"A partir de Montélimar, on commence, par l'aspect du sol, à s'apercevoir que l'on entre dans le Midi. Le ton des terrains est plus chaud, l'air plus limpide, les contours des objets plus arrêtés ; cependant les oliviers, qui venaient autrefois jusqu'à cette ville, ne commencent plus réellement aujourd'hui qu'à Pont-Saint-Esprit. Le premier arbre de cette espèce, pauvre malheureux rabougri, sentinelle avancée, ou plutôt perdue, essaie de vivre aux environs de La Palud ; mais il fait peine à voir, tant il est souffrant et échevelé de sa lutte éternelle avec le Nord.
Nous arrivâmes de jour encore au fameux pont qui appartient moitié à la Provence, moitié au Languedoc. La Provence vient jusqu'à l'angle. Un moine rêva, en 1265, qu'il voyait des langues de feu se poser sur le Rhône de distance en distance.
(...)
Nous dinâmes à la hâte, afin de visiter avant la nuit l'ermitage de Saint Pancrace, situé en haut d'une montagne, à trois quarts de lieue de Pont-Saint-Esprit. (...)
Le lendemain nous retraversâmes le pont Saint-Esprit et repassâmes du Languedoc en Provence, comme la veille nous étions passés de Provence en Languedoc. Le pays devenait de plus en plus accidenté et pittoresque : les vieux châteaux de Montdragon et de Mornas ceignent la cime de leurs rochers d'une couronne de ruines. (...)
C'est à Mornas que l'on commence à bien sentir, au langage des habitants, le progrès qu'on fait vers le Midi. Dès Valence, un léger accent colore déjà la langue ; à Montélimar, il l'altère ; à La Palud, il la change en un patois inintelligible. En redescendant au village, nous trouvâmes à l'auberge un Anglais qui parlait sept langues, et qui avait été obligé, pour se faire servir des oeufs frais, de s'accroupir dans un coin et de chanter comme une poule qui pond."
Alexandre Dumas,
Impressions de Voyage -
Midi de la France,
1841
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