lundi 28 octobre 2013

A. Langlade : LOU SOUREL E LAS GRANOULHAS




LOU SOUREL E LAS GRANOULHAS


AU FELIBRE AUGUSTE DE VEYRIER
 
 
Un jour de greva caumagnassa,
A l'oura qu'au suquet das trucs
L'auba manda un darriè trelus
E que la suita vai en cassa,
Dins las rausieiras d'un estanc,
En granda foga cambejant,
Touta la raça granoulieira,
Per venì prene la fresquieira,
Bandìs sas cachas de limpun;
Lèu-lèu coumença un long plagnun,
Que digue, un senodi, una sega
Qu'auriàs, saique, ausit d'una lega:
— Ai, que fai caud! couë! coui! couà! couà!
Noste estanc se vai tressecà,
La palus serà 'nvapourada,
Se countunia l'escaumarrada.
Moun Dieu! damoussàs lou sourel;
Avem bèu graulà per la ploja,
En van cadun focha e refocha,
Lou nìbou fugìs davans el.
Maufaràs, s'un jour dispareisses,
Granoulhas, limaucas e peisses,
Sus terra aurem lou Paradìs...
Après tant de dichs e redichs,
La nioch aguet finit sa posta,
E tre qu'un lus ven sus la costa
Anouncià l'astre majourau,
Lous repoutegaires fan siau,
E cadun regagna soun trau.
Adounc, dins l'inmensa espandida,
Lou que dona jour, saba e vida,
Alarga sous rais magestous,
Sans s'enquerì se sa venguda
Per quauques-uns es mau vouguda,
Ou se l'escur n'es pas jalous
Trai sous lamps, en dralhant sa via,
Sus tout ce qu'es brute, ou coungrilha
Sus tout ce qu'en l'aire se mòu
Ou cava e rabala per sòu;
Dins l'aiga mema, la peissalha,
Quand es à soun pountificat,
Qu'en sus de la mar se miralha,
Dins sas cafournas lou reçap.
En fenicioun, quand l'aura bousca,
Flouretejant la lona fousca,
Las granoulhas, maugrat sous ais,
Van s'abeurà de sous dardais!

samedi 26 octobre 2013

Yves Gourgaud : Dis-moi qui tu fréquentes…

 
 
 
 
Dis-moi qui tu fréquentes…

    Le Félibrige actuel semble n’avoir retenu du mistralisme qu’une seule idée : l’unité de la « langue d’oc ». Idée indiscutablement mistralienne, il est inutile d’accumuler les citations. On pourra toutefois faire remarquer que cette « langue d’oc », si unie et si unitaire qu’il n’est absolument pas permis de la remettre en cause, a des limites qui elles sont bien fluctuantes : au début, Mistral n’y inclut même pas l’Auvergne ! Ensuite, avec l’ivresse des succès littéraires, les limites au contraire  s’ouvrent en grand et la « langue d’oc » de Mistral inclut tous les pays francoprovençaux et toute la Catalogne ! Troisième étape, après le refus très net des Catalans de se laisser inclure dans cette « langue d’oc » mistralienne : on en revient à la « moyenne Occitanie » avec Lyon, Saint-Etienne, Grenoble et le Val d’Aoste qui, n’ayant pas la puissance des Catalans, seront inclus de force. A preuve, le fameux TDF qui donne des citations en francoprovençal ! Je ne sais même pas si le Félibrige a officiellement reconnu (quand ? qui ? merci à qui saura me le dire) l’indépendance linguistique des pays francoprovençaux dans un quelconque document officiel…
    On le voit, cette « langue d’oc » si « indiscutable » a du plomb dans l’aile dès qu’on connaît les immenses hésitations de Mistral lui-même : un « bon mistralien » tendance Félibrige officiel va-t-il contredire le Maître en affirmant que Grenoble n’est pas de langue d’oc ? Rappelons aussi qu’au Félibrige  le catalan n’est plus de « langue d’oc », mais que le Roussillon (de langue catalane) a eu droit à une Maintenance tout comme la Provence ou la Gascogne… comprenne qui pourra…
    Bien sûr, si tous les Félibres unitaristes avaient l’intelligence du Félibre d’Auvergne (1), qui admet une unité sur le plan strictement linguistique mais qui double cette constatation d’une vision socio-culturelle qui, elle, affirme l’existence de plusieurs langues d’oc avec des littératures et des graphies distinctes, il n’y aurait aucun mal à voir le Félibrige affirmer cette « unité de la langue d’oc ». Malheureusement, le Félibrige officiel semble s’être figé sur un unitarisme total et intransigeant, au point de considérer comme « mauvais mistraliens » ceux qui ne professent pas cet acte de foi, et surtout au point de s’allier régulièrement avec les pires ennemis du mistralisme et du Félibrige, les occitanistes qui eux aussi ont fait de l’unité absolue et indiscutable de la « langue occitane » la pierre angulaire de leur temple.
    Quelques lectures récentes vont me permettre de rafraîchir ici la mémoire de ceux qui, au Félibrige, semblent avoir oublié les faits passés (« dóu passat la remembranço », chantent pourtant tous les félibres). En voici quelques-uns, petite goutte d’eau dans le torrent des citations anti-mistraliennes et anti-félibréennes de l’occitanisme.
    En 1970, un occitaniste ardéchois fait paraître pour la seconde année un « Almanach Ardéchois » où bien sûr le mot « occitan » est répété à satiété ; quand on donne une liste de « groupements et associations » du « renouveau occitan » (page 7) on trouve en tête l’IEO mais aucune mention du Félibrige ni d’une quelconque association mistralienne. Est-ce suffisant pour affirmer que cet occitan était hostile au Félibrige ? Oui, puisqu’il l’affirme tranquillement page 14, dans un paragraphe intitulé « L’occitanisme dans l’Ardèche » et qui commence ainsi :

