dimanche 30 mars 2014

Yves Gourgaud : LA VRAIE LANGUE DE MONTPELLIER







LA VRAIE LANGUE DE MONTPELLIER



A Philippe, 
Sétois fidèle et rebelle


Nous avons déjà parlé ici de la langue authentique de Montpellier, qu’on ne doit évidemment pas rechercher dans la littérature occitane, ni non plus dans la littérature félibréenne du cru : les uns et les autres se sont ingéniés, depuis le milieu du XIXe siècle, à masquer sous leur graphie unitariste les particularités de l’articulation du montpelliérain. En ont-ils honte ? Croiraient-ils se déshonorer en écrivant comme on parle, et en parlant comme ont parlé leurs ancêtres ? J’avoue avoir bien du mal à comprendre cette trahison, qui n’a qu’un intérêt : celui de montrer que le Félibrige montpelliérain (auréolé de la renommée de son cadre universitaire) a bel et bien préparé la voie à l’occitanisation de la graphie, de la littérature et de la langue dans cette ville, qui du coup est devenue l’une des moins productives de l’arc méditerranéen. On ne peut récolter que ce qu’on a semé, et le Félibrige ne peut s’en prendre qu’à lui-même.
Heureusement, il nous reste la littérature patoise pour retrouver toute la saveur du parler montpelliérain : l’exemple que nous allons présenter maintenant est tout particulièrement intéressant, car il provient d’un « compositeur et ténor », selon la notice du Dictionnaire de Fourié. Le petit texte qui suit est donc avant tout destiné à être chanté, et l’on comprend que son public se soit fort peu soucié d’une « normalisation » qui déforme et défigure le parler naturel. On va, en conséquence, y retrouver intactes les particularités de la prononciation montpelliéraine, et l’on sera surpris de se rendre compte que ces particularités touchent un très grand nombre de mots, ce qui signifie que la normalisation occitano-félibréenne affecte la langue au point de la rendre quasiment méconnaissable pour une oreille montpelliéraine. Nous proposons, en guise de comparaison, une double écriture du texte : d’abord l’écriture originale du chanteur-compositeur, puis une normalisation graphique de type félibréen. Les particularités du parler de Montpellier qui ont été effacées par cette normalisation sont soulignées par une mise en gras, dans le texte original, des mots affectés. Notre commentaire suivra le texte, que vous êtes maintenant invités à lire :



LA GRISÉTTA DÉ MOUMPÉYÈ

(BLEUÉTTA PATOUESA)
[LA GRISETA DE MOUNT-PELIÈ, blueta patouesa]

I
Grisétta, qué d'amour,
Embrasés moun âma,
Ah! d'euna douça flamma,
L'aleumés tchaqua tchour.
Oh! qu'aymé ta tourneuda
Et toun poulit régar,
Ta figue[u]da tant peuda, (bis)
Toutchour frésqua sans far.
Griseta que d’amour
Embrases moun ama,
Ah ! d’una douça flama
L’alumes chaca jour !
Oh, qu’aime ta tournura
E toun poulit regard,
Ta figura tant pura,
Toujour fresca sans fard !
II
Tchaqua tchour, aôu dîna,
Té séguissé eun paouquet;
Peu bèlla qu'eun bouquet
Laïssa-mé t'admida.
Oh! qu'aymé ta bouquétta,
Ta graça et toun bèou fronn,
Ta gaouta roundèlétta (bis)
Et toun courssatché lonn.
Chaca jour, au dina,
Te seguisse un pauquet ;
Pu bèla qu’un bouquet,
Laissa-me t’admira !
Oh ! qu’aime ta bouqueta,
Ta graça e toun bèu front,
Ta gauta roundeleta
E toun coursage long !

III
Grisétta d'aoù clapas,
Diou ! que siès poulidétta !
Siègués toutchour sachétta,
Et té madidadas.
Anés pa trop dansa,
Rèsta din toun oustaou,
Ebitta dé parla, (bis)
T’én troubadas pa maou.
Griseta dau Clapàs,
Diu, que siès poulideta !
Siègues toujour sajeta
E te maridaràs !
Anes pa trop dansà,
Rèsta din toun oustau ;
Evita de parlà,
T’en troubaràs pa mau !


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DENIS ROBERT
Une première remarque à propos de la graphie Moumpéyè : le « L mouillé » ou « L palatalisé » (L + yod) a, comme en provençal ou en cévenol, le son yod (i bref), et il est donc ridicule d’employer en montpelliérain, comme le font les félibres et les occitanistes, la graphie LH. Cette remarque s’étend à toutes les régions héraultaises de langue cévenole, entre Montpellier et le Vidourle : Louis Abric de Lunel et Antoine Roux de Lunel-Viel ont abusé de cette graphie LH, ainsi que le grand Alexandre Langlade de Lansargues : dans ses Poésies languedociennes, édition de 1989, tome I, on lit page 99 : « gargalha » et « vitalha », qui font rime. Mais heureusement, on lit aussi, tome III page 68, « escoubiha » et « mangiha », qui font aussi rime et qui prouvent l’artificialité de ce LH. Quant aux Fougassas du boulanger de Sète, elles donnent dans leur graphie patoisante la réalité incontestable du fait : on lit, dans l’édition de 1929, page 13 : « survéya » et « aouréya » ; page 199 : « aguyada » et « enguyèrou », etc. Ceux qui par ailleurs veulent se persuader de la non existence de ce LH (L mouillé) n’auront qu’à consulter l’Atlas du Languedoc Oriental, par exemple la carte 232 « feuille », et ils verront que le seul point de la côte qui articule LH, c’est Leucate, en bordure du domaine catalan c’est-à-dire très loin de Montpellier !
Le passage de U à « eu » (français « heure ») est nettement marqué par les mots suivants : bleuétta, euna, aleumés, tourneuda, figueuda, peuda, eun (deux fois) et peu, soit 9 occurrences.
Le passage de R intervocalique à D est noté par les mots : tourneuda, figue[u]da, peuda, admida, madidadas (deux fois dans le même mot !) et troubadas, soit 7 occurrences.
Le passage de J (« dj » à CH (« tch ») est noté par les mots : tchour (deux fois), toutchour (deux fois), sachétta et  courssatché, soit 6 occurrences. 
Enfin, le passage de V à B est noté dans un seul mot : Ebitta.
On remarquera que plusieurs mots présentent deux changements phonétiques et de ce fait ont peu de chance d’être immédiatement reconnus en dehors de la zone montpelliéraine : « peuda » correspond au cévenol/provençal « puro » : avec le passage de –o à –a, cela fait 3 altérations pour un mot de 4 lettres et 4 sons ! Dans le même cas sont les mots « tourneuda » (tournuro) et « figueuda » (figuro). Quant au montpelliérain « madidadàs », je défie un seul Cévenol d’en percevoir immédiatement la signification, et je doute qu’un Auvergnat, un Gascon ou un Provençal soit mieux armé !
C’est au total 23 occurrences qui ont été « effacées » par l’effet d’une normalisation graphique dont le moins qu’on puisse en dire est qu’elle altère considérablement la physionomie de la langue réelle, ce qui est le but déclaré de la graphie occitane (et c’est pour cela que nous la combattons), mais qui devrait être un interdit absolu pour tout écrivain se réclamant de la pensée graphique de Mistral. Que le grand Maillanais ait laissé s’accomplir cette vilenie sans réagir montre deux choses à son propos : il ne connaissait pas bien les parlers réels en dehors de sa Provence, et il a laissé pratiquer en Languedoc une politique d’assimilation de tous les parlers dans un cassoulet indigeste que la gastronomie locale ne saurait digérer. Tous ces faits nous confortent dans notre affirmation : non, Mistral n’était ni un grand linguiste ni même un chef d’armée bien habile, toutes choses que le grand Sully-André Peyre avait remarquées et dénoncées bien avant nous, n’en déplaise aux félibres qui continuent de vouloir réduire la pensée mistralienne vivante aux dimensions souvent si étriquées de leur seule organisation. Mais ceci est une autre histoire…



