vendredi 30 janvier 2015

Michel Buisson : Discours d’Eirago pèr l’aparamen e la mantenènço de l’encierro à l’eiraguenco - Discours d’Eyragues pour la défense et la maintenance de l’encierro à l’eiraguaise








Discours d’Eirago pèr l’aparamen e la mantenènço de l’encierro à l’eiraguenco



Ço que demandan...

Gèns de bouvino, mantenèire, vengu de tout noste miejour, abali dóu meme la, sian d’uno memo terro, d’uno memo nacioun, ço que demandan vuei qu’un cop de mai lou Miejour es amenaça, es pas soulamen que nous faguèsson toulerànci, que poudrien nous leva tre que se reguignara o que la « prouteitriço » cantara, ço que demandan es que nous faguesson noste dre, dignamen e fieramen, à respèt de nost’eiritage, à respèt d’aquéli qu’ antan se soun dreissa pèr faire bàrri, Moussu Mistral, Jóusè d’Arbaud, lou Marqués e tant d’autre pèr sauva nosto liberta e manteni nòsti tradicioun.

Vaqui ço qu’es arriva, à l’ouro d’aro, au mens tres generacioun, li tres quart d’uno poupulacioun s’esquichon dins li vilo, es à dire que i’a quàsi la mita di gèns qu’an roumpu emé soun biais de viéure ancestrau e que se soun derraba de si racino.

D’aquéu chanjamen, passa de la vido païsano à la vido de la vilo, se n’en soun pas remés, sabon pus de que faire de si vido de misèri, viron, tournon, s’apassiounon pèr de farfantello, de plat de regardello e de vouiage à Pamperigousto pèr assaja de remplaça tóuti aquéli valour perdudo. Alor, desempièi uno vintenado soun intra dins uno epoco de retour à la naturo e que pèr countraste e lou mai estounant es que li messiounàri, li catau li mai arderous soun aquéli que, à l’epoco se soun desparti de la terro di draio pèr lou goudroun de la vilo e que voudrien vuei nous douna de leissoun.

Voulèn pas reveni sus la sempiternalo óupousicioun di gènt de la vilo contro aquéli di campagno, mai i’a uno lougico de tira de tout acò, e la lougico païsano es couneigudo, la lougico voudrié-ti pas que siguèsse aquéli que fan viéure nósti campagno, que soun davans la realita di causo, li païsan, li bergié, li gardian e tóuti aquéli qu’aparon Prouvènço e Camargo, voudrié-ti pas que siguèsson éli qu’aguèsson priourita pèr douna lis avis valable sus la questioun.

Mai noun, l’óupinioun publico se fai pas vers nous autre, se fai de mounte parton lis emissioun de televisioun, li rumour, soucitouso que d’uno causo, de poupularita e de faire de bèu-bèu à la majourita. Aquelo majourita coumpausado d’aquéli que volon rèn saupre qu’en Africo i’a la secaresso e que crebon de fam mai que soun esmougu pèr lou sort di canard tre que fai trop fre, d’aquélis autoumoubilistoque cridon à hue e à dia tre que veson un fourestié que copo un aubre, acò pèr faire regreia la fourest e qu’emé lou gas de si veituro n’enpouisounon li bèsti e li planto e d’aquéli « Roubinsoun Crusoë » dóu dimenche que fan pas meme la diferènci entre de blad e de civado.

E lou mai es que soun qu’un meseioun, un meseioun e pèr se n’assegura, lou cridon bèn fort e que i’a rèn de miéus que ço que fan. Lou meseioun ! Mai nous autre, lou saben proun qu’es dins lou meseioun que i’a lou verme ! 

Avèn rèn contro éli, mai que vengon pas nous dire ço qu’avèn à faire, n’en gagnon toujour que mai, soun toujour que mai noumbrous, es verai, se soun fabrica uno culturo que ié couvèn, vai bèn ! Mai, an pamens pas pèr autant lou dre de dispausa de nous-autre quouro ié pren l’envejo de nous amenistra uno soulucioun finalo « bèn pensanto ». Nous sèmblo que poudrian nous metre d’acord e qu’uno relacioun bèn assetado entre nous autre sarié necite à l’espandimen de la soucieta. Redurre lou Miejour à la souleto fin de li faire manja, de ié servi de passo-tèms e de bagno-quiéu dóu tèms di vacanço sarié un apaurimen dramati. Déu i’agué autro causo qu’aquel estamen di causo, es tout un sistèmo de valour, uno culturo elabourado à cha pau à n’un’epoco mounte nòu persouno sus dès travaiavon à la terro e nous autre, nous autre avèn touca l’eiritage de tout acò, d’un sabé, d’usage, de tradicioun, coume uno filousoufìo d’un mounde, d’un art de viéure à faire lingueto e à tóuti li rèndre jalous.

Sian qu’uno minourita, sian quasi à mand de cabussa, un genoucide, un genoucide culturau es à mand d’esvali tóut’aquéli valour majouro. La bataio es pas gagnado, li mot soun pas trop fort mai lis avèn vist arriva e s’istala, nous coulounisa e nous rousiga plan-plan, arougant, en pretendènt nous impausa emé sis idèio, uno vesioun di causo qu’à rèn de vèire emé nosto culturo.

Sian pamens nous autre lis eiritié, lis enfant dóu Diéu Mithra, li depousitàri d’aquelo culturo, d’aquéli tradicioun e bèn mai, de forço esperitalo e acò vau bèn mai que touto uno armado ! E se tóuti tant que soun, e li vese aqui escoundu au mitan de nous autre, e se tóuti tant que soun an sis usage e soun biais de viéure, se devèn de faire assaupre que nous autre avèn li nostro. Sian uno eissepcioun, sian uno eissepcioun culturalo, grand bèn nous fague, lou cridèn bèn fort e n’en sian fièr.