    L’occitanisme (par opposition au Félibrige) est maintenant implanté en Ardèche…
    
Nous ajouterons, pour rassurer ces braves occitanistes, qu’il est aussi, à l’heure actuelle, « implanté dans le Félibrige » : le « grand poète » Serge Bec (celui dont on nous affirme qu’il est grand puisque personne ne le comprend)  y a fait une entrée au grade envié de Majoral, lui qui osait affirmer dans la propre revue du Félibrige que le mot « maintenir » était haïssable et mortifère… Mais mépriser le Félibrige semble plus rentable, de nos jours, que de travailler avec science et conscience : ces immenses travailleuses que sont Roseline Martano et Bernadette Zunino, pour ne prendre que deux exemples que je connais bien, attendent toujours, elles, d’être reconnues par les Catau. Comme elles se « contentent » d’un travail d’enseignement et de diffusion, de publications et de recherches au service du mistralisme et des mistraliens, comme elles écrivent une langue que tout le monde comprend, et qu’en plus elles sont fidèles y compris à la direction actuelle du Félibrige, elles risquent d’attendre longtemps. Je promets de faire ici amende honorable dès que le Félibrige m’aura fait mentir à leur sujet.
    Il est un autre occitaniste virulent  qui, lui aussi, voudrait bien se voir accrocher une cigale au revers : le tristement célèbre Pierre Pessemesse qui a passé toute sa vie à croire qu’un grand écrivain c’est quelqu’un qui écrit au-dessous de la ceinture. On a les critères moraux et esthétiques qu’on peut… Et voici que je redécouvre un compte-rendu littéraire dudit Pessemesse dans une publication occitane :
Dans les « Tables analytiques… de la revue OC » publiées par le CIDO en 1985, on apprendra que Pessemesse a fait un compte-rendu d’un ouvrage de François Jouve, Prix Mistral en 1954 et Majoral du Félibrige dès 1931. Or nous sommes en 1972, et Jouve est mort quatre ans auparavant. Pour apprécier à sa juste valeur la critique de Pessemesse, il faut savoir que l’ouvrage critiqué est justement l’édition complète des œuvres de Jouve (« Conte e raconte)
Que va donc dire du Majoral-écrivain Jouve le critique-écrivain Pessemesse, candidat au poste de Majoral ?

« PESSAMESSA (P.) – C.r. de F.Jouve, Conte e raconte / pages 87-89 du numéro 239 d’OC/ Contes et histoires (galéjades, anecdotes, souvenirs) publiés par l’Association des amis de F.J. : éloquence félibréenne, syntaxe fr[ançaise] trad[uite] en prov[ençal], vocabulaire précieux chez cet homme qui parlait une langue prov[ençale] « força bona » mais qui ne faisait que de grosses tâches quand il trempait sa plume « dins l’escritori mistralenc »
 
Alors, Messieurs Mistral et Jouve, êtes-vous assez bien habillés pour l’hiver ? Et Messieurs les Catau du Félibrige, allez-vous continuer longtemps à nous expliquer que les occitanistes sont des alliés indispensables à la défense de nos parladures ? Quand vous aurez élu Pessemesse, cet « écrivain » qui n’a jamais su employer correctement les temps surcomposés, allez-vous lui demander, avec son acolyte Bec, de nous écrire une Nouvelle Histoire de la Littérature Provençale éditée par le Félibrige ? En effet, dans leur « Précis de littérature provençale » les deux auteurs (Rostaing et Jouveau, deux pauvres Capouliers du Félibrige) ont osé écrire à propos de l’écrivaillon Jouve, page 116 :

    « Conteur sans égal, plein de verve et d’esprit comtadin /…/ Jouve est probablement un des derniers représentants de l’esprit provençal et, sans doute, le meilleur. »

Qui a raison, Rostaing/Jouveau ou Pessemesse ? Il serait vraiment comique que Pessemesse se trouve un jour élu Majoral sur la cigale de Jouve, et qu’il ait à en faire l’éloge !!
 
 
(1) Alain Broc : « La langue d’oc et ses langues littéraires, Provençal, Cévenol, Auvergnat illustre… », Aigo Vivo, Alès 2012
 
 
 
Yves Gourgaud, 
Félibre MAINTENEUR, 
Octobre 2013

jeudi 24 octobre 2013

Jasmin : LA GRANDO ESCOLO DES MOUSSUS





LA GRANDO ESCOLO DES MOUSSUS

1847

Toutjour m'en soubendrèy: penden qu'éri maynatge,
Dins uno paouro escôlo al regen droumillous
Que dins tout l'an abiò l'uzatge
De cambià soulomen quatre cots sas litsous,
Coumo el sul libre badaillaben;
Mais jou que d'aprene abloy set,
Lou ditchaou, lou dimeche, à peno nous lebâben,
Oublidan gaoudûfo et palet,
Fazioy d'Agen moun alfabet;
Trimâbi de tout bors, legissioy las ensegnos,
Câdo afficho, câdo escritèou;
Lou regen lou dilus m'appelâbo un flambèou!
Et quan apèy begnon las bregnos,
Recebioy, per un més, la médaillo d'argen;
De touts êri lou may saben:
Legissioy lou francés... prèsque courrentomen!!

Et quan mitat hôme fusquèri
Besquêri
Que de sabé legi n'êro pas tout aciou;
Sabioy rés, dizioy rés; mais quan begnò l'estiou,
Debat un brés de litso-crâbo,
Un ange que jou soul bezioy,
Amourouzomen m'alengâbo,
Parlâbo glôrio... et coumpregnoy!!

Es alabets qu'un jour, jour de fèsto luzento,
Daourejèt à mous èls aqueste palay nut;
Aprenguêri qu'aciou, lou sabens, lèn del brut,
Fazion la jouynesso sabento...
Bièl coulètge, che tu, que me sayoy boulgut!!

La nèy, toutjour y saounejâbi;
Lou jour, al tour d'el roudejâbi,
Mous èls traoucâbon las parets;
Quan s'oubriò lou pourtal... n'èro qu'as moussurets!

Pourtan, al més d'agous, al soun de la muzico,
Per jou coumo per touts, s'alandâbo. — Enluzit,
Quan bezioy courouna dins lou carrat flourit

Uno jouynesso poëtico
Doun lous èls alucats petrillabon d'esprit;
A moun cò sentioy de butidos,
Et dizioy: − Es aoumen pouyran beni famus,
 Car ensegno l'esprit et las caouzos poulidos,
 La grando escôlo des Moussus!

— Acòs èro per jou la fèsto la millouno;
Y tournâbi câdo an; ma plaço ero pitchouno,
Mais bebioy lou plazé jusquos al darrè glout,
Jusqu'à la darrèro courouno,
Et l'aoudou del laourè m'acoursâbo pertout!!

Aro anfin, qu'en Muzo pastouro,
Ey cambiat moun ange en grandin;
Que lou maynatge és home, et l'hôme un pelerin,
L'escôlo des Moussus, may grando an aquesto houro,
M'y fay plaço d'aounou sul l'estrado lassus,
Et de mous chapelets bèn de peza lous grus...
Et de countentomen luzis câdo bizatge...
Et de flous me plèbon dessus...
Oh! courounos del brès, sès douços à moun atge!
A la glôrio, tabé, nou demandi res plus:
Lou maynatge dins l'hôme, anèy, tout se resquito:
Car bèn daoura de mèl lou sero de ma bito,
La grando escôlo des Moussus!!


*+*+*


mardi 22 octobre 2013

A. langlade : LOU NIS DE CARDOUNILHA


 
LOU NIS 
DE CARDOUNILHA


A MA COUSINETA TRESA DE POUCHET
QU’ES L’AINADA DE TRES MANITS QU’AN PERDUT SA MAIRE


Sus una branca d'amelliè,
I’aviè’n niset de cardounilha
Ben amagat jout la ramilha,
Ounte una couvada jasiè.