Yves Gourgaud, en Cévennes, mars 2014


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vendredi 28 mars 2014

P Bérengier : L'Art e lou joug






L'Art e lou joug 



Li joug, èro de bos travaia e asata is animau, li biòu proumié pièi li chivau, pèr lis atala en de cariolo, d'araire o àutris estrumen agricòu. Se poudien fissa au còu o bèn davans o darrié li bano pèr li biòu. Li joug de coutet èron mai espandi bord que coustavon gaire pèr li fabrica, qu'èron eisa de pausa e que leissavon uno grando liberta à la bèsti que s'alassavo pas tant. Li joug de bano èron utilisa qu'en Europo e se n'en retrobo dins tóuti li regioun de Franço. Soun mai à respèt di joug de coutet es que li bèsti en estènt estacado soulido l'uno l'autro, se menon mai eisa e riscon pas de s'embana.

Li biòu fuguèron li proumié d'èstre utilisa tre l'Antiqueta pèr travaia la terro. Li chivau, li meteguèron au travai pas qu'à l'Age-mejan. Prenguèron vertadieramen la plaço di biòu qu'au siècle XIX quouro li camin en se fasènt plus tant marrit ié pousquèron faire mestié. Vuei, segur que l'utilisacioun dóu joug a dispareigu. N'i'avié pamens encaro mai d'un milioun en Franço dins lis annado 1950, quand debutè la mecanisacioun. Se n'en vèi, encaro quàuqui un dins lou Miejour aqui mounte li terro soun trop pentudo o trop pichoto o que li restanco riscarien de s'afoundra se ié metien de gròssi mecanico. 
Es dounc, malurousamen i paret o au plafouns di mas que vesès lou mai de joug à l'ouro d'aro, triste, que decoron o porton lume… Urousamen que soun pas tóuti degaia e lou Museon dis Art e Tradicioun Poupulàri de Paris ié caupié la plus grosso couleicioun de joug de Franço.

Vèn belèu d'aqui que Paris nous vòu teni souto sa jougato?
 
Aquéli joug fuguèron espausa i'a quàuquis an au Saloun Internaciounau de l'Agriculturo e èro bèn sa plaço. Ié vesinavon em'uno espousioun que se ié poudié vèire lis obro de trege artisto countempouran ispira pèr l'agriculturo. Lou tèmo d'aquelo espousicioun, la fermo e sa representacioun de tras lis art, moustravo clar que l'art nous toco tóuti de proche.

L'agriculturo, toustèms, ispirè lis artisto mai cade age sa modo. Dins l'Antiqueta, li fresco e bas reliéu simbouli representavon mai que mai la drudesso de la terro e li recordo mai gaire lou travai dis ome. Acò vendra d'à cha pau subre-tout emé Millet e Van Gogh. Vuei, l'agriculturo es en criso e lis artisto de vuei seguisson tambèn la criso, la modo e soun evoulucioun. N'en devon douna un image nòu, un image de vuei.



Peireto Berengier







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lundi 24 mars 2014

BATISTO ARTOU : LA PICHOUNO LIEOURO DEI PEISSOUNIÈRO - théatre marseillais du XIX - 900ème article de Marsyas 2









LA PICHOUNO LIEOURO 
DEI PEISSOUNIÈRO


 
Mi farias p'ana à la pescarié per un boulet de canoun. Un coou l'anèri per croumpa un pichoun bouihabaisso e, bouta, aquèlei damo m'adoubèroun. De pertout mount'anas, vous es permès de marcandeja, de prendre la marchandiso en man e de v'assegura se reunis lei coundicien que demandas. A la pescarié, parei, n'es pa'nsin. 
S'avès lou malur de v'arresta davant lou banc d'uno peissounièro, d'arregarda soun pei, de demanda quand couesto e de respouendre quand v'en foudrié à misè Talo que v'a demanda:
— Quand n'en voulès, moun beou? avant d'avè soueidamen bada, lou pei es pesa, empaqueta e vous lou pòrjoun. Malur se v'eisecutas pa! Acò m'es arriba un jou, e per avè di à la peissounièro: 
 — Mai sias ben pressado! m'abihé. Mi dounè un coumplet que sieou segu qu'à la Bello Jardinièro n'a pa de parié.
— Tè, Mièto, regardo-lou, aqueou pantòu, a louga l'abit! 
L'a 'queou gardi de la Passien, aqui! O facho de crucifi dei Grègou! Ah! vai à Pentagouno, vai, caricaturo, ti fa coupa lou peou! Vous farai gràci deis aoútrei coumplimen que mi fouguèroun adreissa. N'avié de que carga un gros bastimen.
Ce que m'es arriba aqui, es bessai uno eissecien. Car, de mume de ce que un capelan es pa ce que faou, faou pa manda la peiro à tout lou capelanùgi, de mume de ce que l'a un marri sordat dins un regimen, n'es pa la faouto aou regimen, de mume per que l'a de peissounièro que soun groussièro coumo de pan d'òrdi, fourrié pa s'acreire que toùtei soun ensin. M'an di que n'avié de foueço avenento, de gracieouso, d'eimablo e de tant aducado que de parisièno. Va sieou pa ana veire per que, despuei lou coou que mi creidèroun qu'avieou louga louga l'abit, fùgi la pescariè coumo la pesto. 
Eicito, un aoutre repròchi à faire à quaouqueis-unei de nouèstei peissounièro. Perquè pa vouguè empluega lou pes taou e quaou que va voou la lei? E parla de douei lieouro: la grosso e la pichouno, alor que lei tres quart dei gen counoueissoun que la lieouro de 500 grammo vo de cinq eitò? Acò d'aqui, mi fa souveni d'uno afaire, que s'es jujado darrieramen à la justici de pas doou XIIIe cantoun, mountè vaou souventeifès rapuga d'istòri per lou San-Janen. Aqueou jou, l'aviè justamen uno afaire d'embroi entre uno francioto e uno peissounièro à raport aou pres de la lieouro. Per plu de clarta, vaou pinta lou paraoulis que s'es tengu à n-aquello ooucasien.


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LOU JÙGI, à la francioto. — Alors, madame, vous prétendez que la poissonnière ne vous a pas fait votre poids?
 
LA FRANCIOTO. — Non seulement je le prétends, Monsieur le juge, mais encore je l'affirme.
 
LOU JÙGI, à misè Taoutèno. — Va vias, l'a madamo que noun soueidamen pretende que l'avès pa fa lou pes, mai enca v'afirmo.
 
MISÈ TAOUTÈNO. — Mi gàrci de soun afirmacien coumo dei proumié soulié qu'ai caoussa... S'es uno esquicho-bignetto, que vague toundre d'uou! L'ai fa soun pes coumo si dueou e coumo l'ai toujou fa, coumo uno ounesto frumo que sieou... Bouta, gràci à Dieou, sieou counoueissudo coumo talo, à la pescarié... Avès que de demanda de misè Taoutèno, la frumo doou Frisa, que moun ome es counoueissu ensin de tout lou mounde... Cadun vous dira que sieou incapablo de fa saouta uno ounço en degun....
 