Vaqui perqué vuei, davans tóuti, vous demandan d’auboura lou poung, coume aurié pas manca de lou faire l’ouncle Laurèns, Laurèns Ayme, vous demandan d’èstre fièr de nòsti tradicioun e d’auboura lou poung en l’ounour de 2000 an de civilisacioun. 



Eirago, lou 15 de janvié de 2015






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Discours d’Eyragues pour la défense et la maintenance de l’encierro à l’eiraguaise

Ce que nous demandons...

Hommes et femmes de bouvine, mainteneurs, venus de tout notre midi, nourris d’un même lait, nous sommes d’une même terre, d’une même nation.

Ce que nous demandons, alors qu’une fois de plus le Midi est menacé, ce n’est pas seulement que l’on fasse preuve de tolérance, qui ne serait que provisoire jusqu’à la prochaine alerte ou que la « protectrice » chantera, c’est surtout qu’on nous reconnaisse le droit de préserver dignement et fièrement notre héritage culturel, par respect pour ceux qui autrefois se sont dressés : Monsieur Mistral, Joseph d’Arbaud, le Marquis et tant d’autres pour sauver notre liberté et nos traditions.

Voilà ce qui est arrivé, aujourd’hui, depuis, au moins trois générations, les trois-quarts de la population ont quitté les campagnes pour les villes, c'est-à-dire qu’il y a quasiment la moitié des gens qui ont rompu avec la façon ancestrale de vivre et qui se sont éloignés de leurs racines. Ils ne se sont pas remis de ce changement brutal de mode de vie, ne sachant plus que faire de leur vie de misère, se passionnant pour des nourritures et des voyages imaginaires pour combler les manques.

C’est alors que depuis une bonne vingtaine d’années ils sont entrés dans une période de retour à la nature et en sont devenus paradoxalement les missionnaires, les responsables les plus ardents. Eux, qui à l’époque, ont quitté la terre des chemins pour le goudron de la ville voudraient aujourd’hui nous donner des leçons.

Nous ne voulons pas revenir sur la sempiternelle opposition entre les gens de la ville et ceux de la campagne, mais il y a une leçon à tirer de tout cela, et la logique paysanne est bien connue, le bon sens ne voudrait-il pas que ce soient ceux qui font vivre nos campagnes, qui sont devant la réalité des choses : les paysans, les bergers, les gardians et tous ceux qui protègent la Provence et la Camargue qui aient la priorité pour donner les avis valables sur la question.

Mais non, l’opinion publique ne se fait pas chez nous, elle se fait là d’où partent les émissions de télévision, les rumeurs, opinion soucieuse d’entretenir sa popularité et de flatter la majorité. Cette majorité composée de ceux qui ne veulent pas savoir qu’en Afrique il y a la famine et la sècheresse mais qui sont émus par le sort des canards dès qu’il fait trop froid, de ces automobilistes qui crient à tue-tête dès qu’il voit un bûcheron qui coupe un arbre, cela pour entretenir et faire retravailler la forêt, mais qui avec les gaz de leurs voitures empoisonnent les bêtes et les plantes, de ces « Robinson Crusoë» du dimanche qui ne font même pas la différence entre le blé et l’avoine.

Et le plus fort c’est qu’ils ne sont qu’un noyau, un noyau et pour s’en convaincre, le clament haut et fort affirmant qu’il n’y a pas mieux que ce qu’ils font. Le noyau ! Mais nous, nous le savons bien que c’est dans le noyau qu’il y a le ver !

Nous n’avons rien contre eux, mais qu’ils ne viennent pas nous dire ce que nous avons à faire, ils gagnent toujours un peu plus de terrain et d’adeptes, c’est vrai ! Ils se sont fabriqués une culture qui leur convient, c’est bien ! Mais ils n’ont pas pour autant le droit de disposer de nous lorsqu’il leur prend l’envie de nous administrer une solution finale « bien pensante ».

Il nous semble que nous pourrions nous mettre d’accord et qu’une relation bien installée entre nous serait nécessaire à l’épanouissement de la société. Réduire le Midi à la seule fin de les faire manger, de leur servir de passe-temps et de bronze-culs pendant les vacances seraient un appauvrissementdramatique. Il doit y avoir autre chose que cet état de fait, c’est tout un système de valeurs que nous défendons, une culture élaborée petit à petit à une époque où neuf personnes sur dix travaillaient la terre. Nous, nous avons reçu l’héritage, d’un savoir faire, d’usages et de traditions, comme la philosophie d’un monde, un art de vivre à envier et à rendre jaloux.

Nous ne sommes qu’une minorité, sur le point d’être renversée, comme un génocide, un génocide culturel est sur le point d’anéantir toutes ces valeurs majeures. La bataille n’est pas gagnée, les mots ne sont pas trop forts, nous les avons vu arriver et s’installer, nous coloniser et nous ronger doucement, arrogants, prétendant nous imposer avec leurs idées, une vision des choses qui n’a rien à voir avec notre culture.

Nous sommes pourtant nous, les héritiers, les enfants du Dieu Mithra, les dépositaires de cette culture, de ces traditions et bien plus, de forces spirituelles et cela vaut bien plus que toute une armée ! Et si tous, tels qu’ils sont, et je les vois ici cachés au milieu de nous, si tous tels qu’ils sont, ils ont leurs usages et leur façon de vivre, nous, nous devons revendiquer les nôtres. Nous sommes une exception, une exception culturelle, grand bien nous fasse, nous le crions bien fort et nous en sommes fiers. 

Voilà pourquoi aujourd’hui, devant tous, nous vous demandons de lever le poing, comme n’aurait pas manqué de le faire l’oncle Laurent, Laurent Ayme, nous vous demandons d’être fiers de nos traditions et de lever le poing en l’honneur de 2000 ans de civilisation.

