vendredi 18 octobre 2013

Ive Gourgaud : Paul SABATIER, de Vendargues

 
Paul SABATIER, 
de Vendargues




« A Vendargues, aux portes de Montpellier, le Cercle Occitan de la ville s’apprête à éditer les œuvres du poète local Paul SABATIER, avec l’autorisation de sa petite-fille. Cet ouvrage porte un titre occitanisé, ce qui laisserait présager le pire : mais si les textes ont bien été réécrits en occitan, cette transcription ACCOMPAGNE les textes originaux au lieu de les remplacer, et le lecteur pourra donc non seulement profiter de cette graphie originale, mais aussi comparer cet original avec sa copie occitane, ce qui pourrait se révéler très intéressant. J’attends donc avec impatience la très prochaine parution de cette œuvre que je pressens de grande qualité. Là encore, on doit remercier des occitanistes pour leur respect de l’oeuvre qu’ils éditent. »

    Voici ce que j’écrivais ici-même, il y a quelques jours, dans une chronique intitulée « Eloge d’occitanistes ». Et comme je viens de recevoir l’ouvrage en question, je m’empresse d’en faire un compte-rendu détaillé pour les lecteurs de Marsyas2.
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1. L’OUVRAGE

    Disons-le d’entrée : c’est une réalisation magnifique. La couverture est fortement cartonnée, illustrée d’une photographie pleine page ; le papier glacé est aussi de très grande qualité, tout comme la typographie. Je peux imaginer la joie des héritiers du poète, car je connais peu d’auteurs qui ont été honorés d’une édition d’une telle qualité.
    L’ouvrage compte 162 pages, très richement illustrées de photos couleurs ou noir et blanc, soit de l’auteur soit de paysages soit de rues de Vendargues, sans oublier des reproductions de manuscrits ou tapuscrits de l’auteur, lesquelles nous permettent de vérifier que le travail de retranscription des textes a été fait très consciencieusement.
    Après un portrait de l’auteur, on trouvera pages 5-6, signé par « Lucie-Paule », un « Hommage à mon grand-père, Paul-Luc Sabatier », texte à la fois intelligent et sensible (ce qui nous change agréablement des banalités qu’on a l’habitude de lire à cette place) :
    « La langue occitane [nous reviendrons sur ce terme] … il la cajole en secret comme une amie fidèle parce qu’il la sent plus conciliante, plus souple, capable de traduire avec finesse la moindre de ses pensées. /…/ Cette langue s’invente des mots qui chantent, qui pleurent et voyagent, disait-il, elle précise une idée improbable, donne à l’écriture un rythme, une saveur, une couleur, une odeur aussi. » (page 5)
    On trouve ensuite (pages 9-11) des « Notes sur la langue et sa transcription en graphie classique » signée des deux occitanistes qui ont réécrit les textes, notes sur lesquelles nous reviendrons plus tard    L’œuvre elle-même comprend 32 textes en langue d’oc (un seul texte en prose). On y a joint deux courts poèmes en français : « Nostalgie » et « Rive occitane », ce qui nous donne l’occasion de nous expliquer sur ce terme d’ « occitan » employé par Paul Sabatier et sa petite-fille. Cette « rive occitane » que nos amis occitanistes tracent de Perpignan à Monaco, Paul Sabatier la définit très précisément dans son poème : « des bords du Rhône jusqu’à Narbonne ». Le texte parle du « Golfe du Lion », et des départements de « l’Hérault, l’Aude et le Gard ». On voit que Paul Sabatier emploie le mot « occitan » dans son vrai sens historique : on rappellera, et surtout aux occitanistes, que le mot latin Occitania désignait officiellement, jusqu’à la Révolution, la province de Languedoc et rien d’autre. L’emploi du mot « occitan » est, sous la plume de l’auteur ou de sa petite-fille, parfaitement justifié car il a toujours le sens de « languedocien » : grosse pierre dans le jardin des occitanistes, qui emploient le mot dans un sens impérialiste pour essayer d’assimiler (de force, cela va de soi) toutes les terres, tous les peuples d’oc et toutes leurs parladures au Languedoc, ce qui provoque des réactions naturelles de rejet de la part de ceux qui, Provençaux, Gascons, Auvergnats ou autres, ne se sentent nullement « languedociens » et donc nullement « occitans ». A Vendargues, on est historiquement « languedocien » et donc « occitan » au sens strict.
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2. LES TEXTES D’OC