LOU JÙGI. — Uno ounço! Vias, empluegas aquito uno espressien qu'a plu cours.

MISÈ TAOUTÈNO. — Misè Bavarello, ma vesino, va m'a di que aro, despuei qu'an leva de dessu lou Cous mounsignour dei Bellels-Ounço, si parlavo plu d'ounço. Escusa-mi, n'en sàbi pa mai... Voulieou dire que sieou incapablo de ren raouba su lou pes.
 
LOU JÙGI. à la francioto. — Combien, d'après vous, manquait-il sur le poids?
 
LA FRANCIOTO. — Un hecto.
 
LOU JÙGI, à misè Taoutèno. — La damo dis que li mancavo un eitò.
 
MISÈ TAOUTÈNO. — Un eito?
 
LOU JÙGI. — Vouei, 100 grammo, s'eimas miès.
 
MISÈ TAOUTÈNO. — Ren qu'acò? 100 grammo su 400! Ebè! serieou uno bello criminello s'avieou fa'cò. De segu, meritarieou d'estre foueitado en pleno pescarié. 100 grammo su 400! Ebè! que vous dirai, moussu lou jùgi, pantaiho, la damo.

LOU JÙGI, à la francioto. — Vous êtes bien sûre qu'il manquait 100 grammes?
 
LA FRANCIOTO. — Juste 100 grammes.
 
LOU JÙGI. à misè Taoutèno. — Per fet d'asard, vous serias pa troumpado dins lou juè dei pes? 

MISÈ TAOUTÈNO. — Nàni, moun bouen moussu. lou jùgi. Madamo m'a demanda uno lieouro de jarretoun, e l'ai douna, coumo dùvi mouri un jou e que lou bouen Dieou mi prendra dins soun sant Paradis, sei 100 grammo de jarretoun, pa 'no grammo de mai, pa 'no grammo de mens.
 
LOU JÙGI. — 400 grammo! Mai madamo va demanda uno lieouro, e se mi troùmpi pa la lieouro es de 500 grammo en Franço.
 
MISÈ TAOUTÈNO. — En Franço, es poussible, mai à la pescarié, es de 400.
 
LOU JÙGI. — Coumo? Ignouras que la lieouro legalo es de 500 grammo?
 
MISÈ TAOUTÈNO. — La grosso, vouei, qu'es en usàgi co dei marchand, mai à la pescarié si serven que de la pichouno, la lieouro anfin qu'es de 400 grammo.
 
LOU JÙGI. — E alor avès douna uno lieouro, la pichouno, à madamo.
 
MISÈ TAOUTÈNO. — Eto! M'a pa demanda la grosso.
 
LOU JÙGI. — E que l'avès fa paga?
 
MISÈ TAOUTÈNO. — La pichouno, coumo de juste.
 
LOU JÙGI, à la francioto. — Madame ne vous a donné que 400 grammes, mais, justice à lui rendre, elle ne vous a fait payer que pour 400 grammes.
 
LA FRANCIOTO. — Eh bien! madame ne donne pas sa marchandise.
 
MISÉ TAOUTENO. — Et toi, tu la donnes, qué, caramantran? Va confir des bouffets. (A l'assistance). Tè, pouarto capeou, e puei va marcandeja su douei liard de jarretoun, e mi deranja de meis afaire, e roumpre la devoucien à moussu lou jùgi qu'es tant brave.
 
LOU JÙGI. — Fès la manello, aqui, mi prenès per la douçour. Per aquestou coou, estent douna vouesto boueno fè, vous farai ren. mai lou proumié coou qu'empluegas mai vouesto lieouro de 400 grammo, vous rapùgui la pu bello amendo que jamai jùgi ague empega en quaoucun. Tenè-vous vo per di. Sian en Franço, empluegan lei pes e mesuro coumo va vaou lou sistèmo metrico, qu'es lou sistèmo legaou.
 
MISÈ TAOUTÈNO. — Lou sistèmo metrico! Mai uno envencien de Paris. Qu'un tron lei cure!... 

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samedi 22 mars 2014

F. Peise : LA LUNO ET LOU SIEIFOURNEN - CONTES DE SIEIFOURS



 
 Lou pescaluna 
de Lunèu





LA LUNO ET LOU SIEIFOURNEN
 

Per un beou souar d’aquest’ estiou,
Un sieifournen nouma Roumiou,
Au found d’un pous viguet la luno;
De vèire aquel astre tant bas
Es pourtant cavo assaz coumuno .
Deis Sieifournens quand me parlaz!...
Dau gros esfrai que l’accusessoun
D’aguer jita la  luno, au pous,
 
Nouastre homme ben avant que leis gens si levessoun,
Vouguet la retirar d’aqueou pas dangeiroux.
Senso mai calcular s’encourre à la bastido,
Cerco ,fureto et fenis per troubar
Uno couardo gaire soulido.
An dich (et pamen v’an pas pouscu prouvar)
Que n’ero quasiment qu’un  bout de cordurado
De carbe o de coutom fiela dins la jornado.
Basto! siégue ce que voudra
Cauque jour si destapara.
Roumiou d’abord au bout de la cordello
Estaco un cerco-pouire et lou jieto dedin.
Se bouto alors à tirar la ficello.
Tiro que tiraras!... per malhur en camin
Lou croc s’ero empacha; doun mai Roumiou soucavo
Doun mai fasiet d’esforts, men la luno avançavo.
Cresez que per aco si destimbourlara...
Roumiou n’es pa’ n’enfant per prendre uno autro routo;
Ero tout suzarent tout peou fasiet sa gouto.
S’escupe dins leis mans et s’entourno à tira.
En bouffant coumo un buou nouastre homme si delego...
— Saïo! anen! zou! la senti que boulego.
La cordeletto pèto et vaquit lou mesquin
Leis quatre ferr’ en l’er au mitan dau camin.
Ensin coucha vis amoundau la luno
Ben d’aploumb sus soun naz;
— Aquello per lou coou poou ben coumptar per uno!
En grattant soun... Bertrand fa nouastre bedigas
N’ai fout’ un beou d’acord mai qu creira bagasso!
Que dau rebound ai mes mai la luno à sa plaço!... 


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jeudi 20 mars 2014

P. Bigot : SOUVENÈNÇO





SOUVENÈNÇO
 


M’en souvendrai toujour: la fèsto
Emé lou jour avié fini.
Vers soun nis l’alauseto lèsto
S’entanchavo de reveni.
La foulo risènto e tranquilo,
Prenié lou camin de la vilo,
E s’escoulavo pau à pau.
Souto la flueio que tramblavo,
Lou róussignoulet gasouiavo,
Pèr l’escouta tout èro siau.
 
Laissavian enana la foulo,
E caminavian tout planet
Au bord d’aquelo aigo que coulo
Entre l’erbe e li coudelet.
Dins lou sèr que li venié querre
Espinchavian, en aut di serre,
Li darnié raioun dóu sourèl,
Entendian rire lis espigo,
Quand l’auro ié fasié coutigo
En courissènt de grel en grel...
 