Entre que l'auba era espetada,
Paire e maire, en alatejant,
Anavoun, venien de l'escamp,
Pourtant becada sus becada.

E pioi, quand era nioch-falit,
Un sus la branqueta gaitava;
L'autra, lous nistouns acatava;
Jout soun corp d'amour trefoulit.

Passa de cregnessa e de gaubi:
D'aqui que siegoun abarits,
Que de martels, que de soucits,
Donoun l'agassa e lou renaubi!

Saran abarits, de segur:
Lou caga-nis bourra e canouna,
E l'ainadeta, vesiadouna,
Fai ses ploumetas. O bounur!

Mais quante sort! la paura maire
Tomba un jour d'enenqueliment.
La mort çai ven, la mort la prend.
Paures nistouns! Malurous paire!

Adounc l'ainada dau bresset
Sort, e, sautant de branca en branca,
Au paire, que lou dòu escranca,
Fai, en soun aire beluguet:

— Ai l’ala forta;
Per camp, per orta,
Te seguirai,
E, de la sorta,
La paura morta
Remplaçarai!

De l'oura en lai, dins la familha,
Tout vieu, tout se mòu, tout bresilha.
E, ioi, lous nistouns espoumpits,
Voulastrejoun fora dau nis! 


*+*+*


dimanche 20 octobre 2013

T. DAVID. - A MADAMISELLO

 
 
A MADAMISELLO
(Souveni de Vals)
 

— Perqué tant lèu vous enana?
Me diguerias, o gènto fiho,
Alor que dins l’après dina
Deviéu rejougne ma famiho.

Ah! de segur s’aviéu pouscu
Resta 'mé vous quàuqui semano
Dins lou bonur auriéu viscu
Luien dóu mounde e de si chavano.

Mai quand aurien dura de tèms,
Aquéli jour de benuranço!
Faudrié pamens, à tard o tèms
Parti de vosto demouranço.

E me sarié ’sta pu marrit
De vous leissa, quand dins moun amo,
I’auriéu, pèr l'amour agarrit,
Senti l'ardènto e puro flamo!

Car vòstis iue dejà pèr iéu,
Eron dos estello bessouno;
E voste sourire agradiéu
M'èro autant dous qu’uno poutouno!...

Mai pèr qu’encaro aùtri tourmen
Noun me faguèsson macaduro,
Rèn n’en diguère... e vitamen
M’esbignère dins la veituro.

M’es esta dounc proun segrenous
De m'aliuencha de vosto caro!
E de pensa que belèu vous
Noun sounjarias à iéu encaro.

M’a sembla 'n dòu de vous quita!
Bèn talamen vòsti sourrire
E voste biais de braveta
M’avien charma qu'es pas de dire.

Tambèn, se poudiéu quauque jour
Mai agué l'ur de vous revèire,
Countènt sariéu, s'a moun entour
Vous plaisissias, de vous ié vèire.


(D’en Vilo-Novo ... d'Avignoun)
T. DAVID.
1900


*+*+*

vendredi 18 octobre 2013

Ive Gourgaud : Paul SABATIER, de Vendargues

 
Paul SABATIER, 
de Vendargues




« A Vendargues, aux portes de Montpellier, le Cercle Occitan de la ville s’apprête à éditer les œuvres du poète local Paul SABATIER, avec l’autorisation de sa petite-fille. Cet ouvrage porte un titre occitanisé, ce qui laisserait présager le pire : mais si les textes ont bien été réécrits en occitan, cette transcription ACCOMPAGNE les textes originaux au lieu de les remplacer, et le lecteur pourra donc non seulement profiter de cette graphie originale, mais aussi comparer cet original avec sa copie occitane, ce qui pourrait se révéler très intéressant. J’attends donc avec impatience la très prochaine parution de cette œuvre que je pressens de grande qualité. Là encore, on doit remercier des occitanistes pour leur respect de l’oeuvre qu’ils éditent. »

    Voici ce que j’écrivais ici-même, il y a quelques jours, dans une chronique intitulée « Eloge d’occitanistes ». Et comme je viens de recevoir l’ouvrage en question, je m’empresse d’en faire un compte-rendu détaillé pour les lecteurs de Marsyas2.
*+*+*

1. L’OUVRAGE

    Disons-le d’entrée : c’est une réalisation magnifique. La couverture est fortement cartonnée, illustrée d’une photographie pleine page ; le papier glacé est aussi de très grande qualité, tout comme la typographie. Je peux imaginer la joie des héritiers du poète, car je connais peu d’auteurs qui ont été honorés d’une édition d’une telle qualité.
    L’ouvrage compte 162 pages, très richement illustrées de photos couleurs ou noir et blanc, soit de l’auteur soit de paysages soit de rues de Vendargues, sans oublier des reproductions de manuscrits ou tapuscrits de l’auteur, lesquelles nous permettent de vérifier que le travail de retranscription des textes a été fait très consciencieusement.
    Après un portrait de l’auteur, on trouvera pages 5-6, signé par « Lucie-Paule », un « Hommage à mon grand-père, Paul-Luc Sabatier », texte à la fois intelligent et sensible (ce qui nous change agréablement des banalités qu’on a l’habitude de lire à cette place) :
    « La langue occitane [nous reviendrons sur ce terme] … il la cajole en secret comme une amie fidèle parce qu’il la sent plus conciliante, plus souple, capable de traduire avec finesse la moindre de ses pensées. /…/ Cette langue s’invente des mots qui chantent, qui pleurent et voyagent, disait-il, elle précise une idée improbable, donne à l’écriture un rythme, une saveur, une couleur, une odeur aussi. » (page 5)
    On trouve ensuite (pages 9-11) des « Notes sur la langue et sa transcription en graphie classique » signée des deux occitanistes qui ont réécrit les textes, notes sur lesquelles nous reviendrons plus tard    L’œuvre elle-même comprend 32 textes en langue d’oc (un seul texte en prose). On y a joint deux courts poèmes en français : « Nostalgie » et « Rive occitane », ce qui nous donne l’occasion de nous expliquer sur ce terme d’ « occitan » employé par Paul Sabatier et sa petite-fille. Cette « rive occitane » que nos amis occitanistes tracent de Perpignan à Monaco, Paul Sabatier la définit très précisément dans son poème : « des bords du Rhône jusqu’à Narbonne ». Le texte parle du « Golfe du Lion », et des départements de « l’Hérault, l’Aude et le Gard ». On voit que Paul Sabatier emploie le mot « occitan » dans son vrai sens historique : on rappellera, et surtout aux occitanistes, que le mot latin Occitania désignait officiellement, jusqu’à la Révolution, la province de Languedoc et rien d’autre. L’emploi du mot « occitan » est, sous la plume de l’auteur ou de sa petite-fille, parfaitement justifié car il a toujours le sens de « languedocien » : grosse pierre dans le jardin des occitanistes, qui emploient le mot dans un sens impérialiste pour essayer d’assimiler (de force, cela va de soi) toutes les terres, tous les peuples d’oc et toutes leurs parladures au Languedoc, ce qui provoque des réactions naturelles de rejet de la part de ceux qui, Provençaux, Gascons, Auvergnats ou autres, ne se sentent nullement « languedociens » et donc nullement « occitans ». A Vendargues, on est historiquement « languedocien » et donc « occitan » au sens strict.
*+*+*

