jeudi 28 février 2013

Yves Gourgaud : A PROPOS D’UN ECRIVAIN DU BLEYMARD : JEAN JOUVE

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A PROPOS D’UN ECRIVAIN 
DU BLEYMARD : JEAN JOUVE



Yves Gourgaud, 
février 2013


1. MONSIEUR JEAN JOUVE

    Notre ami Serge Goudard a illustré mon article qui présente le blog LOUBLUMA par un poème qui figure sur le site, et bien sûr il l’a reproduit très fidèlement : nous avons cette habitude, ici à Marsyas2, de penser que lorsqu’un auteur vivant écrit dans notre langue, c’est qu’il connaît cette langue et donc que personne n’a à lui « reprendre » ou lui « corriger » sa graphie sans sa permission.
    Si je fais cette remarque, c’est justement parce que l’auteur de « Quond ére effon a Sen Julien » a eu quelques problèmes de ce genre : de grands « savants » lui ont fait des remarques, pensant sans doute qu’un pauvre patoisant, n’est-ce pas, serait impressionné par un langage doctoral…
    Pas de chance pour les donneurs de leçons ès-écriture : il se trouve que Monsieur Jean Jouve (qui a signé, en patois, JIOUBE) est… docteur en sciences économiques !! Alors vous pouvez penser que les sabentasses ont été pris au piège de leur propre suffisance, qui se révélait aussi une fameuse insuffisance…
    Mais cette anecdote (qui m’a été contée par Monsieur Jean Jouve lui-même) doit être méditée par tous. Il est vrai que, bien trop souvent, nous avons tendance à penser qu’une écriture patoisante révèle une formation intellectuelle sommaire, alors que Jean Jouve nous inflige le démenti le plus absolu à ce propos : profitons-en pour affirmer ici que les auteurs patois sont porteurs d’une LANGUE AUTHENTIQUE et que de ce point de vue leur graphie est elle aussi authentique, et d’un emploi parfaitement aisé, pour peu qu’on connaisse un minimum de la forme de langue qui est écrite.
La supériorité de l’écriture patoise sur celle dite « occitane » est TOTALE et ABSOLUE, puisqu’elle permet de retrouver la vérité de la langue parlée. Or quand une langue est vivante, c’est qu’elle est parlée, et si l’on veut la transmettre, il faut commencer par la PARLER avant de l’ECRIRE : nos occitanistes font exactement le contraire, et s’imaginent  (piètres linguistes ! pitoyables pédagogues !) qu’avec leur graphie venue du fond des âges (elle était en déconfiture dès le début du XIVe siècle, c’est justement un texte du Gévaudan qui le démontre) ils vont faire revivre nos langues !
Laissons les rêveurs s’habiller en troubadours et chanter le Moyen-Age : nous qui sommes de ce siècle, nous suivrons les vrais écrivains qui, comme Jean Jouve, savent transmettre leur langue.

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QUOND  ÉRE  EFFON A  SEN JULIEN


Mous effons sabou pas deque fagion aïci,
Y abio pas la télé per para dé langui.
Alors boou  lus counta ço que adoun s’y fagio,
Et mi soubene bien , d’occupachiéous , n’y abio.

La primo azerbabions , et adoun chions bachios ,
Ménabion al debés , al chion ou be al bouos ,
Fagion jappa lous chis et nantres musabions ,
Courrions din lous barthas , chiantabions , supplabions .

Lou fé éro dalliat , alors fenaîrabions;
Pieî chiabio meïssouna , las gierbos liabions ,
Fagions de gierbîeîrous per fa secha lou blat,
Troubabions d’aousselous ,uno ser , ou un rat.

la primo amaï l’aoutou , al coutrié laourabions;
Esterpabions lou fen et tirabions d’abon,
L’alaouzeto chiantabo , acos éro plasen ,
Fagio bel ou plabio ,chiabio ségre lou ten.

Lou bespré , arréduch , anabions pas treppa
Tout juste se sourtions à la crous per parla ;
Las fédos , à la nuech, béniéou per si saqua
Countabions lous agnels abon de lous barra.

A la fi de l’aoutou , à l’escolo anabions;
Dedin ou per la cour , en parés jiougabions
Chions punichs caouques cops, d’antres cops n’on rigio ,
A l’oustaou chiabio pas se plognié maï qu’aco.

Quon l’hiber éro qui, la néou toumbabo prou,
Lindabions per chiamis, tirabions lou ménou,
Nous giagabions de frech, pourtabions lous esclochs ,
Per nous achalouna, nous trajions de palochs .

Fagions notres debouers , allaï à la beillado ,
Nous sarabions del fioc , coujions la peiroulado ;
S’y digio la prièro abon d’ana durmi ,
ET pieî pantaïsabions al liech jusqu’al mati .

Lou ten au bien chiangiat , yo quicon maï a faïre.
Mais bous ou dise bien , et creigiet voste païre ,
Aïmairio maï, lou bespre , espéra lous troupels
Que dabon la télé escarjuellia mous uels. 

