Saint-Ambroix jusqu’à Aubenas.
Bien entendu, les tracés de notre quadrilatère ne sont qu’approximatifs : Vals-les-Bains en Ardèche, Châteauneuf-de-Randon en Lozère et Lussan dans le Gard sont de notre langue ou de notre littérature, bien que situés un peu en dehors du quadrilatère ; en revanche, des villages de la pointe sud-est sont de langue provençale comme le sont Uzès et Nîmes.



LA LANGUE CEVENOLE

Sa réalité est mise en doute par bon nombre de « spécialistes » qui s’en tiennent à la classification traditionnelle : le cévenol n’étant qu’un sous-dialecte du groupe languedocien, il est classé avec le montpelliérain comme « languedocien oriental ». Sans entrer ici dans des analyses ou des démonstrations précises, on remarquera que dès 1900, c’est un linguiste, et un linguiste montpelliérain, Léon Lamouche, qui est obligé d’avouer que le cévenol n’a que peu de rapports avec le « languedocien », et même avec le « languedocien oriental » que Lamouche connaît parfaitement bien puisqu’il est l’auteur d’une grammaire du montpelliérain. Si l’on en croit (référence bien plus actuelle) le site internet Wikipedia, le dialecte languedocien se caractérise par les traits distinctifs suivants :

« le maintien des occlusives finales : cantat [kantat] (en provençal : [kãnta] ) » : une bonne partie des Cévennes disent, comme les provençaux, « c(h)anta » et non « c(h)antat »

« le maintien de l' s final : los òmes [luz omes] (en provençal : [lejz ome]) » : même remarque qu’en 1)

« la chute de l' n final : occitan [utsita] (en provençal : [usitãn]) » : en cévenol, l’ N final est soit muet : barou (« barreau ») soit présent (il nasalise alors la voyelle précédente) : baroun (« baron »)

« la non-palatalisation des groupes CA et GA : cantar, gal (en auvergnat : chantar, jal) » : l’essentiel du pays cévenol ardéchois et lozérien dit « vacho», « jalino »

« le maintien de l' -l final non vocalisé : provençal (en provençal et en gascon : provençau) » : en cévenol on dit sourel mais cevenòu, et on oppose pèl (« peau ») et pèu (« poil »)

« l'indistinction de b et v (bêtacisme) : vin [bi] (en provençal : [vin]) » : le cévenol (sauf en Lozère) maintient la distinction entre B et V

On voit clairement que sur les six critères choisis pour définir le languedocien, aucun ne peut servir à caractériser l’ensemble cévenol. Et si l’on prenait pour « cévenol de référence » le type alésien (qui fournit à lui seul les trois quarts de la littérature cévenole), alors on constaterait que sur les 6 critères qui définissent le languedocien, un seul peut s’appliquer au cévenol (type « canta » plutôt que « chanta »).