Ta man èro aqui dins la miéuno,
Te disièi qu’ères tout pèr iéu,
E que moun amo èro la tiéuno,
E que moun cor èro lou tiéu.
Urous e tramblant, en cacheto
Gueitavo dessus ta bouqueto
Un mot bèn dous, un mot bèn bèu...
Pèr responso à moun amour vivo,
Baisserès la tèsto, pensivo,
E rougo coumo un parapèu.
 
Pourtavo dins ma passioun franco,
Envejo au destin dóu bouquet
De vióuleto e d’anedo blanco
Qu’estrassaves entre ti dèt.
Sus toun front, moun anjo adourado,
Cercavo uno douço pensado,
E l’esperanço dins tis iuel,
èr me refresca dins ma flamo
Aurièi dóu libre de toun amo
Vougu legi tóuti li fiuel!
 
A grand pas la niue davalavo,
Ma mìo, quand nous separèn,
E chasco estello que brihavo
La saludave en sourrisènt:
Ère urous! Aquelo vesprado
Dins moun souveni viéu gravado
Coumo un premié sounge d’amour.
Es uno voues douço qu’escouto:
Tus, l’as óublidado sèns doute,
Mai iéu m’en souvendrai toujour!


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mardi 18 mars 2014

F. Peise : LOU SANT DE SIEIFOURS - CONTES DE SIEIFOURS




LOU SANT DE SIEIFOURS

 
En retournant d’un long vouyage,
Un vieilh patroun au caboutage,
Per lou travers dau cap Sicié,
Agantet talo brefounié,
Que de sa guso de vidasso
Aguet tant poou per sa carcasso.
Dins sa petouacho faguet vu,
Eme soun segound Banaru,
Se Nouestro-Damo-de-la-Gardo
Lou sauvavo eme la guimbardo,
De faire faire un beou tableou
Au carafat Jean Manjo-Seou,
Qu’aviet de gous per la pinturo,
Et que fasiet d’après naturo
De touto espeço d’ex-votò.
Piei d’anar, per Quasimodò,
Faire un poutoun à la reliquo
De chasque sant de la fabriquo.
Auriaz dich que Diou l’entendiet,
Lou vent toumbet coumo un aiet.
Lou patroun que de poou tramblavo,
Au port dau Brusc lou souar mouilhavo,
Lou marrit temps aviet passa.
Lendeman ren de plus pressa
Que d’anar tenir sa proumesso. 
Après aguer ausi la messo,
Accoumpagna dau timounier,
Patroun Bitor passo prumier,
Et ben devotament embrasso
Leis reliquos de sant Pancrasso,
De sant Aroï, de sant Crespin,
De sant Côme, de sant Martin,
Quand rescontro sus soun camin,
Entre sant Luc et sant Damaso,
Un encensouar rempli de braso,
Que per avanturo un cleisoun,
Pressa bessai per un besoun,
Aviet leissar per leou s’encourre.
D’un er countrit mette soun mourre
Sus l’encensouar, qu’à soun avis,
Ero un sant qu’aviet jamais vis.
Lou baiso. Vaquit que seis brigos
Venguerount coumo de bouffigos,
Se viro alors vers Banaru:
— Marfiso-te, li crido, tu!...
La barro au vent, largo la velo,
Sauto la reliquo nouvello.
Voueli passar per un... oouruou,
S’aqueou n’a pas lou fuech au c...! 


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dimanche 16 mars 2014

P. Bigot : LA FIELAIRO





à M. Jùli Salles, Pintre.



LA FIELAIRO

Lou sourèl espinchounavo
Dins la nèblo dóu matin,
E l’arounze dóu camin
Souto l’eigagnau brihavo.
Souleto sus soun taulié,
Uno fiheto fielavo,
E tout en fielant cantavo,
E tou en cantant disié:
-Que siès urouso, iroundello!
Entre que l’aubo lusis,
Lèsto, sortes de toun nis,
Va vèire la flou nouvello,
L’aigo que couris, e pièi
L’aubre que dins l’èr escalo...
Se coumo tus avièi d’alo,
Save ounte m’envoularièi!

Darriès aquéli mountagno
Que se perdon dins lou cièl,
I’a ‘n pichot oustau bèn vièl,
Tant vièl que l’èurre lou gagno,
Sa porto es pleno de grel,
L’estiéu de flou la decoro,
E, dins l’ivèr, lis angloro
Ié van béure lou sourèl...
Sa vanado m’es bèn chèro,
L’aime bèn, car es aqui
Que dins moun brès ai dourmi
Souto l’alo de ma mèro.
Oh! l’aime emé tout moun cur,
Car lou prat que l’envirouno
E lou cièl que la courouno
M’an vist ploura de bonur!
Es aqui qu’anave vèire
L’anedo au bord di valat,
Causi, pèr se miraia,
L’aigo lindo coumo un vèire,
Aqui que, souto un bouissoun,
Anave segui lis astre,
Entèndre sibla li pastre,
O piéuta li passeroun...
Es aqui que pèr segado,
Jóusè, sus la fin dóu jour,
Me parlè de soun amour...
Iéu ère touto troublado.
-T’aime, t’aime, me disié.
E soun cop d’iuel me brulavo,
Ma man dins la siéu tramblavo,
E ma bouco sourissié...
Alor, trouvavo la vido
Bello coumo un jour de Mai,
Lou sourèl brihavo mai,
La roso èro pus poulido.
Quand, lou sèr, Jóusè venié,
Bèn urouso me trouvave
D’un cop d’iuel que ié dounave,
D’un poutoun que me prenié.
Lou bonur duro pas gaire.
Lou miéune aguè lèu fini:
Pèr souldat Jóusè ‘s parti,
Ma maire es morto, pechaire!
E iéu, liun de moun païs,
Laisse voula ma pensado
Vers moun galant à l’armado,
Vers ma maire au Paradis!...
Coumo moun cor hou z espèro,
Voudrièi revèire moun cièl,
L’oustau, lou prat, lis agnèl,
Lou cros ounte dor ma mèro,
E Jóusè qu’embrassarièi...
- Iroundello, escalo, escalo...
Se, coumo tus, avièi d’alo,
Save ounte m’envoularièi!.


- - -



vendredi 14 mars 2014

F. Peise : LA... COUYOUNADO - CONTES DE SIEIFOURS





LA... COUYOUNADO

Un diminche matin, dedins soun banestoun,
Lou cura d’un peïs doun sabi plus loun noum,
Mais qu’ero pas fouaro de la Prouvenço,
Se n’en cresi la medisenço,
Ensucavo seis parouassiens
Em’ un prone deis pus anciens
D’un caïre aussi, l’un badailhavo
Au n’as d’un fabricien que dejà roupiavo.
Lou cura, maugr’ aco, fasiet soun pichoun trin,
Quand per un fenestroun, en faço de la chero,
Viguet cauqueis enfants que dedins soun jardin
Li mangeavoun seis fruits. Jugeaz de sa coulero!...
Cependant si countent. Dins lou fuech dau sermoun
Fasiet proun signe eme lou poun,
Eis galoupins que senso crento
Pitassavoun muscat, nespo, pero foundento.
Lou bedot, tout espanta,
Cresiet que nouastre cura
Aviet perdu la tremountano,
Vo ben qu’un tavan mal-appres
S’ero senso doute permes
De venir zounzounar dessouto sa soutano.
Leis pantous que sabien lou vieilh dins soun panier,
Se fichavoun pas mau deis signes que fasiet;
Goudiflavoun rasins et fıguos deis pus bellos,
Leis pecegues madurs, leis peros brisarellos.
Alors nouastre cura, parten de soun repau,
Coupo court au sermoun et dis: — Siou ben badau
De souffrir tout aco, n’es uno couyounado!
Leissan en dezo-uech la pesiblo assemblado,
Descende de la chero et courre à soun jardin.
Leis enfants, lou vesen, lamperoun lou camin
Senso li demandar soun resto.
Lou cura, qu’aviet bouano testo,
Fermo la pouarto à double tour,
Remounto au banestoun et repren soun discour.
Mais malhurousament que s’ero arresta court,
Et si souveniet plus en quunto parabolo
Aviet leissa seis gens. Per si remettre en trin:
— Quand aï couru, lis dis, per leou coupar camin
En cauqueis galavards qu’au luech d’estre à l’escolo
Endumiavoun dins moun jardin,
Ounte n’eri de moun latin?
Alors mise Puçu, devoto renforçado,
Levan oou ciel seis uils coulour de cassounado,
Lis dis d’un ton sucra:
— Bouan moussu lou cura,
N’eriaz à la couyounado!!!