    Les 31 poèmes comptent un total de 1681 vers selon mes calculs, soit une moyenne de 54 ou 55 vers par poème. On trouve cependant une assez grande variété dans la longueur de ces textes, qui comptent entre 4 et 207 vers. Les plus courts sont des compositions d’ordre philosophique ou moral : « Parens prenes garda ! », page 121 ou « Leiçoun », page 139. Les plus longs sont des contes en vers, dans la grande tradition cévenole (venue du Moyen-Age) du « roman », récit en vers. Ces contes peuvent être drôlatiques (« L’emplastre », 144 vers, ou « Lou coutou », 132 vers) mais ils peuvent aussi être de tonalité sérieuse, comme cette belle « Abrivada », le plus long texte de Sabatier, qu’on pourra lire en parallèle d’un autre long texte de la région, celui du Marsillarguais Germain Encontre (« Una coursa de bioous »)
    Une variété de tons et de sujets, alliée à une versification qui parfois est très moderne : page 117, « mounde » rime avec « besoun de », avec un enjambement ; autre enjambement page 137 où le mot de liaison « couma » fait rime avec « pouma ». On voit qu’on n’a pas affaire à un rimailleur de village, mais à un vrai poète, ce qui fait de son œuvre une pierre importante dans l’histoire de la littérature d’oc de cette partie orientale de l’Hérault (je ne dis pas « montpelliérain », malgré la proximité géographique, pour une raison que je vais développer plus bas)

    A la fin de leurs « Notes », les deux occitanistes trouvent à l’œuvre de Sabatier plusieurs intérêts : dialectal (nous y reviendrons), lexical, ethnographique, ethnobotanique… et finalement « littéraire » mais dans le seul texte en prose, le conte de Noël. Je trouve ce dernier jugement bien restrictif, pour ne pas dire condescendant : les poésies de Sabatier n’auraient-elles donc aucun intérêt littéraire ? Je pense précisément le contraire : non que l’ensemble des poèmes soit de nature à hisser Sabatier sur le piédestal des génies poétiques d’oc, Mistral, d’Arbaud, Peyre, Delavouët ou, pour rester plus près de Vendargues, d’Alexandre Langlade. Mais l’un de ces géants, Sully-André Peyre, a écrit quelque part qu’un grand poète, c’était quelqu’un capable de faire de grands vers, et de ce point de vue, Sabatier est indiscutablement un grand poète. En dehors (ou en plus) de sa technique poétique, de la richesse de son expression, de la variété de ses thèmes, Sabatier révèle une personnalité forte et riche (ce que sa petite-fille a bien su faire ressortir dans  son « Hommage »). Ce viticulteur à la vie rude sait faire montre d’une grande sensibilité, et je voudrais mettre ici en relief ce qui n’apparaît pas dans l’ordre de publication des textes, à savoir une trilogie, voire une quadrilogie consacrée aux chevaux : il faut commencer par lire, page 99, MOUN FOUET (transcrit par erreur « mon fouet », tant dans le titre que dans le premier vers, alors que la reproduction du tapuscrit page 101 donne la bonne forme « moun »). Ce fouet, qui symbolise si souvent le pouvoir et la brutalité du charretier sur ses bêtes, Sabatier en a fait « un mouscal », un chasse-mouches qui ne sert pas à châtier, mais à indiquer la voie : « Moun fouet n’es qu’un ensegnadou ». Et le cheval, qui a bien compris la bonté du maître, réagit en conséquence :

Champioun n’en quilha pas la testa,
vai à soun pas, sans s’inquieta

    Voici nommé le cheval, ce qui nous inciterait à lire maintenant, page 25, le poème précisément intitulé « Champioun » (là encore, la table des matières donne la forme erronée « Champion »). Mais dès le début du poème, au vers 2, on apprend que Champioun avait remplacé Talbot, autre cheval pour qui Sabatier a composé un poème : il nous faut donc lire d’abord, page 145, ce très beau poème (pour moi, le chef-d’œuvre de Sabatier) intitulé LA MORT DE TALBOT. Pour montrer la valeur de ce poème, il suffit de citer ses derniers vers :

E lous trins qu’en passen sus la voues, de sous fiocs
Trasien aqui dessus de lusous de misteri…
Un aubre !... Un clapas !... d’oumbras !... Un ciminteri !