2. LES TEXTES D’OC

    Les 31 poèmes comptent un total de 1681 vers selon mes calculs, soit une moyenne de 54 ou 55 vers par poème. On trouve cependant une assez grande variété dans la longueur de ces textes, qui comptent entre 4 et 207 vers. Les plus courts sont des compositions d’ordre philosophique ou moral : « Parens prenes garda ! », page 121 ou « Leiçoun », page 139. Les plus longs sont des contes en vers, dans la grande tradition cévenole (venue du Moyen-Age) du « roman », récit en vers. Ces contes peuvent être drôlatiques (« L’emplastre », 144 vers, ou « Lou coutou », 132 vers) mais ils peuvent aussi être de tonalité sérieuse, comme cette belle « Abrivada », le plus long texte de Sabatier, qu’on pourra lire en parallèle d’un autre long texte de la région, celui du Marsillarguais Germain Encontre (« Una coursa de bioous »)
    Une variété de tons et de sujets, alliée à une versification qui parfois est très moderne : page 117, « mounde » rime avec « besoun de », avec un enjambement ; autre enjambement page 137 où le mot de liaison « couma » fait rime avec « pouma ». On voit qu’on n’a pas affaire à un rimailleur de village, mais à un vrai poète, ce qui fait de son œuvre une pierre importante dans l’histoire de la littérature d’oc de cette partie orientale de l’Hérault (je ne dis pas « montpelliérain », malgré la proximité géographique, pour une raison que je vais développer plus bas)

    A la fin de leurs « Notes », les deux occitanistes trouvent à l’œuvre de Sabatier plusieurs intérêts : dialectal (nous y reviendrons), lexical, ethnographique, ethnobotanique… et finalement « littéraire » mais dans le seul texte en prose, le conte de Noël. Je trouve ce dernier jugement bien restrictif, pour ne pas dire condescendant : les poésies de Sabatier n’auraient-elles donc aucun intérêt littéraire ? Je pense précisément le contraire : non que l’ensemble des poèmes soit de nature à hisser Sabatier sur le piédestal des génies poétiques d’oc, Mistral, d’Arbaud, Peyre, Delavouët ou, pour rester plus près de Vendargues, d’Alexandre Langlade. Mais l’un de ces géants, Sully-André Peyre, a écrit quelque part qu’un grand poète, c’était quelqu’un capable de faire de grands vers, et de ce point de vue, Sabatier est indiscutablement un grand poète. En dehors (ou en plus) de sa technique poétique, de la richesse de son expression, de la variété de ses thèmes, Sabatier révèle une personnalité forte et riche (ce que sa petite-fille a bien su faire ressortir dans  son « Hommage »). Ce viticulteur à la vie rude sait faire montre d’une grande sensibilité, et je voudrais mettre ici en relief ce qui n’apparaît pas dans l’ordre de publication des textes, à savoir une trilogie, voire une quadrilogie consacrée aux chevaux : il faut commencer par lire, page 99, MOUN FOUET (transcrit par erreur « mon fouet », tant dans le titre que dans le premier vers, alors que la reproduction du tapuscrit page 101 donne la bonne forme « moun »). Ce fouet, qui symbolise si souvent le pouvoir et la brutalité du charretier sur ses bêtes, Sabatier en a fait « un mouscal », un chasse-mouches qui ne sert pas à châtier, mais à indiquer la voie : « Moun fouet n’es qu’un ensegnadou ». Et le cheval, qui a bien compris la bonté du maître, réagit en conséquence :

Champioun n’en quilha pas la testa,
vai à soun pas, sans s’inquieta

    Voici nommé le cheval, ce qui nous inciterait à lire maintenant, page 25, le poème précisément intitulé « Champioun » (là encore, la table des matières donne la forme erronée « Champion »). Mais dès le début du poème, au vers 2, on apprend que Champioun avait remplacé Talbot, autre cheval pour qui Sabatier a composé un poème : il nous faut donc lire d’abord, page 145, ce très beau poème (pour moi, le chef-d’œuvre de Sabatier) intitulé LA MORT DE TALBOT. Pour montrer la valeur de ce poème, il suffit de citer ses derniers vers :

E lous trins qu’en passen sus la voues, de sous fiocs
Trasien aqui dessus de lusous de misteri…
Un aubre !... Un clapas !... d’oumbras !... Un ciminteri !

    Talbot meurt tragiquement en 1932 ; c’est Champion qui lui succède, et pendant 16 ans : là encore, l’attachement, l’amour du vigneron pour son cheval est affirmé avec force :

Nous sen quitats au mes d’aoust e sus soun moure
Davans que s’en anesse y faguere un poutou…
Sagués pas estounats s’en parlen d’el ioi ploure :
Era pas qu’un chival… m’era un bon coumpagnou !

(ce « m’era » a été compris comme « me » + « èra », et traduit en conséquence « il m’était », alors que j’y vois  pour ma part « mè » + « èra », à traduire « mais c’était », ce qui donne plus de sens à l’ensemble du vers : « Ce n’était qu’un cheval, mais c’était un bon compagnon »)
    Champion meurt en 1949 : il sera remplacé par Fakir, qui lui aussi aura droit à son poème, page 137, avec un titre parlant : « Separacioun ». Ce dernier cheval, Sabatier devra s’en séparer parce que le vieux vigneron ne peut plus le garder, et il s’en excuse dans ce poème d’une grande sensibilité qui se termine par une réflexion sur la destinée commune du cheval et de l’homme :

Se sarra lou moument que tamben partiren
Couma tu sies partit, mai nautres sara pire,
Lou mounde pensou ioi pas qu’à canta e rire…
Alors, quau plourara, lou jour que mouriren ?

    Ces quelques citations, volontairement sommaires, devraient inciter le lecteur à une lecture de l’œuvre poétique complète de Sabatier.
*+*+*

3. LES DEUX GRAPHIES DES TEXTES

    Nous avons dit que la publication des textes s’est faite dans la graphie originale doublée d’une transcription occitane, les deux étant présentées côte à côte sur la même page, ce que le format à l’italienne permet aisément.
    Mais à quoi peut bien servir une transcription en occitan, dès lors qu’on peut lire l’original ? Les deux occitanistes avancent un argument majeur, page 10 : « La transcription en graphie classique /…/ permettra aux jeunes locuteurs et apprenants de lire aussi ces textes ». La graphie occitane offrirait donc une lisibilité supérieure, comparée à celle de l’auteur : tel n’est pas notre sentiment, car la graphie de Sabatier est, dans une très large mesure, non une écriture patoisante mais bien une graphie mistralienne. Prenons par exemple les premiers vers du premier poème, page 13 :

Veja aqui l’aspic de San Roch
Espet de sourel sus lou roc
E prefum de nostras garrigas
.