Eyragues, le 15 janvier 2015


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mercredi 28 janvier 2015

Pierrette BERENGIER : DISCOURS E DICHO







DISCOURS E DICHO



Les discours des grands hommes, tout comme les sermons, contiennent l'âme d'un peuple et de sa civilisation. Le Félibrige tout entier se retrouve dans les discours de ses Capouliers et de Frédéric Mistral en particulier.

Chaque année l'Armana Prouvençau  donnait ses discours les plus importants mais il fallut attendre 1906 pour en avoir une première édition en recueil. L'idée vint de Pierre Devoluy qui écrivait à Maillane (1):
Quant n'i'a de Prouvençau, e dirai meme de felibre, que lis an pas legi o pas sachu legi e trefoulirien d'alegrìo! Sarié noste libre de cabet. Aqui i'a tout l'Evangèli. Lou sabès bèn, tóuti li fes que nàutri, pàuris escoulan, cresèn avé agu uno idèio, se passo pas lou jour que nous aperceguen que vèn de vous, e que, siegue en Albi, siegue en Bartalasso, i quatre cantoun di Terro d'O, es vous qu'avès semena tout lou bon gran.
Pierre Dévoluy voulait une édition populaire, certain que c'était là, le meilleur moyen de répandre les idées mistraliennes.
L'autorisation arriva de Maillane et c'est le Flourège d'Avignon qui fut chargé de cette édition. Aux principaux discours, furent joints quelques articles de l'Aiòli, expliquant ainsi le titre de l'ouvrage: Discours e dicho, qui comptait 132 pages sans traduction.
Rapidement épuisée, cette édition en appela une seconde en 1941. Le Maréchal Pétain venait de déclarer que la renaissance de la France devrait s'accomplir selon les principes essentiels de la doctrine mistralienne qu'il remettait ainsi en honneur. Il fallait donc rééditer ces discours où cette doctrine est exposée avec autant de précision que de maîtrise, comme le dit Marius Jouveau dans sa préface. (2)
Le Félibrige et son Capoulier s'en chargèrent donc, supprimant les articles de l'Aiòli mais ajoutant la traduction française indispensable pour que ces discours soient lus et compris dans tous les milieux, aussi bien en Provence que partout ailleurs. Le souhait du Capoulier Marius Jouveau était que tous les Français veuillent et sachent trouver dans ces discours, de puissantes raisons d'espérer et les hautes vertus nécessaires au redressement de notre Patrie!
Au total ce sont dix-neuf discours qui ont été présentés au public. (3) Bien entendu, si la suprétion des articles de l'Aiòli rend le recueil plus homogène, elle crée aussi un manque. Ces articles auraient mérité une édition séparée comme le prévoyait d'ailleurs Marius Jouveau dans sa préface. Il reconnaissait en même temps la nécessité de publier aussi les lettres que Mistral rendit publiques lui-même, parce que le fond intime de sa doctrine y était plus particulièrement exprimé. (4)

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Parmi les dix-neuf discours nous pourrions distinguer les discours de Sainte-Estelle proprement dit, discours officiels d'un président de mouvement un jour de congrès, au nombre de dix, et les autres discours, au nombre de neuf. Parmi ces derniers certains, par leur contenu, pourraient être rattachés à la première catégorie, (par exemple ceux de Saint-Rémy, adressés aux Catalans ou de Marseille prononcé au Cercle Artistique en 1882). Quant aux autres, nous les appellerions volontiers discours de circonstance (mort de Roumanille, éloge d'Aubanel, Jeux Floraux etc.). Les discours recueillis et publiés couvrent donc plus d'un tiers de siècle, de 1868, avec le fameux discours aux Catalans: ço que voulèn, à 1904 avec le Discours i chatouno.
Pierre Dévoluy avait vu immédiatement la valeur universelle de ces discours et beaucoup plus tard Pierre Rouquette à son tour, souligna que l'on y trouve: les grands thèmes de la Race, de la Patrie, de la Nation. Ils constituent le développement de ce que l'on a appelé la doctrine du Maître. Chacun apporte non seulement une affirmation de ces notions majeures, mais une explication de leur nature et de leur valeur. (5)
Si nous lisons tous ces discours à la suite, il nous apparaît clairement que Mistral a l'art de mêler lyrisme et doctrine, rêve et action. En fin psychologue, il met toujours son optimisme en avant, afin de donner courage à son peuple. Il sait dans un même discours, demander la liberté du Midi et la reconnaissance du Félibrige en même temps qu'il fait l'éloge de Paris et réclame la décentralisation. Monsieur Lassagne est présent dans les discours mais leur fond reste bien de Calendal.
Si l'on veut connaître la petite histoire du Félibrige, les manifestations du sa de gàrri, alors mieux vaut chercher ailleurs. Dans ses discours, Mistral sait être tout à la fois le poète et le général, le père de la Patrie et le gendarme du canton, l'homme politique et le philosophe. Il connaissait la valeur des choses et savait éliminer des manifestations publiques ce qui pouvait donner une mauvaise image du Félibrige. Il s'intéressait de préférence à ce qui était important pour l'avenir, en particulier les accusations venant de l'extérieur. 
Parmi les thèmes principaux, nous relèverons l'histoire, les grandes idées et la politique, les problèmes de la langue, de la littérature, les échos de l'actualité, les symboles et l'action.