    Talbot meurt tragiquement en 1932 ; c’est Champion qui lui succède, et pendant 16 ans : là encore, l’attachement, l’amour du vigneron pour son cheval est affirmé avec force :

Nous sen quitats au mes d’aoust e sus soun moure
Davans que s’en anesse y faguere un poutou…
Sagués pas estounats s’en parlen d’el ioi ploure :
Era pas qu’un chival… m’era un bon coumpagnou !

(ce « m’era » a été compris comme « me » + « èra », et traduit en conséquence « il m’était », alors que j’y vois  pour ma part « mè » + « èra », à traduire « mais c’était », ce qui donne plus de sens à l’ensemble du vers : « Ce n’était qu’un cheval, mais c’était un bon compagnon »)
    Champion meurt en 1949 : il sera remplacé par Fakir, qui lui aussi aura droit à son poème, page 137, avec un titre parlant : « Separacioun ». Ce dernier cheval, Sabatier devra s’en séparer parce que le vieux vigneron ne peut plus le garder, et il s’en excuse dans ce poème d’une grande sensibilité qui se termine par une réflexion sur la destinée commune du cheval et de l’homme :

Se sarra lou moument que tamben partiren
Couma tu sies partit, mai nautres sara pire,
Lou mounde pensou ioi pas qu’à canta e rire…
Alors, quau plourara, lou jour que mouriren ?

    Ces quelques citations, volontairement sommaires, devraient inciter le lecteur à une lecture de l’œuvre poétique complète de Sabatier.
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3. LES DEUX GRAPHIES DES TEXTES

    Nous avons dit que la publication des textes s’est faite dans la graphie originale doublée d’une transcription occitane, les deux étant présentées côte à côte sur la même page, ce que le format à l’italienne permet aisément.
    Mais à quoi peut bien servir une transcription en occitan, dès lors qu’on peut lire l’original ? Les deux occitanistes avancent un argument majeur, page 10 : « La transcription en graphie classique /…/ permettra aux jeunes locuteurs et apprenants de lire aussi ces textes ». La graphie occitane offrirait donc une lisibilité supérieure, comparée à celle de l’auteur : tel n’est pas notre sentiment, car la graphie de Sabatier est, dans une très large mesure, non une écriture patoisante mais bien une graphie mistralienne. Prenons par exemple les premiers vers du premier poème, page 13 :

Veja aqui l’aspic de San Roch
Espet de sourel sus lou roc
E prefum de nostras garrigas
.