On ne voit pas trop en quoi le fait de mettre un accent sur les O de Roc et de Nostras (« ròc, nòstras ») va rendre ces mots « plus lisibles », ni bien sûr le fait de changer les OU en O (« sorelh, lo »)
    Et surtout, il faudrait se mettre d’accord sur le sens du verbe « lire » dans la phrase des occitanistes : si c’est une lecture mentale ou muette, on peut admettre que les « jeunes locuteurs et apprenants » trouvent quelque utilité à la version occitane, MAIS A CONDITION QU’ILS AIENT AU PREALABLE ETE DRESSES A LIRE L’OCCITAN. Pour tous les apprenants non initiés, il est évident au contraire que la graphie de Sabatier sera plus facile à déchiffrer. Et si on entend par « lire » la capacité à reproduire le texte à haute voix, alors je vais prouver que la version occitane est non seulement plus difficile, mais qu’elle fausse souvent radicalement la possibilité de reproduire la langue de Sabatier. Je m’en tiendrai, pour la démonstration, au seul premier poème (page 13), qui est court (20 vers octosyllabes) :
    - en quoi la graphie occitane « perfum » (vers 3) permet-elle de restituer le « prefum » de l’original ?
    - en quoi la graphie occitane « odor » (vers 6) permet-elle de restituer l’« audou » de l’original ?
    - pourquoi le « emai » de Sabatier (vers 11) s’est-il transformé en « amai » alors que page 37 le même « emai » est transcrit « emai » ?
    - en quoi la graphie occitane « medecin » (vers 18) permet-elle de restituer le « medicin » de l’original ?
    Qui peut croire une seule seconde que les « jeunes locuteurs et apprenants » à qui est censée s’adresser cette graphie vont lire « audou » ce qui est écrit « odor » ? Il est bien évident qu’ils vont prononcer, en conformité avec les propres règles de la graphie occitane, « oudour » et non « audou », soit deux fautes de prononciation pour un mot de 4 lettres !
    - je veux bien qu’on remplace, au vers 17, « béu n’un coupet » par « beu n’en un copet », mais alors le lecteur se trouve devant un vers boîteux, un octossyllabe de neuf pieds !
    - je veux bien qu’on écrive « -ás » ce que Sabatier a écrit « -ès » en conformité avec la graphie mistralienne et avec la prononciation, mais alors on obtient, pour les vers 19 et 20, un « preniás » qui va rimer avec… « eiretièrs » (alors que Sabatier avait fait rimer « preniès » avec « eiritiès ») : je souhaite bien du plaisir aux professeurs ès-occitan pour expliquer ceci aux « jeunes locuteurs et apprenants »…
    Des « rimes » de ce genre, le texte occitan en fourmille, et laisse l’impression pénible, à qui ne lit que cette transcription, que Sabatier est un des pires rimailleurs qu’ait engendrés la langue d’oc : page 16, « malhòus » rime avec « paur » et « buòus » ; page 25, « paur » rime avec « sòu » ; page 31, « vilaniás » rime avec « quartièrs » ; page 37, « galejas » rime avec « fetge » ; page 44, « naissiá » rime avec « clapassièr », etc. etc.
    La transcription occitane souffre encore d’une grosse contradiction exprimée en toutes lettres dans les « Notes » occitanistes, page 10 : d’une part on y affirme : « Nous n’avons pas touché à la langue de l’auteur », et d’autre part, dans le long paragraphe qui suit, on explique qu’on a changé des mots jugés « erronés » ! C’est ainsi que la forme occitane « indulgéncia » est déclarée « correcte », alors que celle de Sabatier « indulgenci » ne le serait pas : on se demande sur quels critères les auteurs ont pu établir une telle hiérarchie ? Tout au long des textes, on pourra observer des « redressements » de graphies qui sont le fruit du plus pur arbitraire : en quoi « se planhis » serait-il plus correct que « se planis » (page 21) ? Pourquoi réécrire « ambe » ce que Sabatier a écrit « eme » (page 23) ou « emb’ » (page 49) ? Qui a décidé que « podrai » est supérieur à « pourrai » et « seguèt » à « saguet », page 27 ? Quand on réécrit « seguère convidat » pour « saguère invitat », non seulement on « touche à la langue de l’auteur », mais encore on fabrique un alexandrin boîteux de 13 pieds !
    Bref, la transcription occitane, en bien des points, trahit et défigure la langue et l’art poétique de l’auteur : bel exemple à montrer aux « jeunes locuteurs et apprenants » qu’elle prétend aider !
*+*+*
 
4. LA LANGUE DE SABATIER

    La première phrase des « Notes » occitanistes est sans ambages : « Le parler de Sabatier est le languedocien de la région de Montpellier ». S’ensuivent 11 « traits particuliers » qui veulent montrer que le parler de Vendargues est du montpelliérain : or ce qui est particulièrement intéressant, c’est que L’ENSEMBLE DE CES 11 TRAITS PEUT CARACTERISER LA LANGUE CEVENOLE !    
Qu’on en juge :

