samedi 25 avril 2009

Dimitri Mélissas : Le silence est espace

Se taire & lire ou peut être écouter : silence !!!

Le silence est espace, non pas au sens géométrique mais métaphysique du terme. Il est cette ré-flexion matricielle, cette regressio ad uterum, totalement intime par laquelle s’articule le travail de la conscience.

Il n’y a pas de conscience pure, comme le prétend à tort l’orientalisme, mais une « conscience de ». C’est à l’orée du « de » que s’installe le silence, que « se fait » le silence, prélude au silence instrumental.
Espace et instrument, le silence pose- Heidegger dirait « appelle - un monde intime au sein duquel il se mue en instrument. C’est par lui qu’est posée la parole à l’instar de l’étant qui procède de l’être.
Sans silence, pas d’éclosion de l’étant. Pas d’origine d’une présence dont la grâce est engendrée dans le ravissement du silence.
Le silence n’est donc pas un vide, un vide est creux, c’est un passage, un tunnel, une grotte, un trou noir, une matrice, un réceptacle sans plus. Le silence est berceau de fécondité, d’attente, c’est l’ expir fécondant.
Il « est » avant ce qui sera manifesté. Il est coulisse de l’être.
Il est présence.
Mais faire silence ne veut pas dire être muet. Le silence est signifiant, le mutisme ne signifie rien personne. Il est absence.
Ce monde est celui de la communication. Cette dernière n’implique a priori aucun échange, elle délivre un message sans plus. Elle veut convaincre et dans convaincre il y a vaincre. Cette communication est l’expression verbale d’un mutisme intéressé.
Le silence est, lui, prélude au logos, la parole. La parole est l’expression de l’étant, la vision de ce qui procède de l’être. En allemand sagen (dire) et sehen (voir) ont la même racine.
La parole permet de « voir » ; elle n’est pas « là » pour vaincre mais pour se faire voir – et donc reconnaître - par l’autre. Elle est une apparition dont l’apparaître est le moi le plus profond.
Cet espace instrumental, nous le retrouvons dans la littérature sacrée :

Rois 6-7 : « On n’a pas entendu le bruit du moindre marteau, pic ou autre outil de fer durant toute sa construction (du Temple de Salomon). »
Jésus devant Pilate qui lui demande ce qu’est la vérité et qui se tait.
Le Prophète silencieux des musulmans, celui chez lequel on vient contempler le silence.
Plus prosaïque : la femme silencieuse, don de Dieu, dans l’Ecclésiaste.

Nous demandons aux jeunes de faire silence. N’est-ce pas trop leur demander ?
Ce devrait être le propre de vieillards blanchis sous le harnais et qui ne doivent plus parler pour dire.
Les jeunes confondent silence et mutisme. Détrompons-les !
Et qu’ils se détournent du babil, de ces paroles vaines et inutiles, de ces remplissages de vides que trop souvent nous sommes forcés d’entendre et de subir !
Notre temps profane n’aime pas le silence, le bruit alentour le détourne d’une angoisse qu’il ne peut plus assumer seul et qu’il trompe par une incessante musique d’ascenseur.
Le silence révèle la peur de ceux qui veulent le tromper et, partant, se tromper.


1 commentaire:

chauché a dit…

Il est heureux de lire ici ce principe fondamental, mis en lumière, par Heidegger, " le silence appelle la parole " - par parenthèse ce n'est pas fondamentalement sa courte adhésion au régime nazi, qui dérange les "assis" de la pensée, mais justement et notamment cet appel trés grec et donc trés chinois de la parole par le silence, certains chinois diraient " par le vide ", le reste tout le reste n'est que bavardage de comptoir social - ce silence donc, que vous saisissez, révolutionne la parole car il vise un point d'abîme que Rimbaud illumina, dans ses Illuminations justement, lisons :
" J'ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d'or d'étoile à étoile, et je danse. ", ce silence qui appelle la parole est peut-être cette " chaîne d'or ", que l'on tend d'une parole qui fonda et une autre qui délivre.
Bien à vous
Philippe Chauché