On ne voit pas trop en quoi le fait de mettre un accent sur les O de Roc et de Nostras (« ròc, nòstras ») va rendre ces mots « plus lisibles », ni bien sûr le fait de changer les OU en O (« sorelh, lo »)
    Et surtout, il faudrait se mettre d’accord sur le sens du verbe « lire » dans la phrase des occitanistes : si c’est une lecture mentale ou muette, on peut admettre que les « jeunes locuteurs et apprenants » trouvent quelque utilité à la version occitane, MAIS A CONDITION QU’ILS AIENT AU PREALABLE ETE DRESSES A LIRE L’OCCITAN. Pour tous les apprenants non initiés, il est évident au contraire que la graphie de Sabatier sera plus facile à déchiffrer. Et si on entend par « lire » la capacité à reproduire le texte à haute voix, alors je vais prouver que la version occitane est non seulement plus difficile, mais qu’elle fausse souvent radicalement la possibilité de reproduire la langue de Sabatier. Je m’en tiendrai, pour la démonstration, au seul premier poème (page 13), qui est court (20 vers octosyllabes) :
    - en quoi la graphie occitane « perfum » (vers 3) permet-elle de restituer le « prefum » de l’original ?
    - en quoi la graphie occitane « odor » (vers 6) permet-elle de restituer l’« audou » de l’original ?
    - pourquoi le « emai » de Sabatier (vers 11) s’est-il transformé en « amai » alors que page 37 le même « emai » est transcrit « emai » ?
    - en quoi la graphie occitane « medecin » (vers 18) permet-elle de restituer le « medicin » de l’original ?
    Qui peut croire une seule seconde que les « jeunes locuteurs et apprenants » à qui est censée s’adresser cette graphie vont lire « audou » ce qui est écrit « odor » ? Il est bien évident qu’ils vont prononcer, en conformité avec les propres règles de la graphie occitane, « oudour » et non « audou », soit deux fautes de prononciation pour un mot de 4 lettres !
    - je veux bien qu’on remplace, au vers 17, « béu n’un coupet » par « beu n’en un copet », mais alors le lecteur se trouve devant un vers boîteux, un octossyllabe de neuf pieds !
    - je veux bien qu’on écrive « -ás » ce que Sabatier a écrit « -ès » en conformité avec la graphie mistralienne et avec la prononciation, mais alors on obtient, pour les vers 19 et 20, un « preniás » qui va rimer avec… « eiretièrs » (alors que Sabatier avait fait rimer « preniès » avec « eiritiès ») : je souhaite bien du plaisir aux professeurs ès-occitan pour expliquer ceci aux « jeunes locuteurs et apprenants »…
    Des « rimes » de ce genre, le texte occitan en fourmille, et laisse l’impression pénible, à qui ne lit que cette transcription, que Sabatier est un des pires rimailleurs qu’ait engendrés la langue d’oc : page 16, « malhòus » rime avec « paur » et « buòus » ; page 25, « paur » rime avec « sòu » ; page 31, « vilaniás » rime avec « quartièrs » ; page 37, « galejas » rime avec « fetge » ; page 44, « naissiá » rime avec « clapassièr », etc. etc.
    La transcription occitane souffre encore d’une grosse contradiction exprimée en toutes lettres dans les « Notes » occitanistes, page 10 : d’une part on y affirme : « Nous n’avons pas touché à la langue de l’auteur », et d’autre part, dans le long paragraphe qui suit, on explique qu’on a changé des mots jugés « erronés » ! C’est ainsi que la forme occitane « indulgéncia » est déclarée « correcte », alors que celle de Sabatier « indulgenci » ne le serait pas : on se demande sur quels critères les auteurs ont pu établir une telle hiérarchie ? Tout au long des textes, on pourra observer des « redressements » de graphies qui sont le fruit du plus pur arbitraire : en quoi « se planhis » serait-il plus correct que « se planis » (page 21) ? Pourquoi réécrire « ambe » ce que Sabatier a écrit « eme » (page 23) ou « emb’ » (page 49) ? Qui a décidé que « podrai » est supérieur à « pourrai » et « seguèt » à « saguet », page 27 ? Quand on réécrit « seguère convidat » pour « saguère invitat », non seulement on « touche à la langue de l’auteur », mais encore on fabrique un alexandrin boîteux de 13 pieds !
    Bref, la transcription occitane, en bien des points, trahit et défigure la langue et l’art poétique de l’auteur : bel exemple à montrer aux « jeunes locuteurs et apprenants » qu’elle prétend aider !
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4. LA LANGUE DE SABATIER

    La première phrase des « Notes » occitanistes est sans ambages : « Le parler de Sabatier est le languedocien de la région de Montpellier ». S’ensuivent 11 « traits particuliers » qui veulent montrer que le parler de Vendargues est du montpelliérain : or ce qui est particulièrement intéressant, c’est que L’ENSEMBLE DE CES 11 TRAITS PEUT CARACTERISER LA LANGUE CEVENOLE !    
Qu’on en juge :