1) finale des mots en –a (et non –o) : c’est une caractéristique du cévenol méridional, depuis Ganges jusqu’à Sommières (qui inclut même Saint-Jean-de-Serres, en pays alésien)
2) alternance des finales -eu/ -au avec -el/-al : cette alternance caractérise la langue cévenole dans son ensemble, et à Alès aussi on dit « oustau » mais « chival », « pèu » pour « poil, cheveu » et « pèl » pour « peau »
3) remplacement d’un L par R : la forme « sourel » est typique de l’ensemble cévenol
4) conjugaisons en –E : elle est connue de toute la Cévenne où l’on dit, comme à Vendargues « parle, ère, serviguère », etc.
5) les contractions AS/DAS pour A+LOUS/DE+LOUS sont connues de tout le pays cévenol, et le pays alésien les emploie même pour le féminin, là où à Montpellier on ne dit que A LAS/DE LAS. Or Sabatier connaît cet emploi si typiquement cévenol, puisqu’on trouve page 152 : « l’escuma AS dents »
6) dans les « variantes lexicales » de Vendargues, on retrouve au moins deux formes caractéristiques du cévenol central alésien : « tus » et « poudre »
7) le mot « poto/pota » pour le thym est connu dans le sud des Cévennes, cf. la carte 149 de l’Atlas Linguistique du Languedoc Oriental, qui fait remonter « poto » jusqu’à Saint-Hippolyte-du-Fort.
8) les formes en -io de « nioch, iol, pioi », etc. sont celles du cévenol méridional
9) les finales en -ièira/ -ièiro caractérisent l’ensemble du domaine cévenol
10) la prononciation O (et non OU comme en « occitan ») de « long, bon, pont, font, conte, contro/cronto » est une évidence pour tout Cévenol.
11) les hésitations entre FOUDRE et CALÉ pour dire « falloir » se retrouvent sur toutes les bordures du cévenol central (qui dit FOUDRE) : elles ont été relevées par le Pasteur Fesquet entre Lasalle (qui dit « mi cau ») et Sauve (qui dit « me fau »), au cœur du pays cévenol gardois.
A ce sujet, on peut remarquer le double langage des occitanistes, qui donnent cette alternance entre « faler » et « caler » comme un trait remarquable du parler de Vendargues, mais qui n’hésitent pas, à la page 107, à réécrire « calguèt » ce que Sabatier avait écrit « fouguet » !
    Pour résumer, on peut dire que ce classement du parler de Vendargues dans la case « montpelliérain » obéit à des considérations idéologiques, et non à une observation objective des faits : le AS devant féminin n’est pas du montpelliérain, mais bel et bien du cévenol (on le retrouve dans tout le pays intermédiaire entre Gard et Hérault, entre les parlers de type provençal et ceux de type montpelliérain : de Sommières à Lansargues en passant donc par Vendargues, on a un type de langue qui n’est PAS du montpelliérain)
    Une preuve de ce que j’avance est donnée par un texte de Sabatier qui, lui, est bien écrit en montpelliérain : il s’agit du poème-chanson « Lou Salasou », page 65, qui présente (volontairement bien sûr, puisqu’il est le seul de ce type) les deux caractéristiques du parler de Montpellier qu’on ne retrouve pas à Vendargues :
1) la confusion du V et du B : Sabatier y écrit BOUS pour « vous », BOSTRES pour « vostres », BEIRE pour « veire »
2) la confusion du J et du CH : Sabatier y écrit RACHA pour « raja » et LINCHE pour « linge »
    Inutile de dire que les occitanistes ont effacé ces particularités, ce qui fait qu’elles passeront inaperçues des lecteurs du seul texte occitanisé, alors que Sabatier montre ici qu’il connaît non seulement sa langue, mais aussi celle de Montpellier : voici un exemple concret de la supériorité objective de la graphie de Sabatier sur celle de nos occitanistes, aussi bardés de diplômes puissent-ils être.
    En résumé, on peut affirmer que la graphie occitane, parce qu’elle double la graphie originale, est ici inoffensive. Mais qu’on imagine un instant une édition de Sabatier dans la seule graphie occitane : sa langue et sa versification auraient été massacrées, et c’est pour cela que nous dénonçons (et dénoncerons) avec force toutes les éditions occitanistes qui remplacent la graphie et la langue authentiques par cet habit d’Arlequin qu’est la graphie occitane, support idéologique d’une « langue occitane » déclarée « supérieure », « plus pure » et qui empêche de restituer la prononciation de l’auteur (voir tous les exemples concrets donnés plus haut)
    Toute étude sérieuse de la langue de Vendargues passera donc par l’étude serrée des textes originaux de Sabatier, et plus spécialement de ses rimes : je n’ai pas l’intention de donner ici les quelques pistes que j’ai déjà trouvées, mais je les partagerai volontiers avec toute personne désireuse de travailler sur le sujet, qu’elle soit occitaniste ou non.
    En tout état de cause, je redis pour terminer ce que j’ai affirmé au début de ce compte-rendu : cette édition est remarquable, et j’invite tous les lecteurs de MARSYAS2 à prendre contact avec les diffuseurs de cet ouvrage (en se hâtant, car le tirage en est réduit) :

(Cercle occitan de Vendargues) : cercleoc.vendargues@laposte.net

Le prix est de 25 euro + frais de port.

Yves Gourgaud, en Cévennes, octobre 2013



*+*+*




mercredi 16 octobre 2013

N. Dal Falco : 3 poesie (Animalia)






ΙΣΤΟΙ


dallo
sciame
riunito
nel favo

sale
un
brusio

una
danza
d’api
al telaio


*+*+*

Nel volo terreno
della tortora,
parole sul ciglio,
quasi un mottetto
che profuma d’ali.

*+*+*

ulla graticola di un tetto,
la serpe ha colto nuova veste,
occhio di bocca, coda lucente,
un'ombra tiepida tra embrici e coppi;

come
un guanto filato d'argento
nel silenzio di pesche,
entrando e uscendo
dall'occhiello dei giorni,
come
lume che striscia,

si fa calendario,

breve, saettante
sollievo di spire


*+*+*

 

 

 



lundi 14 octobre 2013

J Tellier : LOU VIEDASE




LOU VIEDASE
 

Quand se parla de la garganta,
D'un boun fumet, d'un savourun,
Es pas la moda que se canta,
Car per lou goust, es d'un chacun;
N'i avès qu'adoroun la Becassa,
N'i-a qu'aimoun mai lou cassoulet,
D'autres... fagues pas la grimaça,
Lou Perdigal amb' un caulet.
Ieu, per ma part, en toutes cases,
Vous hou ai dit, amai redit,
Me regale, amb de viedases,
Quand lous viedases, soun farcits.
Sul mot farcit, se cal entendre...
Cal de farçun cambajounat,
Un pèd de porc, trufat e tendre,
Lou tout en grand assasounat.
Adounc prenès vostre viedase,
De l'autra man vostre coutèl
E lou curas, tout coum' un vase
Sans laissà res, jusqu'a la pèl!
Couma se fai per la saucissa
Emboutelhas vostre farçun.
Quand es tibat, qu'a la pel lissa,
Sul fioc metès vostre legum.
Douçamenet, eme patiença,
De fioc dijoust, de fioc dessus,
E l'asagas en counsciença,
De tems en tems, eme soun jus.
Quand es pla cuioch, qu'a Dièus ie plase
Aquel fumet, que monta au ciel,
Adounc manjas vostre viedase,
En escampen, touta la pèl.
 
Antau fasiò ma tanta Aliça,
Quand manjave a soun oustau,
E vous hou dise sans maliça...
Jamai viedase m'a fa mau!!! 