mercredi 12 mars 2014

BATISTO ARTOU : Uno marrido purjo - théatre marseillais du XIX

Uno marrido purjo


Voulès-ti ben vous porta? Aguès toujou lei ped caoud, la testo frèjo e lou ventre vueide. 
Acò's la fourmulo d'Ipoucrato.
Taou èro pa lou cas de misè Magaloun que dirien qu'avié près à la rebucitè la fourmulo doou celebre mègi grégou. Que voulès, lou mestié de bugadièro es pa fa per vous douna uno boueno santa: toujou d'a-ginous, lei ped e lei man dins l'aigo e lei tres quart doou jou lou gros souleihas su la testo. Basto, es de fet que misè Magaloun ello qu'avant si portavo coumo un bàrri, despuei quaoùquei temp èro plu la mumo: avié toujou lei ped fres, la testo caoudo e lou ventre balouna e du coumo uno peiro, per que poudié plu ana de l'avant; dieou de l'avant, voudrié bessai miès dire de l'arrié, m'ai m'avès coumprès, e per metre lei poueint su leis i, poudié plu veni daou corp. Lei marridei lingo, de li veire lou ventre tantgros misè Magaloun, avien fa courre lou bru qu'èro grosso: cavo que poudié que terni sa reputacien d'ounesto frumo, bord que soun ome, qu'es matalot su l'Escamandro dei Messajarié Maritimo, despuei toutaro un an, es en estacien en Chino.

Alor, su lou counseou de sa vesino, misè Senequé, boueno vieiho doou quartié foueço entendudo per lei malaoutié, misè Magaloun ané croumpa dous soou d'espargoulo co de moussu Rubarbo, lou drouguisto de la carriero dei Tres-Souleou, e lei prenguè, dins un toupin d'aigo, lou lendeman à jun.

Aro, misè Magaloun a plu lou ventre balouna, mai, pecaire, a manca peta, tant la purjo fouguè fouarto. Pardieouno, lou coumisot de moussu Rubarbo l'aviè empega douge soou d'espargoulo, de que purja un chivaou. 

D'aqui, demando en dooumàgi-interest davant lou jùgi de pas doou XIIIe cantoun.


*-*-*


LOU JÙGI. — Quand dias que sias estado de jou malaouto?

MISÈ MAGALOUN. — Quienge jou, moussu lou Jùgi, senso prendre soueidamen acò e en fent que veni daou corp. Senso coumpta que s'ai pa fa lei tripo, ana, es ben gràci siegue rendudo à Dieou. Pecaire, anàvi coumo uno fouent e, bouta, èro pa d'aigo de la Roso.  
LOU JÙGI. — E atribuas acò?
MISÈ MAGALOUN. — A l'espargoulo de moussu Rubarbo. Luego de mi douna uno purjo de gen, m'an douna de purjo de chivaou.
LOU JÙGI. — Avès di qu'èro misè Senequiè que v'avié counsiha aquello purjo.
MISÈ MAGALOUN. — Vouei, moussu lou Jùgi, misè Senequié, ma vesino.
LOU JÙGI. — E es aoutourisado, aquello misè Senequié, à faire lou medecin? A lou diplome?
MISÈ MAGALOUN. — Va sàbi pa, mai es tant ben entendudo per gari lei gen que m'estounarié pa.
LOU JÙGI — Li dias entendudo à n-acò! E enca'n paou restavias su lou carreou; s'èro pa
entendudo, alor, malur! Es eicito misè Senequié? Ebè! que s'aproche per veni douna d'esplicacien aou tribunaou. (A misè Senequié) Sias dooutur?
MISÈ SENEQUIE. — Nani, sieou vueouso
LOU JÙGI. — Sias vueouso, sias vueouso, es pa'no resoun acò per empouisouna lei gen.
MISÈ SENEQUIF. — Es un doun que lou bouen Dieou m'a douna de gari lei gen.
LOU JÙGI. — Li garças gari lei gen à vouestei drogo! Parei que la plagnento enca'n paou li petavo d'un pretendu remèdi que l'avès douna.
MISÈ SENEQUIÉ. — Lei gen que mi counsúrtoun an qu'à si louvanja de ieou.
LOU JÙGI. — Es pa misè Magaloun d'aou mens.
MISÈ MAGALOUN. — Ieou? Moussu lou Jùgi, ai que de gramacimen à faire à misè Senequié.
LOU JÙGI. — Mai venès pas vous plagne countr'ello?
MISÈ MAGALOUN. — Pa lou mendramen. Misè Senequié es uno bravo frumo qu'estimi foueço. E coumo voulès alor qu'àgui à mi plagne d'ello? M'a counsiha un bouen remèdi e vaqui tout.
LOU JÙGI. — Avès pa desclara qu'un paou mai li restavias de la purjo de misè Senequié? De la pariétaire que v'a ourdouna?
MISÈ MAGALOUN. — De gàrri de terro que m'a ourdouna? M'a pa ourdouna de gàrri de terro, m'a di soueidamen de prendre dous soou d'espargoulo.
LOU JÙGI. — Es pa questien de gàrri de terro ni de garri de mar... d'espargoulo, s'eimas miès, qu'es lou noum prouvençaou de la pariétaire, de la pa-ri-é-tai-re.
MISÈ MAGALOUN. — Es pa contro l'espargoulo que n'en vouèli, es contro la quantita que m'en an fa prendre.