Le cévenol est ainsi défini « en creux », en négatif : il ne peut pas être du languedocien, selon les critères généralement adoptés. Et comme personne n’a encore pensé à le définir comme de l’auvergnat ou du provençal, on est en droit de se poser la question de la validité de ces découpages dialectaux traditionnels : le pays cévenol, manifestement, résiste à ce type de classification.
On en aura une autre preuve, et de taille, si on consulte l’énorme ouvrage de référence du félibre Jules Ronjat : Grammaire istorique des Parlers Provençaux Modernes (4 volumes, 1930-1941 ; le dernier est consacré aux dialectes) : chaque fois qu’il s’agit de caractériser un groupe de parlers cévenols, des problèmes de classification surgissent, en dépit de l’idéologie de l’auteur, partisan déclaré de l’unité de la « langue provençale » et de son découpage en grands dialectes (limousin-auvergnat, provençal, languedocien-guyennais, aquitain et alpin-dauhinois, cf. tome IV, pages 5-6). L’alésien est certes déclaré « languedocien », mais c’est surtout sa similitude avec le parler de Nîmes (donc le provençal) qui ressort page 14... Page 19, c’est le gévaudanais qui fait problème : il est censé être de l’ « auvergnat » au nord et du « languedocien » au sud, mais Ronjat remarque que « les parlers de ce pays forment un ensemble relativement uni, grâce à plusieurs traits communs importants ». Quant au « vivarais sud » qui est traité page 46, il est encore plus évident que la classification traditionnelle y est prise en défaut : selon elle, il faudrait classer ce pays dans l’ « auvergnat » ! Or, après un examen assez minutieux des caractéristiques de cette région, Ronjat en arrive à la conclusion suivante : « En somme, l’habitus général de ces parlers donne à l’auditeur l’impression d’un languedocien avec « cha » (cf. gévaudanais), et l’essentiel de l’analise confirme cette impression » Et Ronjat conclut assez piteusement : on a placé /le vivarais sud/ ici par raison géographique !
Du côté des occitanistes, on retrouve exactement le même malaise : dans sa Gramatica occitana Alibert inclut d’office toute la Lozère dans son « dialecte languedocien » alors que plus des deux tiers du département disent « chanta » et non « canta ». Et lorsque le linguiste B. Moulin, dans sa Grammaire occitane /du/ parler bas-vivarois (Institut d’Etudes Occitanes 2006) veut « situer dans l’ensemble occitan » des parlers qui, selon sa propre idéologie, ne peuvent qu’être « auvergnats », il aboutit exactement à la même conclusion que le félibre provençaliste Ronjat : « En conclusion /.../ il paraît légitime de considérer l’occitan de la région d’Aubenas, et du Bas-Vivarais en général, comme du languedocien nord-cévenol » (page 9). Ronjat est d’ailleurs cité à la suite de ce jugement, pour confirmation : « il /Ronjat/ établit un parallèle avec le gévaudanais, quant à cet aspect général de languedocien nord-occitan »
On est dans la plus totale des contradictions : le « languedocien » selon Ronjat et Moulin (plus généralement : selon le Félibrige et l’occitanisme) est un « dialecte sud-occitan » qui exclut CHA- ou JA-, ces traits caractérisant au contraire le « nord-occitan ». Dire, comme le fait B. Moulin, que le Vivarois sud et le Gévaudanais sont du « languedocien nord-occitan » est un parfait non-sens, le languedocien étant toujours défini comme « sud-occitan », et le « nord-occitan » excluant absolument le languedocien. Mais à travers cette contradiction (insurmontable si l’on veut rester « occitan » ou « félibre » tendance historique), Bernard Moulin donne (sans doute bien malgré lui, mais peu importe) la clé qui nous mène à la sortie : écrire que le Vivarais méridional est du « languedocien nord-cévenol », c’est admettre l’existence d’une réalité linguistique cévenole, qui certes ne peut être classée comme « languedocienne » (voir plus haut) mais qui est bel et bien du « nord cévenol »
Car cette impossibilité à classer le cévenol (alésien, gévaudanais et vivarois) dans les schémas de la vieille tradition linguistique nous amène inéluctablement, si l’on veut sortir des contradictions, à postuler l’existence d’un groupe linguistique autonome qui n’est pas un autre « dialecte occitan » mais tout simplement une langue à part, la langue cévenole : cette langue est en contact entre les langues d’Auvergne, de Provence et de « Languedoc » (les guillemets marquent notre scepticisme quant à l’existence réelle d’une « langue languedocienne », mais ce n’est pas aux Cévenols d’entrer dans cette discussion), il n’est donc pas surprenant que le nord-cévenol ressemble à de l’auvergnat, le cévenol oriental à du provençal et le cévenol occidental et méridional à du « languedocien ».
Si l’on veut maintenant définir la langue cévenole autrement qu’ en négatif (« ce n’est pas du languedocien, ni du provençal, ni de l’auvergnat »), on pourra établir, sur la base des parlers les plus représentés dans la littérature (les parlers alésiens donc, cf. plus haut) une liste de caractéristiques. Mais là encore nous nous méfierons de la typologie linguistique traditionnelle, qui, selon nous, fait une place excessive à la phonétique d’une part, et à la diachronie de l’autre. Nous voulons défendre et promouvoir une langue et une littérature vivantes, et l’étude de l’évolution historique des mots et de leur prononciation depuis l’époque latine nous semble un exercice assez vain dans cette perspective : nous nous adressons à un public qui n’est pas formé à la linguistique ni aux langues anciennes. Nous avons donc préféré établir une liste de « marqueurs d’identité linguistique » (MIL) à partir de l’observation des textes alésiens modernes (de La Fare à nos jours). Voici une première liste de vingt MIL :