*+*+*
 

 

samedi 12 octobre 2013

Jasmin : LA GLEYZO DESCAPELADO






LA GLEYZO DESCAPELADO 


Perigus, 1843 


Lou bièl torno poulit, et lou mounde sabén
A soun èl rebirat de cats à l'ancièn tén,
Oùn la poèzio enterrado
Dunpèy quatre cents ans et may,
Al fet des troubadours fusquèt retiscoulado,
Et sourtisquèt del clot pu bèlo que jamay.
Oh! des bièls troubadours lou noum reboumbis aro,
Et dibès n'èstre fiers, bous aous. Lou may bantat,
Acòs bostre Bertran, lou Troubadour-Souldat.
Talèou qu'aquel faziô brounzina sa guitarro,
Dizon que lous may frets se sention boulega
L'âmo dedins lou cor et lou fèr dins la ma!...
Tabé n'és qu'en rougin dins soun brès qu'illumino,
Que jou, paoure cantayre à la bouès magrestino,
Bèni paouza ma piado al coustat de la siò.

Mais n'èy pas reculat: la Glèyzo m'attendiò;
A boulgut d'uno muzo anèy èstre adujado
Per se mètre à coubèr un aouta pes paourets.
Soun curè m'a caouzit, èy pres la galoupado,
Et se mous bèrs poudiôn, dins aquesto countrado,
Fa mounta bistomen teoulâdos et parets,
La crouts sayò lèou capelado.

Zou pouyrèy fa pourtan, se zou boulès un paou:
Per qu'aduji la Glèyzo, aduja-mé bous-aou!
Dounas! bous cantarèy, noun pas cent cots, mais milo...
Et lou clouchè mastat, n'anirèy pas, Moussus,
Me creyre ressemblen al cantayre famus
Qu'en sounan de sous bèrs batisquèt uno bilo.
Nani, quan mountaran teoules et cabirous,
Moun âmo sentira quaoucoumet de may dous.
Me dirèy: — Éri nut, la Glèyzo, m'en rapèli,
M'a bestit pla souben penden qu'èri pitchou:
Hôme, la trobi nudo, à moun tour la capèli...
Oh! dounas! dounas touts! Que gousti la douçou
De fa per elo, un cot, çò qu'a tan fèy per jou!



*+*+*




jeudi 10 octobre 2013

J. REYNAUD. : A FREDERI MISTRAU






A FREDERI MISTRAU 


La pouësio qu'es l'amo d’uno nacioun
Emé li vièi Troubaire èro morto en Prouvènço,
La lengo qu'avié tant agu de resplendènço,
Venguè ’n tèms que plus rès ié fasié d'atencioun,

Es alor qu'avèn vist, tóuti plen d'afecioun,
Li Felibre auboura soun parla sèns cregnènço,
E tout en coumplissènt aquelo reneissènço,
Dóu Miejour fan vibra li revendicacioun.

O vous qu'avès larga tant d'estrofo sublimo,
Mistrau, dóu Felibrige à la plus auto cimo,
En vous s'es encarna l'engèni prouvençau.

Desempièi que vosto obro aganto la voulado
Vesèn tóuti li jour, o pouèto inmourtau,
Aumenta lou trelus de vosto renoumado. 





J. REYNAUD.






*+*+*


mardi 8 octobre 2013

Jasmin : LA CARITAT - 1837







LA CARITAT 



As Moussus de la bilo de Tounens
que begnon de bailla un gran councèr pes paoures
 
1837
 
Prâmo qu'on bey sur mèr de grans oustals trimayres
Glitsa sul l'aygo morto ou sul flot amalit,
Et dins un aoutre mounde empourta l'hôme hardit;
Prâmo qu'on bey de gens camina dins lous ayres;
De sabens englouri lous siècles que s'en ban;
L'hôme crido à-tengut: - Bou-Diou! que l'hôme ès gran!
Bou-Diou! qu'ès pichounet al countrari! Qu'aprengue
Que s'a d'engin, l'engin n'ès res sans la bountat;
Sans la bountat, aci, pas de grandou que tengue!
Soul, l'hôme piètadous, quan fay la caritat,
Que se sarre, que se rescounde,
Tout en nou fan que ço que diou,
Es gran! aoutan gran que lou mounde!
Prèsque gran coumo lou Boun Diou!
Et la grandou de Diou nou luzis empenâdo,
Qu'en fan la caritat, dambé soun soureillet,
D'uno calourâdo
De soun halenâdo,
A la terro aymâdo
L'hibèr quan a fret;
Ou d'uno plèjâdo
De sa foun sacrâdo
L'estiou quan a set!

Que l'hôme fasque atal; y'a de penos cruèlos
Que se sarron per tout entremièy diòs parèts;
Qu'angue las derrouca dins lous cambots estrets;
Et qu'aoulot de counta lous astres, las estèlos,
Ah! que counte aci bas lou noumbre des paourets!!
N'és pas prou, per tia la mizèro,
Qu'en passan, d'un ayre doulen,
Jète dus sos dins la carrèro
Al paoure espeilloundrat que bâdo de talen.
Que s'en angue l'hibèr quan tourro, quan grezillo,
Dins aqués oustalets tout claoufits de famillo;
Et se bey la manôbro, al bizatge rebur,
Dire à sous pichounets que toumbon la grumillo:
- Ah! paourots, que lou ten és dur!
Oh! que la caritat, aqui, sans s'apercèbre,
Toumbe, mais sans brut, sans souna,
Car és amèr de la recèbre
Aoutan qu'és dous de la douna!

Bous-aou que la dounas sés sous apôtros aro;
Tabé bostre councèr, Moussus, n'ès que pu bèl,
Et bostro muzico, tout aro,
Se bay cambla dins l'ayre en rouzado de mèl;
Cado paouret n'aoura soun glout; plus de martyre!
Co que fazès aci lèou per tout se fara;
Sounas! sounas, Moussus! on pot muzica, rire,
Quan lou frut d'aquel rire empacho de ploura!!




*+*+*



dimanche 6 octobre 2013

J Tellier : LOU SERMOUN DE M. BASTIAN






LOU SERMOUN DE M. BASTIAN

Moussu Bastian de Sant-Bauzèli,
Qu'èra lou Prièu de Pelican,
Predicava sus l’Evangèli
Tant de Dimenches que n'a l'an.
Or un bèu jour que se pressava
Bessai la lenga ie fourquèt,
Diguèt pas pla se que pensava,
Mès se reprene, s'en gardèt.
Era questièu dau grand miracle:
— La Moultiplicaciù das pans.
Gaitas soudis quant espetacle
Jesus oufris à sous enfans.
Dins un èrmas plen de cala
Ounte ploviò cada cent ans,
Cinq persounas assadouladas
Eme sèt mila pichots pans!!!
Acò passèt, après la messa,
Un penitent noumat Rigaud
Que n'aviò pas la lenga espessa,
Ie dis: — Moussu acòs egau!
Ie vese pas un grand oustacle
Cinq persounas! Sèt mila pans!!!
Ieu l'auriò fach aquel miracle
Mai sans ie metre las dos mans!
Moussu Bastian, acò s'esplica,
Suspres un pauc d'aquel caquet,
Diguèt pas res per sa replica
E s'en anèt un pauc mouquet.
Mes l'an d'après, mème Dimenche
Se souvenguent de la questiù
Pensèt à prene soun revenche.
Hou diguèt tout couma se dièu:
— Fraires! La plana èra coumoula
Sèt mila au mens, grand ou nanets
Jesus nourris aquela foula
Pas qu'eme cinq pichots panets!!!
Aqueste cop i ajèt l'oustacle.
Oufice dit, vai à Rigaud:
Ioi l'auriòs fach aquel miracle?
Anen, se vos, respond un pauc!
— Per faire acò, causa facila,
Mai Nostre-Segne a pas fourçat,
N'en pousiò be nourri sèt mila
Am las rèstas de l'an passat.