LOU JÙGI. — Quand n'avès près?
MISÈ MAGALOUN. — Per douge soou dins un litro d'aigo.
LOU JÙGI. — Per douge soou! N'avié aquit per purja tout un oustaou. E es misè Senequiè que v'a di de n'en tant prendre?
MISÉ MAGALOUN. — Misè Senequié, pecaire, m'a di de n'en prendre per dous soou, mai es lou drouguisto que m'en a douna per douge soou.
LOU JÙGI. — A vougu poussa à la counsoumacien!
MOUSSU RUBARBO. — Pardon, monsieur le juge je n'ai point voulu pousser à la consommation... Il y a eu erreur d'interprétation.
MISÈ MAGALOUN. — L'a pa d'interpretacien que tengue. Ai demanda à voueste coumisot dous soou d'espargoulo e m'en a fa bel e ben prendre e paga per douge soou, qu'acò 's esta l'encaouso qu'enca 'n paou fasieou tripo e bedeou, que sieou restado quienge jou malaouto, e que n'en sieou estado per siei vesito de medecin e per des-e-iuè franc de remèdi.
MOUSSU RUBARBO. — Aro qu'avès debana voueste cabudeou, un paou, à ieou, sieouplet. (A moussu lou jùgi) Mon honneur de droguitre étant engagé dans cette affaire, je paierai à madamo tout ce qu'elle réclamera par devant le tribunal...
MISÈ MAGALOUN. — V'entèndi ben ensin. Tè, prendre lei gen per de chivaou!
LOU JÙGI. — Coupès pa moussu. (A moussu Rubarbo). Vous avez parlé d'une erreur, veuillez vous expliquer.
MOUSSU RUBARBO. — Voici, monsieur le juge, j'ai un commis qui est du Nord. Madame, je le vois, a bien demandé deux sous d'espargoule, mais comme elle a voulu parler français, elle s'est mal exprimée et a dit deuse sous pour deux sous. Or, mon commis a compris douze sous et il en a donné pour 60 centimes. Indè error!
MISÈ MAGALOUN. — V'arranjo ensin, moussu Indé error, mai pagara.
LOU JÙGI. — Bord que v-a proumès.
Moussu RUBARBO. — E m'eisecutarai, e repararai ensin la faouto de moun coumis.
MISÈ MAGALOUN. — Aco v'aprendra de garda un couihèti de coumis que si saoup pa de que peïs es. Se li parlas francès, vous coumpren pa; se li parlas prouvençaou encaro mens. V'imaginarès que l'a fougu douei grosseis ouro per sachè ce qu'es d'espargoulo!...



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lundi 10 mars 2014

F. Peise : LOU GARRI ET L’ELEPHANT - Le Rat & l'éléphant (bilingue français & toulonnais)






LOU GARRI ET L’ELEPHANT
 

FABLO REVIRADO 
DE LAFONTAINO

Un pichounet ratun, sortent de sa garrigo,
Sus soun camin rescontro un Elephant,
Et autant dessena que poou v’estre un enfant,
Vent s’amusar à li faire la figo.
— Te, ve, disie, d’aqueou Caramantran!
Et de que pouarto sus l’esquino ?
Carregeo aqui dessus deis Indos lou gran Kan
Soun chin, soun gat, soun jacquot, sa mounino
Et sa battarie de cousino.
Et piei cadun si mette à ginoux davant d’eou;
Que soun fadas, leis gens, de faire lou beou-beou
Davant d’aquello grosso masso!
Crei dounc de m’esfrayar en tenent tant de plaço?.....
t coumo s’en fasent vo mai vo m’en de brut
Poudias passar per un darut.
Mai tout garri que siou proumetti, s’acot duro,
De n’en faire avalar de verdo et de maduro.
Cresoun beleou que siou la mita d’un... coudoun?
Lou garri n’ero pas au bout de soun sermoun
Que lou gat, sortent de sa gabi,
Li prouve qu’un ratun, mai siegue un beou parlant,
Ero pas tant qu’un Elephant.
Et lou paure ratun fet un pet coumo un babi.



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Le Rat & l'éléphant


Se croire un personnage est fort commun en France.
On y fait l’homme d’importance,
 Et l’on n’est souvent qu’un bourgeois  :
 C’est proprement le mal françois .
La sotte vanité nous est particulière.
Les Espagnols sont vains, mais d’une autre manière.
Leur orgueil me semble en un mot
Beaucoup plus fou, mais pas si sot.
Donnons quelque image du nôtre,
Qui sans doute  en vaut bien un autre.
Un Rat des plus petits voyait un Eléphant
Des plus gros, et raillait le marcher un peu lent
De la bête de haut parage,
Qui marchait à gros équipage.
Sur l’animal à triple étage
Une Sultane de renom,
Son Chien, son Chat, et sa Guenon,
Son Perroquet, sa vieille, et toute sa maison,
S’en allait en pèlerinage.
Le Rat s’étonnait que les gens
Fussent touchésde voir cette pesante masse :
Comme si d’occuper ou plus ou moins de place
Nous rendait, disait-il, plus ou moins importants.
Mais qu’admirez-vous tant en lui vous autres hommes?
Serait-ce ce grand corps, qui fait peur aux enfants ?
Nous ne nous prisons pas, tout petits que nous sommes,
D’un grain moins que les Eléphants.
 Il en aurait dit davantage ;
Mais le Chat sortant de sa cage
Lui fit voir en moins d’un instant
Qu’un Rat n’est pas un Eléphant.

JEAN DE LA FONTAINE
Livre 8, fable 15


samedi 8 mars 2014

P. Bigot : FINETO







FINETO
 


O fineto tant poulido,
Tant crudèlo aussi!
Perqué semenes ma vido
De tant de soucit?
Chasque mot de ta bouqueto
Es pèr me facha,
Se vos m’aima, Fineto,
Leisso-me t’aima!
 
T’aima, bouto, hou podes crèire
Sèns te mesfia,
Se rèste un jour sèns te vèire,
Sièi desvaria.
Quand passes davans ma porto
Moun cor trefoulis,
Sèmblo qu’un anjo me porto
Dins lou Paradis.
 
A la Font, au Tour de Vilo,
Quand vas proumena,
Dedins la foulo, entre milo,
Save te trouva.
Devigne ta façouneto
Emai siegue escur:
L’iuel trovo vite, Fineto,
Quand cerco em’lou cur!
 
Noun, pode pas me retène
De t’aima toujour,
Sièi triste quand me souvène
De nòsti amour,
Sian urous de nous sourrire,
Nous sarra la man,
De nous parla sèns rèn dire,
En nous regardant...
 
Ingrato, me desespères,
E pamens, un sèr,
Dins un poutoun me dounères
Un pauquet d’espèr.
Me dounères tres floureto,
Li counservarai:
Tus óublidaras, Fineto,
Iéu me souvendrai!


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jeudi 6 mars 2014

Mistral censuré par Youtube : Bergougna !!!!




Ce poème, publié dans “Li Òulivado” (Les Olivades) en 1912, témoigne de l'importance de l'enracinement des peuples et de la désintégration lente et méticulleuse qui s'est opérée sur les identités régionales.
Comme cela se fait depuis que le site est créé (2005), la chanson Au Pople Notre s'est trouvée sur le site "You Tube", site hébergé en Californie (USA).

Les administrateurs sont-ils experts en langue provençale ? Le doute est permis.

Quoi qu'il en soit, le site a, en septembre 2012, ARBITRAIREMENT et OUTRAGEUSEMENT censuré la chanson au motif qu'elle portait un "discours de haine".

MISTRAL CENSURE ! Faut-il en rire ou en pleurer d'écœurement ?

Que dire des vociférations hurlées par des rapeurs excités pronant mille vilénies envers nos forces de l'ordre et nos institutions...
A n'en pas douter, entre la Californie et la Provence, nous n'avons pas les mêmes valeurs... morales. 
Divers sites ont relevé la censure effectuée par Youtube. Ils ont aussi publié le poème en provençal et en français. Il est toutefois dommage que la traduction en français n'est pas EXACTEMENT celle faite par F. Mistral.





Voici le poème en lengo nostre avec la traduction française - de Frédéric Mistral - en regard.

Que chacun juge.

              Au Pople nostre                                           À notre Peuple                   

Paure pople de Prouvènço,                 Pauvre peuple de Provence,
Sèmpre mai entamena.                         Entamé de plus en plus,.
Sènso sousto ni defènso,                     Sans abri et sans défense,
Is óutrage abandouna !                      Aux outrages abandonnés !