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Pour Mistral, l'histoire locale est importante. Elle peut encourager les bonnes volontés. Il y a aussi les moments graves de l'histoire, ceux qui font qu'un peuple se sent uni par le malheur. Mistral ne manqua pas, à Albi, d'évoquer la Croisade contre les Albigeois, et de lever la Coupe à l'ounour e memòri d'aquéli coumbatènt qu'an escri l'epoupèio dóu Miejour emé soun sang, e qu'an peri, superbe, en cridant: Vivo Toulouso!
Un autre événement important pour le Midi, a été le rattachement des régions d'Oc à la France, en particulier celui de la Provence. Pour son quatrième centenaire, la Sainte-Estelle monta à Paris, plus précisément à Sceaux, où Mistral souligna bien que pour la première fois un peuple poudènt resta libre vèn s'uni pèr amour au pople que ié plais.
Dans ses discours on chercherait en vain le regret du bon vieux temps. Mistral ne regrette pas le passé, il regrette simplement le temps où la langue était florissante car cette langue était le symbole de toutes les libertés qui faisaient notre fierté. En fait, c'est surtout les conséquences, les leçons de l'histoire, que Mistral évoque afin d'aider les habitants des Pays d'Oc, à reconquérir leur personnalité.
Tout le monde a présent à l'esprit, le merveilleux discours d'Albi contre le centralisme qui, pour lui, était le despotisme, contre l'abus de l'unité, contre aquelo puissanço terriblo, demasiado, la  centralisacioun.
Ce respect qu'il demandait pour notre langue et pour notre culture, n'avait rien à voir avec le séparatisme dont on l'accusait. Il s'en explica à Albi:
Li soucieta umano soun soumesso à dous balans countràri, que soun lis elemen de soun prougrès e de sa vido: soun, aquéli balans, lou besoun d'unita e lou besoun d'independènci. E dóu legislatour la suprèmo sagesso estarié, m'es avis, à trouba l'equilibre que dèu contro-pesa e manteni d'acord l'independènci e l'unita, à coumpli, en un mot, la lèi de Noste Segne: "Sicut in cœlo et in terra".
Pour Mistral l'unité était faite et à jamais. La France n'avait rien à craindre. La campagne que menait le Félibrige était défensive, non offensive. La solution souhaitée, celle du fédéralisme, liait la coumbinesoun d'uno lèi unitàri emé l'independènci qu'es necessàri à l'ome et devait amener la dignita, la liberta, la vido e la varieta dins l'armounìo. Le mot de fédéralisme n'apparaît pas dans les discours mais l'idée y est, claire et juste. Par contre, s'il ne le nomma pas, Mistral n'hésita pas à étendre ce fédéralisme à l'extérieur des frontières françaises, et à  parler de l'Union Latine, particulièrement en 1878, lors des Jeux Floraux de la Latinité à Montpellier, où apparaìt le fameux Empèri dóu Soulèu.
Il est à noter, en ce moment où le Félibrige s'apprête à passer le cap de 1993 et de la nouvelle Europe, que déjà, en 1887, Mistral voyait beaucoup plus loin que les pays latins puisqu'à Cannes, il évoqua les étrangers venus de tous les horizons et urous avans-courrèire di federacioun futuro!
Tout cela n'avait de sens qu'en fonction de l'avenir de la langue, thème majeur de tous les discours. Il fallait d'abord rappeler au peuple la gloire passée de cette langue mais il fallait surtout lui dire ce qu'est exactement une langue afin qu'il ait le goût de préserver ou de reconquérir la sienne. Ici nous ne pouvons pas ne pas rappeler le passage célèbre du discours d'Avignon de 1877:
Uno lengo, lou sabès, n'es pas l'obro fatisso d'un ome o de plusiour, nimai d'uno acadèmi, ni d'un regime quint que siegue. Uno lengo, me sèmblo, es quaucarèn d'aguste e de meravihous, car es lou recatadou d'aquelo lumiero auto qu'an apela lou Verbe.
Avès ausi parla d'aquéli jas de mino ounte s'atrobo escricho, pèr la longo dóu tèms, l'istòri espetaclouso de la creacioun dóu mounde, ounte se vèi d'erbasso, d'aubre carbounela, de pèiro  clauvissouso, d'animalas afrous, que  soun li testimòni di revoulucioun dóu globe.
Eh! bèn, Messiés e Damo, uno lengo retrais à-n-un jas minerau: car au founs d'uno lengo, se ié soun depausa tóuti lis escaufèstre, tóuti li sentimen, tóuti li pensamen de dès, de vint, de trento, de cènt generacioun.
Uno lengo es un clapas, es uno antico foundamento ounte chasque passant a tra sa pèço d'or o d'argènt o de couire; es un mounumen inmènse ounte chasco famiho a carreja sa pèiro, ounte chasco ciéuta a basti soun pieloun, ounte uno raço entiero a travaia de cors e d'amo pendènt de cènt e de milo an.
Uno lengo, en un mot, es la revelacioun de la vido vidanto, la manifestacioun de la pensado umano, l'estrumen subre-sant di civilisacioun e lou testamen parlant di soucieta morto o vivo.
Mistral voyait les langues menacées se réveiller un peu partout à l'étranger, c'était pour lui l'insurrection des dialectes, des pàuri dialèite poupulàri, trepeja coume l'erbo, secuta, escracha pèr li lengo óuficialo, despièi que mounde es mounde. Notre langue ne pouvait pas mourir non plus, elle qui sait nous rendre heureux, nous attacher à la Patrie, qui sait faire la noblesse de notre peuple et qui est surtout un estrumen de liberta.
Le rôle d'une langue est immense; instrument de liberté, la langue peut, par exemple, aider le peuple à rester dans son pays, à éviter la dépopulation des campagnes.
En 1877, dans son discours de Sainte-Estelle, Mistral annonça fièrement que les statuts du Félibrige avaient été acceptés en préfecture, c'est, dit-il, la proumiero fes qu'un ate óuficiau dóu gouvernamen francés relèvo nosto lengo de sa descounsideracioun en ié recouneissènt lou dre de s'apara! Il fallait profiter de ce droit et Mistral ne cessa de demander qu'à chaque occasion afourti(guen) lou Felibrige en praticant noste parla. A la vilo, au vilage, à l'oustau, pèr carriero, au cafè, dins li ciéucle, sus li camin de ferre o  dins li magasin, aguen pas crento d'emplega lou paraulis de nòsti libre.
Ce n'est rien d'autre que ce qu'il demandera onze ans plus tard dans la fameuse Espouscado  des Isclo d'Or.
Il fallait aussi enseigner cette langue à ceux qui ne la connaissaient plus. Il fallait un enseignement sérieux et officiel, avec l'aide technique et morale du gouvernement. Le peuple serait d'autant plus encouragé à réapprendre sa langue qu'il verrait Paris s'y intéresser aussi. La langue ne pouvait pas être séparée de tout ce qui fait notre culture et notre civilisation. En effet pour que le peuple eut envie de parler provençal il eut fallu qu'il se sentit provençal, et pour cela un seul moyen: aider à la survie de notre èime de raço.
En effet quand lou pople coumprendra lou sèn patriouti e la grandour dóu Felibrige, alor demandara que i'ensignon sa lengo, e li gouvernamen i'ensignaran sa lengo.
Ce fut un des buts principaux de Mistral et du Félibrige: forcer les portes de l'enseignement. En 1884, ce fut même une véritable supplication!
O Franço, maire Franço, laisso-ié dounc, à la Prouvènço, à toun poulit Miejour, la lengo melicouso ounte te dis: Ma Maire!
E pièi, à nosto lengo qu'an parla nòsti rèire, que parlon eilavau ti païsan e ti marin, e ti sóudard e ti felibre, à nosto lengo de famiho, fai-ié, dins tis escolo, uno pichoto plaço au coustat dóu francés.
En 1888 Mistral eût enfin le plaisir de pouvoir citer le livre de Michel Bréal, reconnaissant que loin de nuire à l'étude du français, le patois est le plus utile auxiliaire...
Une amélioration se faisait donc sentir de façon générale; le Félibrige s'étendait aux autres régions des Pays d'Oc, des revues paraissaient qui nous étaient favorables. Tout cela faisait la joie de Mistral qui la partageait avec ses félibres dans ses discours, même si tout n'était pas gagné, il le savait.
A cette langue orale de la vido-vidanto s'ajoutait la langue écrite, la littérature, qui est à l'origine de toutes les renaissances d'Oc. Elle était indispensable à la vie même de la langue et Mistral se réjouïssait que la resplendènto pouësìo fruch(èsse) gaiardamen.
Les troubadours et tous les écrivains de langue d'Oc ont eu droit à l'attention de Mistral dans ses discours. C'était là, reconnaître les vertus de la poésie, et reconnaître qu'elle était indispensable; mais Mistral n'oubliait pas qu'il était tout aussi nécessaire que d'y ajouter d'autres formes d'action.
C'est en ce sens qu'en 1882, il pouvait affirmer: Lou Felibrige enmantella dins la lengo dóu pople coume dins uno fourtaresso, es la souleto resistènci que i'ague seriouso contro lou despoutisme e l'atiramen di centre.
Il fallait résister, résister contre Paris mais aussi contre tous les centres possibles. Et Mistral posait là, le problème de la langue et des dialectes. La langue provençale  ne pouvait être qu'un symbole. C'est bien de la langue d'Oc en général que voulait parler Mistral. Son Tresor dóu Felibrige est d'ailleurs la preuve qu'il ne voulut jamais imposer son dialecte rhodanien à tous et l'enseignement réclamé dans ses discours, était celui de la langue d'Oc, de la littérature d'Oc e de la culture d'Oc en général. Les problèmes de graphie et d'unification sont inexistants dans les discours.
On sait que le Félibrige est souvent accusé de laisser les symboles, les artifices et les décorations prendre le pas sur l'action véritable. Ces symboles, Mistral lui-même savait qu'ils étaient indispensables aux hommes pour se reconnaître, pour se situer, dans un monde déjà en trin de se déshumaniser.
Dès 1877, on trouve lou gounfaloun de la Coumtesso, ounte, vuei, resplendis l'Estello di sèt rai. A Santo-Estello, il faut aussi joindre la Coupo dont mention est faite pour la première fois en 1880, à la suite du  voyage à Barcelone. (6) Mais dans les discours de Mistral, jamais l'action ne perd la première place. Qu'il chante les poètes, qu'il accable Paris et la situation qu'il nous impose ou invoque une Union Latine, c'est toujours à une action qu'il invite les félibres.
Pour les amener à cette action, pas de meilleur moyen que de définir le Félibrige au delà de ses symboles apparents. De galoi bataioun de voulountàri en 1876, il deviendra, en 1882, le représentant de l'antico independènci d'aquéli raço fièro. Contribuer à la pacification e à l'harmonie sociale, voilà, pour Mistral, l'ambition du Félibrige.
C'est dans l'éloge d'Aubanel prononcée devant l'Académie de Marseille en 1887, qu'il définit ainsi le Félibrige: coume dirian un Evangèli prouvençau, countenènt dins si pajo la revelacioun dóu bèu, dóu naturau, dóu patriau, emé la recounquisto de tout ço qu'èro nostre.
Mistral a toujours cru à ce rôle social du Félibrige. On le retrouve dans le discours de Gap sur la dépopulation des campagnes en 1885, aussi bien que dans celui d'Albi où il note que c'est le peuple qui est demandeur; c'est à dire que le Félibrige ne serait que le représentant, le fer de lance, du peuple. Cet argument était même le thème principal du discours de 1881 que Mistral élimina du recueil. Ce discours, plus que curieux, donnait le Félibrige pour une victoire de la démocratie: Lou Felibrige vai pas à l'encontre dóu siècle, es pulèu pourta pèr lou flume poupulàri, pèr lou courrènt dis evenimen que vènon. C'est là l'insurreicioun di dialèite  qu'il constate partout, en France et à l'étranger.
Le Félibrige porté par le peuple n'est sûrement qu'une illusion, une idéalisation ou la concrétisation souhaitée d'un rêve. Ce discours avait été publié à Barcelone en son temps, ce qui n'avait pas peu contribué à convaincre Mistral de la véracité de cette idée. Trompé peut-être par de faux-semblants, il se rendit à l'évidence et c'est là sans doute, la raison de l'absence de ce discours dans le recueil. D'ailleurs, déjà en 1875, Mistral avait du reconnaître que nosto lengo d'O, se gagno de respèt dins lou mounde di letro, vai en perdènt, ai-las! dins lis usage de la foulo.
Certains de ces discours, comme celui de Roquefavour sur l'illusion, sont plus connus, et plus facilement cités. Le discours d'Albi a même été qualifié de bible politique du Félibrige par René Jouveau qui y voit la plus belle expression et la plus belle légitimation des aspirations politiques du Félibrige.
Ainsi, liant illusion et déception, joie, courage et amertume, ces discours sont à la fois hymne à la liberté, hymne à la tolérance, au courage, à l'amour de la patrie, au Progrès, ce progrès qui ne peut s'épanouir que dans l'Union et la fédération, but premier du Félibrige.
S'aquelo grando idèio, la federacioun latino, un jour se verifico, sara lou Felibrige que n'en sara lou nous, ce Félibrige sourti di flan dóu pople d'uno façoun inesperado  et qui porte en lui l'aveni de la raço.
Parmi tous ces discours il en est un qui tient une place à part et qui serait un peu le discours suprême, il s'agit du discours aux Catalans, de 1868, qui brandit son titre comme une épée: ço que voulèn.
Ce que nous voulons, oui, Mistral en fait le décompte, et du respect de notre histoire au port du ruban par les chato d'Arles  on peut dire que rien de ce que nous voulons  n'est hors de propos. L'équilibre et la raison président à ce discours qui devrait être le catéchisme de tous les jeunes Provençaux. Complétant le discours d'Albi, le concrétisant, il met l'Idée mistralienne à la portée de tous. Ço que voulèn, c'était aussi ce que voulait le Félibrige: uno obro fièro, pas soulamen obro d'artisto e de pouèto, mai obro de patrioto, obro de digneta pèr nosto raço e noste païs.

