lundi 4 mai 2015

Ive Gourgaud : Annie Bergèse : DELAI, poèmes provençaux - La nouvelle poésie provençale






La nouvelle poésie provençale

Annie Bergèse : DELAI, poèmes provençaux


Le poète Emile Bonnel affirmait, peu de temps avant sa mort, qu’il existait deux types de cultures : celles qui tendent à s’étaler et celles qui au contraire cherchent à s’enraciner. Annie Bergèse a choisi son camp : elle écrit peu mais avec une extraordinaire densité. Après Draiolo aubenco (2009, 12 poèmes) et Dins lou tèms semoundu (2013, 22 poèmes), voici qu’elle nous donne à lire 18 nouveaux poèmes dans son recueil Delai.
Les amateurs de grande poésie provençale pourront chercher les sources d’inspiration chez Sully-André Peyre : comme lui, Annie Bergèse préfère la poésie exigeante, celle qui demande une relecture et une méditation. Mais il faudra aussi évoquer Charles Galtier et sa grande économie de moyens : les poèmes sont courts, très souvent moins d’une vingtaine de vers, avec des mots d’une très grande simplicité. Et on ne saurait oublier le grand d’Arbaud, car Annie Bergèse, dans ce recueil plus que dans les précédents, construit des vers amples, au déroulé majestueux :
Tis iue emai toun cor alucon l’ourizoun
Qu’a bela tis aujòu, ti gènt e tis ami. (Hirunda rustica)
Ou encore :
Se sabié la paraulo e soun soulas segur,
E lou tèms redemi, la vido sènso fin,
La fin dóu patimen, l’en-delai dóu bonur,
Se vesié, enlusi, l’invesible clarun
Que se fara vesible au jour sènso neblun ! (Lou linde maucoura)
Ce travail sur la forme va de pair avec un approfondissement des thèmes : les titres des trois recueils sont à cet égard significatifs, qui nous proposent un itinéraire dans l’espace (Draiolo) puis dans le temps (Tèms semoundu) qui ne peut aboutir que dans un au-delà, le Delai du présent recueil : au-delà donné par la foi, toujours présente chez le pasteur Annie Bergèse, mais aussi au-delà des mots, la parole poétique nous invitant sans cesse à dépasser les limites du langage ordinaire.
C’est ainsi que, dans un classicisme assumé, se construit la nouvelle poésie provençale dont la source est à rechercher dans Lou Pouèmo dóu Rose, source puissante qui depuis plus d’un siècle abreuve notre modernité.

Yves Gourgaud, 
avril 2015

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