A l’escolo te derrabon                           A l’école on t’arrache,
Lou lengage de ti grand                        La langue de tes parents,
E toun desounour acabon,             Et l’on achève ton déshonneur,
Pople, en te desnaturant.                   Peuple, en te dénaturant.

Di vièi mot de toun usage                 Des vieux mots de ton usage
Ounte pènses libramen                       Où tu penses librement
Un arlèri de passage                            Un impertinent de passage
T’enebis lou parlamen.                         T’interdit de le parler.

Te mastrouion li cervello,                     On patine ton cerveau,
T’endóutrinon coume un niais,          Comme un niais on t’endoctrine
Pèr fin que la manivello                      Afin que la manivelle
Vire tóuti au meme biais.              Tourne pour tous au même biais.

Toun Istòri descounèisson,               On méconnait ton Histoire,
Te la conton d’à rebous ;                     On te la conte à rebours ;
E te drèisson, te redrèisson                On te dresse et te redresse,
Tau qu’un pople de gibous.                 Tel qu’un peuple de bossus.

Te fan crèire que sa luno                   Ils te font croire que leur lune
Briho mai que toun soulèu,                   Brille plus que ton soleil,
E toun amo s’empaluno,                             Et ton âme s’enlise,
Aplatido em’un roulèu.                             Aplatie sous le rouleau.

Te fan crèire que ti paire                   Ils te font croire que tes pères
N’an jamai rèn fa de bon                   N’ont jamais rien fait de bon :
E, reguergue à l’usurpaire,                   Et, revêche à l’usurpateur,
Jamai res que ié respond !                 Nul Jamais qui lui réponde !

Ti bèlli cansoun bouniasso,              Tes belles chansons naïves,
Lis óublides, o badau !                         Tu les oublies ô badaud !
Pèr li vilanié bestiasso                        Pour les vilenies stupides
Que te plovon d’amoundaut.               Qui te pleuvent de là-haut.

Sabes plus ourdi ti fèsto,                  Tu ne sais plus arranger tes fêtes,
Sabes plus jouga ti jo :                          Tu ne sais plus jouer tes jeux :
Pièi quand as chanja de vèsto,          Puis, quand tu as changé de veste,
Rèstes pigre coume Jo.                          Tu restes gueux comme Job.

E pamens es tu la mena,                       Et pourtant c’est toi la mine,
Lou grouün de la nacioun,                         Le couvain de la nation,
Ounte Aquéu d’amount semeno                Où Celui là-haut sème
Soun èterno creacioun.                               Son éternelle création.

Tu, sauvant lis abitudo                            Toi, sauvant les habitudes
E lou gàubi dou Miejour,                            Et l’allure du Midi,
Sauves la coumparitudo                         Tu sauvegardes l’harmonie
De la raço e dóu sejour.                                De la race et du séjour.

Nosto lengo e si prouvèrbi                   Notre langue et ses proverbes
An soun nis à toun fougau                       Ont leur nid à ton foyer
E nous gardes la supèrbi                           Et tu nous gardes l’orgueil
De ti fiho que fan gau.                                De tes filles délectables.

Pèr te faire dire seba                              Pour te réduire à merci
Tout te cougno : mai, testard,                 Tout te presse ; mais, têtu,
Rèn qu’em’ un fuiet de cebo                 Rien qu’avec un feuillet d’oignon
Te remountes bon sóudard.                      Tu te remontes bon soldat.

Tu soulet foses la terro                          C’est toi seul qui fouilles la terre
E rebroundes l’óulivié                                Et qui tailles l’olivier :
Cerques lou bonur ounte èro              Tu cherches le bonheur là où il résidait
E la joio ounte n’i’ avié,                              Et la joie où elle était,

Quand li gènt se countentavon              Quand les gens se contentaient
De crussi lou pan d’oustau                    De mordre au pain de ménage
E que tout lou jour cantavon             Et qu’ils chantaient tout le jour
Sus l’araire e lou dentau.                           Sur la charrue et le soc.

Mai, bèu pople, lou pos vèire             Mais, beau peuple, tu peux le voir
Li rasclet, li margoulin,                             Les criquets et les drôles,
      Que mespreson vuei si rèire       Qui aujourd’hui méprisent leurs ancêtres
Noun se croumpon de moulin.                 N’achète pas de moulins.

Memamen l’aucèu de gàbi                       L’oiseau de cage lui-même
Qu’a de grano soun sadou,                     Qui a de graines son saôul,
Fau que more de l’enràbi                        Finit par mourir de rage
Davans soun abéuradou.                            Devant son abreuvoir.

Que ta visto donne s’alargne,                 Que ta vue s’élargisse donc,
Pople, sus toun païs dous,                     Peuple, sur ton pays doux,
Car se dis qu’un chin de pargue             Car un chien de bergerie
Sus sa sueio n’en bat dous.                    Sur sa litière en bat deux.

Fose ti can toun, refose                            Fouille tes lopins, refouille!
Parlo fièr toun prouvençau,                      Parle fier ton provençal,
Qu’entre mar, Durènço e Rose             Si entre mer, Durance et Rhône
Fai bon viéure, Diéu lou saup !               Il fait bon vivre, Dieu le sait !

Frederi MISTRAL, Janvié 1905



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mardi 4 mars 2014

Louis Brès : LI CHERUBIN


LI CHERUBIN
Parla dau Coumtat.
 


Oh! digo, digo, bono maire,
Quand me poutounes lou matin,
Quand ai fa JEUSE eme moun fraire,
Perque mi dies moun Cherubin?
 
Li Cherubin digo-me, maire,
Se soun pichoun, lest coumo ieù,
E se, quand plouroun à-n-un caire,
Leu lis assolo lou bouan Dieù ?
 
Lou dimenche, li jour de festo,
Que, digo-me, li fan-ti beù?
Ye pinpoun-ti si belli testo,
Ye baioun-ti de brassadeù?
 
Eiça quand ven lou temps di péro,
Que s’amaduroun li meloun,
Li menoun-ti dessus lou sero
I jardin, lieun de si nounoun ?
 
Piei en sautent de si bressiero,
Soun-ti poutouna lou matin?
Coumo ieù fan-ti si prièro,
Mama, li pouli Cherubin?
 



Louis Brès



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dimanche 2 mars 2014

P. Bigot : 2 poésies & un envoi de F Mistral




 RICHE E PAURE
(Parabolo de Lazàri e dóu marrit Riche)


Voulès que vous la conte?... Ah! vous la countarai.
L’istòri que vous parle es pas de jita ‘ilai,
Un dijòu, en vihant, ma grand me la countavo,
Ço que disié ma grand dins ma tèsto a resta,
Voulès que vous hou conte? An! vous hou vau counta,


-I’avié ‘no fes un ome qu’èro
Riche, riche coumo la mar.
En plano avié de bòni terro,
E de bèlli vigno au cagnard,
Avié bon lié, bono cousino,
De louvidor à la gogò,
Un bèl mantèl sus soun esquino,
Sus sa taulo de bon fricot.
 
A sa porto, un vièl travaiaire,
Afrejouli, maigre, afama,
Demandavo soun pan, pechaire!
Car poudié pas pus lou gagna.
Mai lou richas lou rambaiavo:
-Pode pas te douna, vai-t’en!
Soun chin, pus tèndre, lou lipavo,
En l’escaufant de soun alen.
 