1)imparfait de l’indicatif en –AVIAN, -AVIAS
2)passé simple en –ÈN, -ÈS : parlèn, diguès...
3)imparfaits et conditionnels en -E- : disièi, voudrièu...
4)imparfait du subjonctif en –ESSIAN, -ESSIAS
5)présent du subjonctif en -I- : que vendie, que bàtiou...
6)SIÈI « je suis »
7)SIÈS « tu es »
8)SIAN, SIAS « nous étions, vous étiez »
9)Radical S(I)EGU- au subjonctif présent : que siègue...
10)radical FOU- (/ Fau-) « falloir » : foudre, fòu, fouiè...
11)infinitif AVEDRE « avoir »
12)DAS, défini contracté du pluriel « des »
13)NOSTE, VOSTE (sans R), adj. possessifs
14)EM(B)É « avec » (forme en E-)
15)Terminaison –IÈIRO : galinièiro, premièiro...
16)Terminaison –ARIÈ : fadariè...
17)TUS « toi »
18)NAUTRES, VAUTRES (formes contractées)
19)LUS « leur, leurs »
20)MI, TI, SI, NI (« me, te, se, en »)

Nous avons confronté cette liste avec les données linguistiques du pays cévenol telles qu’elles apparaissent en particulier dans l’ ALMC (Atlas Linguistique du Massif Central) pour la Lozère et l’Ardèche : cette confrontation nous a permis de délimiter nos Cévennes au nord. En effet, au-delà des limites que nous avons assignées à ce pays cévenol, on ne trouve pratiquement plus aucune affinité linguistique. C’est tout spécialement le cas en Rouergue, en Velay, en Vivarais nord et centre, qui au mieux ne connaissent que 10 ou 20% de nos particularités cévenoles : si on songe que Velay et Vivarais constituaient la Cévenne administrative (voir plus haut), on comprendra que les limites administratives et linguistiques, ici comme ailleurs, ne coincident guère. Pour le sud du domaine, c’est surtout avec les textes littéraires que nous avons confronté notre liste, et les résultats ont dépassé nos espérances : ce fut pour nous l’occasion de constater que le conformisme continuait à faire bien des ravages, et que nous en avions été jusqu’alors la victime. Par exemple, les historiens de la littérature d’oc classent sans broncher Jean-Baptiste Favre de Sommières ou Pierre Guérin de Nant comme des auteurs d’expression « montpelliéraine » pour le premier et « rouergate » pour le second, alors que notre étude nous pousse à affirmer que l’un et l’autre sont d’expression cévenole. Il en va de même pour Jean Michel « de Nîmes » ou le gévaudanais Baldit, dont la langue, qui est celle de notre coin nord-ouest cévenol, est bien décrite dans l’ALMC (point n° 30).
On voit ici que les notions de « pays cévenol », « langue cévenole » et « littérature cévenole » sont indissociables, et que seule une approche non dogmatique permet de les mettre en évidence, chacune d’elles appuyant et éclairant les deux autres. Bien sûr, ces trois réalités sont aussi confortées par le sentiment des populations concernées : après avoir constaté que le long poème décrivant les eaux de Saint-Laurent-les-Bains s’inscrivait géographiquement dans notre pays cévenol, ce fut un réconfort et un encouragement de lire, dans le site internet de la commune, que Saint-Laurent est « un bout de Cévennes en montagne ardéchoise ».


Cette « fierta cevenolo », cette volonté souvent modeste, parfois têtue d’être cévenols, nous semble la preuve la plus forte de notre existence littéraire et linguistique. Et pour conclure cette introduction, nous ferons nôtre le jugement que Jean Susini publiait en 1949 dans son Histoire littéraire des Cévennes :

« Ce qu’il / Henri Ghéon / nous dit de la Cévenne ardéchoise s’appliquerait tout aussi bien aux Cévennes en général, à la Gardonnenque comme au Vivarais. Il y a, entre les massifs de l’Aigoual et du Lozère et la plaine littorale, la même variété de paysages, de moeurs, de dialectes /.../ Les Cévennes tiennent à la fois de l’Auvergne, du Languedoc et de la Provence. Elles participent du Nord et du Midi. Le rigoureux climat des hautes cimes y lutte avec les douceurs rhodanienne et méditerranéenne. L’exubérance méridionale s’y tempère des exigences de la vie intérieure. Ce pays de contrastes échappe parfois à l’analyse parce qu’il n’a jamais eu de limites bien arrêtées. En face de la plaine monotone, la variété des Cévennes -il y a plusieurs Cévennes, comme l’indique le pluriel de leur nom- est une source de beauté. Les influences opposées qui s’y rencontrent en font la terre d’un sage équilibre, aussi éloignée de la froideur nordique que de la pétulance méridionale. » (pages 36-37)

(à suivre)

décembre 2009
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