***
En fait, on le voit, il serait facile de faire un parallèle entre les discours de Mistral et ses poèmes comme: Espouscado, Odo à la Raço Latino, I Troubaire Catalan, La Coupo, Li Bon Prouvençau, Lou Tambour d'Arcolo, La Coumtesso et bien d'autres. Qui, dans l'histoire, a su comme Mistral, lier poésie et action, lyrisme, doctrine et efficacité? Discours d'un meneur d'hommes, d'un organisateur et d'un poète, ses discours sont à la fois des morceaux d'anthologies et les évangiles félibréens. Chacun peut y trouver sa raison d'être félibre, et la voie à suivre pour atteindre la branco dis aucèu.
Il n'en est que plus regrettable qu'une édition critique n'ait jamais vu le jour. Elle aurait un succès assuré tant en France qu'à l'étranger. Il nous est impossible d'oublier que nous avons entendu certains de ces discours cités à l'Hôtel de Ville de Liège par un Echevin de la Culture et à Oviedo, par un ancien Président du Parlement de Barcelone. Lorsque nos conseillers à la culture, en France, seront assez cultivés pour citer Mistral, (on leur accorderait même de le citer en français...), lorsque nos ministres, députés et autres personnalités sauront, comme les étrangers, regarder vers Maillane, alors peut-être que l'Europe se fera réellement, avec une France qui n'aurait plus à rougir du traitement qu'elle impose à sa province. Une Europe où chaque peuple aurait sa place et qui, selon le souhait d'Emile Ripert, élèverait une statue à Mistral devant le Parlement de Strasbourg.
Lire et faire lire les discours de Mistral aujourd'hui, c'est poser la première pierre de cette statue.