Diéu, que vèi tout ço que se passo,
D’eilamoundaut devistè ‘cò,
Mandè la mort faire sa casso,
E ié diguè: -Fai double cop!
E la memo niue, frejo e redo,
La memo niue, la mort prenié
Lou riche sus soun lié de sedo,
E lou paure sus soun fumié.
 
Mai lou paure, dins l’autre mounde,
De si peno veguè lou bout.
Lou riche, de si bèn abounde,
Quand seguè’ilai manquè de tout,
Mort de fam e de set, plouravo,
Lou paure èro i pèd dóu Bon Diéu,
Lou Riche de liun ié cridavo,
-Brave ome, agués pieta de iéu!
 
Cridavo au vièl gardian que viho
A la porto dóu Paradis:
-Ai! ai! moun gousié ‘s d’estiho!
Ai! ai! ma lengo se roustis!
Mandas-me ‘n degout d’aigo, vite,
Au nom de Diéu! Lou vièl gardian
Ié fai responso: -Aro siès quite
Em’aquel paure, moun enfant!
 
As agu ta part sus la terro,
Lou paure a sa part dins lou cièl.
Segu, plagne bèn ta misèro,
Mai, ve, pode pas faire mièl.
Lou camin, un grand cros lou barro
De iéu à tus, de tus à iéu,
Aquel grand cros que nous separo,
Riche, es la justiço de Diéu!.
 
-Bon vièl, mandas dire à mi frèro
Qu’au mens fagon pas coumo iéu.
-Ve! li mort qu’anarien sus terro
Sarien pas cresegu di viéu.
Ti fraire savon sis afaire,
E iéu save li miéune, pièi,
Diéu ié dis proun ço que fau faire:
An pas mai qu’a segui sa Lèi.
Ma grand me diguè ‘ncaro: -Au camin de la vido,
Fau que lou devé marche en avans dóu plesi,
Nous fau pas èstre sourd quand lou malurous crido,
Ni pèr faire l’óumorno èstre pingre e mousi.
 
Devèn nous ajuda tóuti coumo de frèro,
Se tenèn de varlet, saupeguen li paga:
Vau mai pas li laissa toumba dins la misèro
Que de ié traire un sòu quand ié soun enfanga.
 
Pèr malur, i’a de gènt que sèns èstre canaio,
Trovon que l’on pot viéure emé vint sòu pèr jour,
Tènon si bras en crous quand lou paure travaio,
E despènson vint franc, emai de fes soun court.
 
D’àutri, segu, moun Diéu! volon pas lou partage,
Mai fan landa soun fiò di gavèl dóu vesin,
Toujour de soun coustat póutiron l’acatage.
Tus au mens, moun enfant, te fau pas faire ansin.
 
Se dins l’or e l’argènt la fortuno te porto,
Souvèn-te que toun paire èro travaiadou,
E qu’i paure coumo el deves te faire ounou
De pas barra toun cor, ta bourso, ni ta porto.

-Ma grand, en fasènt soun traval,
N’aurié pres d’amount e d’aval...  
Mai de soun escoulaire avié’caba la bourro,
E noste vièl reloge avié pica dès ouro.
 


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MA PENSÉE
 


Sous les grands pins rougis aux clartés du couchant,
Par quelque âpre sentier quand je rêve en marchant,
Pareille à l’hirondelle en sa course pressée,
Franchissant monts, ravins et l’espace et le temps,
Joyeuse, vers les jours fleuris de mon printemps
Vole mon ardente pensée.
 
Heureux, je vois encore notre pauvre maison,
L’aire où j’allais, pieds nus, dans la chaude saison,
En mes ébats fouler le gazon et l’argile;
Et puis les épis d’or se dressant au milieu,
Et les chevaux aux crins flottants, à l’œil de feu,
Les courber sous leur ronde agile...
 
Et je m’assieds encore à notre vieux foyer;
Je regarde ma mère et mes sœurs travailler
Près de la table, au feu de la lampe fumeuse;
La voisine allaitant son jeune nourrisson,
Et puis en le berçant lui dire sa chanson,
Sa vieille chanson amoureuse.
 
Dans la brume lointaine il m’est doux de revoir,
Mon vieux père courbé par le travail, le soir,
Grave, au pied de mon lit écouter ma prière,
Ecarter le rideau quand j’allais m’endormir,
M’arranger dans ma couche et puis, pour me bénir,
Mettre un baiser sur ma paupière.
 
Je vois ma vigne verte étalée au soleil,
Encadrant ma fenêtre avec son fruit vermeil,
Et les murs enfumés de notre vieille école;
Le magister humant sa prise avec lenteur,
Et le temple en ruine, et notre vieux pasteur
A la douce et grave parole...
 
Ces morts, par ma pensée à la tombe ravis,
Passent en me montrant leurs visages amis,
Et je puis les aimer et les bénir encore:
Depuis ma jeune sœur et mon aïeul tremblant,
Jusqu’à ma pauvre mère et mon plus jeune enfant,
Mort loin de moi dès son aurore.

Puis ceux qui ne sont plus font place à ceux qui sont.
Malgré le mont altier et le ravin profond,
Près de ma cheminée où la flamme pétille,
Je cause avec les miens.  Fier, j’arrête mes yeux
Sur le front de mon fils,  et je veille joyeux
Au pied du berceau de ma fille.
 
Et puis je vous revois, vous, ange de douceur,
Dont l’âme de mon âme est l’amie et la sœur,
Vous que de nos chemins les ronces ont blessée,
Vous dont le souvenir m’accompagne en tout lieu.
 
Et je me dis tout bas: béni soit le Bon Dieu
Qui nous a donné la pensée.


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Envoi de F. Mistral en avant-propos


Mon cher Poète,



J’ai trouvé un grand charme à la lecture de vos Rêves du Foyer, et je vous félicite d’avoir publié ce recueil de belles choses. En les lisant je me sentais sourdre au cœur tous les sentiments bons et généreux. Le souffle d’honnête homme qui inspire si heureusement tous vos chants transfigure aux yeux de Dieu cette guirlande poétique en chapelet de bonnes œuvres. Toutes les fois que vous abordez les grands sujets religieux ou poétiques vous excellez et vous frappez au cœur.
Tenez, votre Pasteur du Désert est un morceau admirable de simplicité de conviction religieuse, de sobriété et de grandeur. C’est le chef-d’œuvre du volume et cela ne s’oublie pas.
Je retrouve cette conviction profonde aussi fortement exprimée dans la Bible. Très beau encore! Un coin d’histoire est très pathétique et c’est un chant d’épopée. Quoi de plus gracieux et de plus touchant que ce tableau intitulé Ma pensée?
 
Et maintenant mon cher Bigot maintenant que vous aurez rendu à la muse française ce qu’elle vous a donné il ne faut pas dédaigner la muse de la patrie. L’accent profond qui caractérise la plupart de vos chants du foyer est accusé encore plus franchement dans vos créations languedociennes. J’en atteste votre Vièl mèstre d’escolo simple et touchant comme le vieux ménétrier de Béranger et vos Rachalan patriotes qui feraient pâlir la Marseillaise.
Adoncques, ne perdez pas de vue votre volume de Poésies provençales; il ne fera pas honte comme pendant aux Rêves du Foyer, et vous irez rapidement par lui au cœur et à l’âme de ces nobles travailleurs que vous comprenez si bien et que vous interprétez si dignement. 

MISTRAL.
Maillane (B.-du-R.), 16 juin 1860,



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