*+*+*

vendredi 4 octobre 2013

N. Dal Falco : 3 poesie








L’orto è una meridiana d’ore e promesse:
la calca il piede ed è tempo che sboccia in un ordinato possesso.
Il prato, lasciato alle rose e ai fichi, non dura
Così come l’affetto sbadato d’ogni musa.

Ma prima, prima, qui regnava sovrano un grande pero
Con la sua maestà di frutti e d’ombra.

Il suo scopo recondito era di celare,
con profonde radici e larghe foglie,
il paese alla vista.
Il paese che tutto spariva dietro il severo profilo.

Ma quello era ancora un tempo profetico.
prato della Giacomina



*+*+*



il raggio verde

sopra il mare o dentro un valico 

rinasce il mondo da un raggio

da una linea infinita di verde

labbra che all’orizzonte

s’aprano quel tanto

perché sfugga la notte 

densa tenebra raccolta 

dietro l’azzurro

di nuovo dovremmo pensare al bordo

a ciò che uscì 

per prendere piede 

equilibrio di forme

e un giorno

(breve d’attimi)
*+*+*
Pista

la menta nel tè
è un piccolo bosco
inondato
un’oasi
travolta
dall’oued

per quanto tempo
i tamburi
hanno suonato?
un giorno e una notte
hanno rullato
senza interruzione

nelle orecchie
d’uomini e cavalli
come se sotto le stelle
si fosse alzato
il vento

al mattino
nella piana gialla
un urlo
li ha inghiottiti
scelti
dalla morte
uno ad uno



*+*+*







mercredi 2 octobre 2013

Yves Gourgaud : ELOGE D’OCCITANISTES




ELOGE D’OCCITANISTES



    Qu’on me comprenne bien : je ne fais pas l’éloge DES occitanistes (ce serait un comble dans un blog qui est occitan free), mais de CERTAINS occitanistes : ceux qui, justement, savent parfois faire abstraction de leur idéologie délétère pour offrir au public des textes authentiques, c’est-à-dire dans leur graphie d’origine. Voici trois exemples récents :
 
1) Le CIRDOC (Centre International de Recherche et de Documentation Occitanes) de Béziers est en train de constituer une formidable Bibliothèque virtuelle (OCCITANICA) où l’on peut découvrir un grand nombre de documents soit inédits (de nombreux manuscrits, tant en provençal qu’en gascon, auvergnat, etc.) soit rarissimes, comme la collection complète des revues mistraliennes LOU GAL (de Montpellier) ou RECLAMS DE BIARN E GASCOUGNE. Les documents occitans y sont en très petit nombre, en proportion de leur importance dans les Littératures d’oc : c’est très remarquable, car le CIRDOC et son site OCCITANICA sont, comme leur nom l’indique clairement, des organismes occitanistes qui utilisent exclusivement la graphie d’Alibert. C’est pourquoi j’incite très fortement les lecteurs de MARSYAS2 à aller consulter le site du CIRDOC et à entrer dans la bibliothèque OCCITANICA pour en découvrir les richesses (pour ma part, je consulte au travers de scribd.com, qui met en ligne les documents dès qu’ils sont disponibles : plus de 900 à ce jour !)
 
2) A Montpellier, la très occitaniste Claire Torreilles avait publié en 1982 (avec Raymond Huard) l’œuvre en oc du protestant républicain Pierre-Germain ENCONTRE, de Marsillargues : nulle part, et même pas dans les notes « Bibliographie et sources » on ne connaîtra le nom exact de cette œuvre, puisque TOUT est réécrit dans la graphie occitane alibertine dont Madame Torreilles était, dans l’Education Nationale, la plus acharnée des propagandistes (au point de vouloir me l’imposer, en contradiction avec les instructions officielles !). Profitons-en donc pour affirmer ici qu’Encontre n’a jamais publié une quelconque « Corsa de buòus », comme le prétend l’ouvrage occitaniste  (pages 14, 15 19, 23, 83, 242, 261, 267) mais bien «Una coursa de bioous ».

    Or, trente années plus tard, on retrouve la même C.Torreilles (avec François Pugnière) dans le même exercice d’édition d’un auteur d’expression cévenole : René Séguier. Et là, divine surprise : ni dans le titre (« Ecrire en Cévennes au XVIIIe siècle – les œuvres de l’abbé Séguier ») ni même en 4e de couverture dans la présentation de l’ouvrage, on ne trouvera le mot magique d’OCCITAN pour qualifier notre langue. Le chapitre consacré à l’activité linguistique de Séguier s’intitule, non pas « L’occitan des Cévennes », mais bien plus sobrement et justement « La langue des Cévennes ». Quant aux textes, ils sont tous donnés dans leur graphie d’origine, sans aucune trace de réécriture en patois alibertien. Quel chemin parcouru, et dans la bonne direction !
 
3) A Vendargues, aux portes de Montpellier, le Cercle Occitan de la ville s’apprête à éditer les œuvres du poète local Paul SABATIER, avec l’autorisation de sa petite-fille. Cet ouvrage porte un titre occitanisé, ce qui laisserait présager le pire : mais si les textes ont bien été réécrits en occitan, cette transcription ACCOMPAGNE les textes originaux au lieu de les remplacer, et le lecteur pourra donc non seulement profiter de cette graphie originale, mais aussi comparer cet original avec sa copie occitane, ce qui pourrait se révéler très intéressant. J’attends donc avec impatience la très prochaine parution de cette œuvre que je pressens de grande qualité. Là encore, on doit remercier des occitanistes pour leur respect de l’oeuvre qu’ils éditent.

    Certes, une hirondelle ne fait pas le printemps, et nous ne devons pas baisser la garde car l’occitanisme graphique continue de faire des ravages contre nos langues d’oc. Mais notre propre attitude de dénonciation (parfois en termes vifs, je le reconnais) de l’imposture graphique occitane commence à porter ses fruits, et sans vouloir jouer les mouches du coche, il nous semble que nous ne sommes pas pour rien dans ce nouveau rapport que certains occitanistes installent entre la langue véritable et leur propre pratique.
    

Qu’ansin siègue !



Ive Gourgaud, en Ceveno, otobre de 2013  



*+*+*