Pierrette BERENGIER

NOTES

1- Le 20 août 1950; Cf. Correspondance Mistral/Devoluy par C. Rostaing, 1984 (2vol.)
2- Li discours de Frederi Mitral. Préface de Marius Jouveau. Ed. Lou Felibrige, 1941.
3- Nous ne tiendrons pas compte des articles supprimés dans la deuxième édition.
4- C'est ce que nous avons voulu faire avec René Jouveau, en rassemblant les Ecrits Politiques de Frédéric Mistral, aux Ed. Prouvènço d'Aro, 1989.
5- in La France Latine, n094, 30 trim. 1983.
6- Il s'agit en fait de la Coupe offerte par les Provençaux aux Catalans et non de la nôtre.

lundi 26 janvier 2015

F. Mistral : La rèsso - LEGÈNDO PROUVENÇALO




La rèsso 

LEGÈNDO PROUVENÇALO 




Dóu tèms de Sant-Jóusè, la rèsso èro panca couneigudo. Li fustié, à soun usage, n’avien que la destrau, lou coutèu e l’escaupre. 

Un jour que Sant-Jóusè èro sourti de sa boutigo, lou diable, qu’èro pèr orto, intrè pèr tafura e foutimateja. 
E ’m’acò, lou leidas vai vèire dous coutèu que lou paure Sant-Jóusè se n’en servié pèr alisca lou bos que fustejavo. 
Lou sacre maufatan arrapo li coutèu, e ’m’ acò pin! pòu! li pico lamo contro lamo e lis embrèco tout-de-long. 
Quand aguè fa aquéu bèu travai d’escoundeguè darrié la porto, e esperè lou vièi fustié pèr s’escacalassa e se trufa de sa coulèro quand tournarié dins sa boutigo. 

Sant-Jóusè rintro, e, quand vèi si coutèu breca d’aquelo maniero: 
- Quau diable, m’a fa ’cò? dis... E pièi: 
- Santo de Diéu, dis, tè! uno bono idèio... 
Aganta alor un di coutèu, l’entravèsso à-n-un tros de bos, e, cri, e cra! e zingue! e zangue! 
la rèsso èro enventado! 

Lou sant ome de Diéu rendeguè gràci au Segnour; e lou traite Banaru, nè coume un panié trauca, s’esbignè dins l’infèr emé la co entre li cambo. 