1) finale des mots en –a (et non –o) : c’est une caractéristique du cévenol méridional, depuis Ganges jusqu’à Sommières (qui inclut même Saint-Jean-de-Serres, en pays alésien)
2) alternance des finales -eu/ -au avec -el/-al : cette alternance caractérise la langue cévenole dans son ensemble, et à Alès aussi on dit « oustau » mais « chival », « pèu » pour « poil, cheveu » et « pèl » pour « peau »
3) remplacement d’un L par R : la forme « sourel » est typique de l’ensemble cévenol
4) conjugaisons en –E : elle est connue de toute la Cévenne où l’on dit, comme à Vendargues « parle, ère, serviguère », etc.
5) les contractions AS/DAS pour A+LOUS/DE+LOUS sont connues de tout le pays cévenol, et le pays alésien les emploie même pour le féminin, là où à Montpellier on ne dit que A LAS/DE LAS. Or Sabatier connaît cet emploi si typiquement cévenol, puisqu’on trouve page 152 : « l’escuma AS dents »
6) dans les « variantes lexicales » de Vendargues, on retrouve au moins deux formes caractéristiques du cévenol central alésien : « tus » et « poudre »
7) le mot « poto/pota » pour le thym est connu dans le sud des Cévennes, cf. la carte 149 de l’Atlas Linguistique du Languedoc Oriental, qui fait remonter « poto » jusqu’à Saint-Hippolyte-du-Fort.
8) les formes en -io de « nioch, iol, pioi », etc. sont celles du cévenol méridional
9) les finales en -ièira/ -ièiro caractérisent l’ensemble du domaine cévenol
10) la prononciation O (et non OU comme en « occitan ») de « long, bon, pont, font, conte, contro/cronto » est une évidence pour tout Cévenol.
11) les hésitations entre FOUDRE et CALÉ pour dire « falloir » se retrouvent sur toutes les bordures du cévenol central (qui dit FOUDRE) : elles ont été relevées par le Pasteur Fesquet entre Lasalle (qui dit « mi cau ») et Sauve (qui dit « me fau »), au cœur du pays cévenol gardois.
A ce sujet, on peut remarquer le double langage des occitanistes, qui donnent cette alternance entre « faler » et « caler » comme un trait remarquable du parler de Vendargues, mais qui n’hésitent pas, à la page 107, à réécrire « calguèt » ce que Sabatier avait écrit « fouguet » !
    Pour résumer, on peut dire que ce classement du parler de Vendargues dans la case « montpelliérain » obéit à des considérations idéologiques, et non à une observation objective des faits : le AS devant féminin n’est pas du montpelliérain, mais bel et bien du cévenol (on le retrouve dans tout le pays intermédiaire entre Gard et Hérault, entre les parlers de type provençal et ceux de type montpelliérain : de Sommières à Lansargues en passant donc par Vendargues, on a un type de langue qui n’est PAS du montpelliérain)
    Une preuve de ce que j’avance est donnée par un texte de Sabatier qui, lui, est bien écrit en montpelliérain : il s’agit du poème-chanson « Lou Salasou », page 65, qui présente (volontairement bien sûr, puisqu’il est le seul de ce type) les deux caractéristiques du parler de Montpellier qu’on ne retrouve pas à Vendargues :
1) la confusion du V et du B : Sabatier y écrit BOUS pour « vous », BOSTRES pour « vostres », BEIRE pour « veire »
2) la confusion du J et du CH : Sabatier y écrit RACHA pour « raja » et LINCHE pour « linge »
    Inutile de dire que les occitanistes ont effacé ces particularités, ce qui fait qu’elles passeront inaperçues des lecteurs du seul texte occitanisé, alors que Sabatier montre ici qu’il connaît non seulement sa langue, mais aussi celle de Montpellier : voici un exemple concret de la supériorité objective de la graphie de Sabatier sur celle de nos occitanistes, aussi bardés de diplômes puissent-ils être.
    En résumé, on peut affirmer que la graphie occitane, parce qu’elle double la graphie originale, est ici inoffensive. Mais qu’on imagine un instant une édition de Sabatier dans la seule graphie occitane : sa langue et sa versification auraient été massacrées, et c’est pour cela que nous dénonçons (et dénoncerons) avec force toutes les éditions occitanistes qui remplacent la graphie et la langue authentiques par cet habit d’Arlequin qu’est la graphie occitane, support idéologique d’une « langue occitane » déclarée « supérieure », « plus pure » et qui empêche de restituer la prononciation de l’auteur (voir tous les exemples concrets donnés plus haut)
    Toute étude sérieuse de la langue de Vendargues passera donc par l’étude serrée des textes originaux de Sabatier, et plus spécialement de ses rimes : je n’ai pas l’intention de donner ici les quelques pistes que j’ai déjà trouvées, mais je les partagerai volontiers avec toute personne désireuse de travailler sur le sujet, qu’elle soit occitaniste ou non.
    En tout état de cause, je redis pour terminer ce que j’ai affirmé au début de ce compte-rendu : cette édition est remarquable, et j’invite tous les lecteurs de MARSYAS2 à prendre contact avec les diffuseurs de cet ouvrage (en se hâtant, car le tirage en est réduit) :

(Cercle occitan de Vendargues) : cercleoc.vendargues@laposte.net

Le prix est de 25 euro + frais de port.

Yves Gourgaud, en Cévennes, octobre 2013



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