2. “QUOND ERE EFFON A SEN JULIEN” - Commentaires du texte :

Parlons maintenant de ce poème (qui est en patois de Saint-Julien-du-Tournel) : les mots qui sont en gras sont ceux que vous trouverez expliqués dans le Lexique de Monsieur Hubert Nogaret, sur son blog LOUBLUMA ; on a ainsi un lien précieux entre la langue du Bleymard (le Lexique) et la littérature qui en est l’illustration et la justification.
Voici, relevés dans le poème de Monsieur Jean Jouve, quelques mots et formes qui, pour un Cévenol alésien comme moi, se révèlent très proches parents de notre propre parladure :

SABOU : la finale des verbes en -OU est commune entre les Cévenols d’Alès et ceux du Bleymard (les occitans, quant à eux, écrivent -ON, quand ce n’est pas –AN ou -EN !)
LUS : c’est la forme la plus typiquement cévenole qu’on puisse trouver ! Partout ailleurs on dit « lour », « lur », « lious », etc. Rappelons que les Provençaux, de leur côté, disent (ié), ce mot étant soit singulier « lui » soit pluriel « leur »
S’Y, MI, N’Y : autres formes typiques du cévenol (en mistralien on les écrit SI, MI et NI), qu’Alès ne connaît pas mais qui apparaissent déjà du côté de Saint-Jean-du-Gard.
CHIONS : en alésien on dit (SIAN), et cette forme est elle aussi très cévenole (et aussi largement gévaudanaise) : contrairement au provençal, CHIONS/SIAN n’est pas du présent (« nous sommes »), mais du passé (« nous étions »), ce qui prouve que même des parladures voisines comme le provençal et le cévenol connaissent ici ou là de nettes différences.

AZERBABIONS, MENABION, MUSABIONS, CHIANTABIONS, SUPPLABIONS, etc. : toutes ces formes de l’imparfait en –ABIONS (nous écrivons et prononçons en Alès : -AVIAN) sont communes au cévenol et au provençal, alors que les occitans écrivent (-àvem), forme qui est languedocienne mais ni cévenole ni gévaudanaise.
LOU FE, LA FI : nous ne prononçons pas de –N en fin de mot, et donc nous ne l’écrivons pas plus que Monsieur Jean Jouve : les Provençaux écrivent ces –N parce qu’ils les prononcent ; les occitans les écrivent sans les prononcer (pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué et surtout sabentas ?)

BENIEU (« venaient ») est aussi une forme finale (-IEU) très caractéristique du cévenol : les occitans, eux, écrivent (venián) ! Voyez comme il est simple d’écrire en occitan : il suffit, pour un mot de 6 lettres, d’apprendre trois règles de prononciation : 1) le (v) se prononce (b) ; 2) le (á) se prononce (è) ; 3) le (n) se prononce (w). Sans commentaire… En cévenol alésien nous écrivons (venièu) parce que nous prononçons (v) ce qu’au Bleymard ou à St-Julien-du-Tournel on prononce (b). Les provençaux ont du mal avec ces terminaisons, parce que dans leur langue, la terminaison (-iéu) est celle de … la première personne. Alors quand ils lisent (venièu) ils pensent tout de suite à traduire « je venais », alors que c’est « ils/elles venaient » ! Autre différence importante entre Cévennes et Provence, avec CHIONS/SIAN, voir plus haut.

VOSTE : c’est la même forme en cévenol alésien et en provençal, alors que les occitans écrivent (vòstre) avec un R qui chez nous n’existe pas.
Vous voyez que le poème de Jean Jouve, en dehors de ses qualités littéraires (vous aurez admiré la précision des termes employés, l’auteur étant une encyclopédie vivante des réalités du terroir et des mots qui les expriment) nous est à nous, Cévenols du Gard, d’une grande utilité linguistique puisqu’il sert à marquer précisément nos particularités communes. Nous ferons remarquer, une fois de plus, à nos occitanistes qu’il n’est nul besoin d’une écriture de ma grand la borgno pour « unifier » les parlers : il suffit d’écrire une langue authentique, avec une graphie simple et directe qui met le lecteur en confiance.

Nous remercions Monsieur Jean Jouve de nous avoir autorisés à reproduire son poème ici, et nous espérons vivement qu’il voudra bien nous donner à lire d’autres de ses compositions : avec Monsieur Hubert Nogaret, il sera le bienvenu tant sur ce site MARSYAS2 que dans les pages de l’Armagna Cevenòu… ou d’une publication qui réunirait les auteurs du Bleymard.
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1 commentaire:

Anonyme a dit…

Tout acco es un crane escrit, me soubéné tabé qué din la anados soixante, fagien coumo co.Abet em paou esblidat las drolos maisquand meme quo chi semblo.

Abioi des ons en soixante huet.
Chioi de Cubièeiro,à quaouques kilomestres del bluma.

Cerque d'informachiéous soubre la secounde guerre din lou caire d'Altio, lous jiours eroun lou 19 e lou 20 d'aous 1944, lous allemand attapèrent uno degialade de la Rouchestos en altio.

Se quaouqus counei l'endret soubre internet per may ni saoupré sarioi bien couten e per acco bous disémerci per abonço.

La biso en tou lou mondé.
Jac