Armana prouvençau 1878 


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samedi 24 janvier 2015

Vidau : AUPIHO E ROUMANIN






AUPIHO E ROUMANIN 




Pèr l'ami B. Bonnet. 

Mai lou castèu qu'es vuei au sòu  
Sènso merlet, ni pourtissòu. 
F. MISTRAL. Nerto (cant I). 



Vièi castelas, siés bèu sout lou cèu clar e blu.  
Ti deroui tout flouri s'aubouron pèr sacado,  
Superbe, fantasti, fendascla d'estoucado,  
Qu'un siècle fabulous enciéuclè de belu. 

Toun pedestau es fort, daura pèr lou soulèu;  
Es un blot de granit souto un flot de lumiero,  
Un clot d'arnavèu rous sort d'un cros de pèiriero.  
Li calanc clavon tout d'un replendènt ridèu. 

Sus li mount estrassa mestrejant lou castèu,  
Cassaire e bracounié calon sis embouscado;  
L'aubeto fai flamba toun antico façado:  
Lou rounfle dóu mistrau caresso ti cimèu. 

Li galoi troubadour acourdant si lahut  
An canta ta grandour, ô cimo triounfalo!  
Di pople emai dóu tèms as subi li rafalo,  
E lou grand Marius te larguè soun salut. 

Aupiho, mount glourious, sèti de Roumanin,  
Dins ti revòu prefound perfuma de floureto  
Plano lou souveni, l'amo d'Estefaneto,  
E de brut de poutoun clantisson sout li pin: 

O tant gènto coumtesso, esquist e pur flambèu,  
De Venus largo nous l'amour, flamo idealo,  
Guido nous pèr la man, o divino vestalo,  
Vers lou bèn, au verai, pèr lou camin dóu Bèu. 



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jeudi 22 janvier 2015

F. Mistral : Lou nis de béulòli






Lou nis de béulòli 



Lis Areno de Nimes sabès coume soun auto: la rèino d’Anglo-Terro me proumetrié sa fiho emé de milioun dins soun faudau, que m’asardariéu pas de mounta sus la cimo e de farandouleja sus lou cresten. Rèn que de ié pensa, me sèmblo que siéu lourd e que cabusse, de tèsto proumiero, pereiçavau sus li calado. 

Lou pouèto Reboul, qu’à si moumen, noun desdegno de faire bando emé lou Cascarelet, me racountavo que, dins sa jouinesso, avié couneigu ’n gandoun mai courajous que iéu. 
Aquéu marrias, quand me parlas dis enfant!, escalavo aperamount au bèu bout dis Areno, e galoupavo tout à l’entour du cengle, e fasié l’aubre dre ’mé la cambareleto bèn sus lou releisset. Jujas un pau soun paire, quand vesié de causo ansin! soun amo ié tenié pas d’un fiéu. 

Li reprimendo e li voulado, rèn avançavo rèn; dès cop la semano, lou pichot escamandre anavo eilamoundaut faire tintèino entre lis arpo de la mort. 
Un jour, despacienta, lou paire ié lampo après, mounto sus lou rebord dóu precepice, aganto l’enfant pèr li pèd, e, lou brandoulejant, de tèsto pouncho, dins l’abime: 

- Ié vendras mai sus lis Areno? ié cridavo furious, ié vendras mai?... ié vendras mai?... Tout en un cop lou pichot se revessino e ié fai emé sang fla. 
- Abeissas-me ’ncaro un pau, moun paire; vese un nis de béulòli qu’an li péu fouletin! 

Dins l’istòri d’Esparto, ai jamai rèn legi d’intrepide mai qu’acò. 


Armana prouvençau 1862 

mardi 20 janvier 2015

L Vidau : VESPRADO





Sète - La Plage - 
Laure della Flora - 
2014 coyright 


VESPRADO 



Li roso dins lou vespre, an de fremin d'estàsi  
La gemo dis estello esbrihaudo lis iue,  
E la luno sourgis, encèndi de toupàsi. 
ESCRIVETO (felibresso di Roso) 




La neblo au tremount estènd sa roupo griso,  
Lou soulèu dins li flot nego soun disque d'or.  
Coume un poutoun cremant, lou voun-voun de la biso  
Passo sus la naturo, e la bresso, e l'endor. 

Tout es siau, e lou vèspre en sa marcho indeciso  
Empelisso di bos lou grandaras decor.  
L'amo puro di flour mounto e s'idealiso,  
Dins lou darrié prefum escampa dins lis ort. 

Es l'ouro sounjarello, es l'ouro ounte tout erro,  
Ounte li raive ardènt vous enauron de terro  
E vous mostron l'Espèr amount dins l'Infini. 

E lou cant dis aucèu escoundu dins l'oumbrino,  
Reviho dins lis cor lou troublant souveni  
De l'amour que reviéu, quand l'astre rèi declino. 






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dimanche 18 janvier 2015

F Mistral : Lou Mistrau





Lou Mistrau 


De dire que lou mistrau es un veritable flèu e que nous fai forço mai de mau que de bèn, crese pas que fugue uno causo bèn dicho, e la provo d’eiçò-d’eici es que, tre que rèsto quinge jour de boufa, siegue en estiéu, siegue en ivèr, lèu-lèu que tout lou mounde se languis que boufe. 
- Un pau de vènt terrau! dis l’Arlaten en souspirant quand lou mes de Juliet dardaio sus li garbo.
- Un pau de tèms dre! dis lou Sant-Roumieren, quand la plouvino ié rabino si plantun. 
- Uno brigueto d’auro! dis lou Coumtadin, quand li plueio d’autouno ié nègon si semenat. 
- Uno bono largado de mistrau’ crido lou pescadou que lou Levant retèn dins li calanco. 
Pamens se pòu pas dire que lou Mistrau fague ges de mau: tau prat, tau blad, tal òrdi, talo bargelado, qu’aurien agu quatre emai cinq pan d’autour, s’èron esta à la calo, restaran, pecaire! ras de sòu, gansouia que soun de-longo pèr aquéu capoun de vènt; taus amourié que jitarien de pivèu d’uno cano de-long, taus aubre fruchau que s’espalancarien souto la frucho, restaran arrascassi, espeia e abasima que soun pèr aquéli grand boufado. 
E pamens aquéu qu’a fa lou mau i’a long-tèms peréu qu’a fa lou remèdi. Mai lis ome, sian tant daru! La mita dou tèms fasèn coume aquéu que cercavo soun ase e que i’èro dessus. 
Avès jamai vist aquéu bèl autre loungaru, aut que-noun-sai, que bandis peramount dins l’èr blu sa ramo fougouso, negro e pounchudo, e que ié dison un ciprès? 
- Eh! bèn, Prouvençau aquel aubre, Diéu l’a fa esprès pèr vous! 
Ges de païs que ié venguè tant bèn coume en Prouvènço, ges de païs que ié fugue tant necite. Avès un flo de bèn que l’aigo e lou soulèu ié rajon pèr la gràci de Diéu: lou liéume, la graniho e la frucho ié vendrien pèr despié, s’avien soulamen un pau de calo. 
Pas mai qu’acò? Croumpas vitamen de plantun de ciprès de tres an, o à pau près; plantas-lèi emé sa mouto, en drecho ligno, de dous pan en dous pan, de-pèr-d’aut e tout-de-long de vòsti terro! Fasiès-ié de-pèr-darrié uno sebisso morto, pèr que l’avé li rousigue pas en estènt jouine. 
Dins dès an, mis ami, aurés un bàrri de verduro que ni vènt, ni tron, ni grelo pourran lou trepana; li cardelino ié vendran nisa pèr delice; tout ço que semenarés, tout ce que plantarés sara dous cop plus bèu que noun èro davans. D’agrioto, de poumo, de blad, de meloun, de pero di burrado emai di troumpo-cassaire, n’aurés à rifle, n’aurés à n’en vos? 
ve-n’en-aqui. 
Mais ço que i’a de plus bèu, es aquéu camin de fèrri que vous li vendran querre à vosto porto pèr li carreja plus vite que lou vènt sus li marcat de Paris e de Loundre! 
Esperés dounc pas lou quicho-clau! 
Marsihés, plantas de figuiero! Gènt de-z-Ais, reclausès lis óulivié! Brignoulen, ensertas li pruniero! Selounen, rebroundas lis amelié! Barbentanen, fumas li pesseguié! Cabanen, fasès de pourreto! Castèu-Reinarden, agués siuen di poumo d’amour! Sant-Roumieren, arrousas li merinjano! Cavaiounem, semenas de meloun! Mazanen, acampa 
lis agrafioun! Cujen, acatas bèn vòsti tapero! Cucurounen, cresta vòsti coucourdo! 
Pertusen, vantas vòsti pòrri! Gènt dóu Ventour, cavas vòsti rabasso! 
Travaias, prenès peno, boulegas li mouto, e rapelas-vous bèn qu’au tèms que sian, vau mai emplega si terro que sis ami! 



Armana prouvençau 1855


vendredi 16 janvier 2015

Vidau : la Crau







LA CRAU 




Pèr Moussu F. Ceccaldi, Souto-Prefèt en Arle. 
La mar èro tranquilo e mudo  
Aperalin soun estendudo 
Se perdié dins la mar e la mar dins l'èr blu. 
(Mirèio, cant V) 



T'ai visto, ô vasto Crau! pèr uno niue d'Avoust, 
Pleno de souveni, tranquilo e souloumbrouso. 
Lis estello eilamount superbo, radiouso, 
Endiamentavon d'or la capo dóu cèu blous.
Au mendre ventoulet boulegant si criniero, 
Gibla pèr lou mistrau coume de penitènt, 
Lis oulivié gaiard au panache mouvènt 
Semblavon au Segnour adreissa sa preguiero. 
Plan-plan restountissié, dins lis aire empourta, 
Lou son clar di menoun paissènt dins l'esplanuro; 
E lou cant dóu grihet perdu dins la verduro, 
Eron li soulet brut pèr l'ecò rapourta. 
...T'ai visto, peréu, bello, en l'ourrour di tempèsto, 
Chimarrado d'uiau, boumbardado de tron; 
Jusqu'au sòu li ciprès tirassavon si front 
Batu pèr lou gregau qu'au vènt d'aut tenié tèsto. 
E dins l'afrous bourboui dis elemen mescla 
Me retrasiéu lou tèms di bataio oumerico; 
Lucho di fièr Titan, valurouso, erouïco, 
De gigant à l'assaut de l'empèri estela. 
...T'ai visto, e m'as ravi. Souto l'escandihado 
Alargaves sens fin en aquéu jour d'estiéu 
Coume un tapis de flamo au passage d'un diéu, 
Tis erso de frejau oundejanto e daurado. 
Faissado i roumanin, li ferigoulo en flour 
Largavon si parfum sus la plano e l'Aupiho; 
Lou galant pimparrin dins Il verdo broundiho 
Desgrunavo galoi oun cantico d'amour. 
Avau dins la luenchour la mar semo, inchaiènto, 
Unissié si coulour à l'ourizount mourènt 
E, mirau linde e pur, lou flot franja d'argènt 
Retrasié dóu soulèu la ciro esbléugisènto: 
Perfum, cant e vounvoun, requisto connfusioun, 
Dounaves à moun cor l'inipressioun deliciouso 
Que devon ressenti li vierjo benurouso 
Amount dins lou trelus di celèsti regioun. 
Coume un raive amourous planes dessus ma vido, 
Souveni lumenous d'aquéu jour estivau! 
Respiendènto vesioun! ô bello niue de Crau! 
Sies gravado à jamai dins moun amo ravido. 




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