dimanche 1 mars 2009

Georges Blumberg PALESTINE - 1946 (Extraits)


A la fin de la guerre 39-45, Georges Blumberg (1904-1987) décide de quitter la France pour une installation non juive en Palestine. Il entretient une correspondance avec son ami d'enfance resté à Paris… Plus de 60 ans après, la même actualité nous tient.

Juillet 2008, son fils, Pierre Blumberg, a donné lecture de ces lettres dans le cadre du Festival Off d’Avignon. C'est lui qui nous confie & nous propose ses extraits.


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Extraits des lettres des 16 et 17 mai 1946

Journée du lundi 6 mai 1946 (lettre du 16 Mai)

Licoah,

Tu sais, dans l’ensemble, il y a ici un machin JUIF, JUDEISSIME, JUDEO-JUIF collé sur un pays oriental. Or moi, en gros comme en détail, je ne suis guère venu ici pour avoir la possibilité de vivre juivement en juif une vie juive. Rien n’est plus loin de mes désirs, de mes goûts et même de mes possibilités. Je me sens très patriote palestinien, J’adore la Palestine,
Mais je n’ai littéralement rencontré personne ici qui comprenne ce genre de mentalités.
Il serait donc nécessaire que je pusse avoir une situation sociale et économique indépendante de la juiverie locale. Mais comment, tel est le problème qui se pose ?
Quant à la doctrine, la DOCTRINE, notre DOCTRINE, il n’y a rien au monde de plus vrai, de plus juste, de plus exact, de plus nécessaire, de plus inéluctable, de plus millénaire, de plus beau, de plus grand, de plus désirable, de plus enthousiasmant, de plus divin et de plus tout.

Mais ce qui se passe ici n’a absolument aucun rapport avec ça. Ou plutôt n’a que des rapports fortuits, circonstanciels, contingents, géographiquement coïncidents, cérébralement construits et organiquement non enracinés.

Telle est du moins mon impression… première. Sous réserve de correctifs ultérieurs dictés par la reconnaissance du ventre.

Et avec tout cela, mon programme pour la Palestine comprend :

- Un code civil laïque pour tous sans distinction de race religion ou communauté, tout au moins un code civil minimum….
- La liberté d’immigration et tu verras qu’il n’y viendra pas un juif de plus,

- L’instruction publique obligatoire en arabe et en hébreu pour tous sans distinction.


Mais un état juif est impossible par manque de maturité des juifs,
De même, un état arabe serait un foutoir et une farce.
Le meilleur gouvernement serait peut-être une délégation du Vatican, fonctionnant en Latin et en Français…..

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Journée du Dimanche 19 mai (lettre du 17 Mai)

Licoah,

Je te le dis et il faut le faire savoir à ma mère qu’il ne faut pas encore songer à venir ici.
La lecture de mes lettres t’a suffisamment renseigné.
Je suis ici depuis bientôt trois mois et avec les moyens personnels que j’ai et, qui ne sont pas minces à l’échelle des valeurs du pays, et de hautes relations, je suis toujours à l’asile et je n’ai pas encore déballé mes deux uniques valises.
Je n’ai pas d’emploi stable.

Le sionisme est incontestablement une grande chose dans l’esprit et le cœur d’un certain nombre de gens, mais sur le terrain, dans les réalisations et les éventualités, c’est une pauvre foutaise désordonnée, impuissante et bluffeuse et jusqu’à preuve du contraire me paraît contenir le germe de la renaissance hébraïque comme l’Ile de Sainte Hélène contenait Napoléon.
Le yishuv, cette communauté juive de Palestine qui est en gros un quartier juif et qui se prend pour une nation parce qu’il ne sait même pas ce que c’est et à beaucoup d’égard ne veut ni ne peut le savoir, est pourri de cléricalisme inavoué, mercantile et obnubilé par l’argent.

Quant à moi, encore, je m’empresserai de proclamer le contraire quand le yishuv ou le sionisme m’auront fourni ce qu’il me faut.
Mais jusqu’à la preuve du contraire, je vais essayer de me caser dans ce pays en marge du sionisme et du yishuv.
J’aime la Palestine, c’est le pays le plus beau et le plus émouvant que j’aie jamais vu, et, en dehors des machins juifs, l’air en est non seulement respirable mais inspirateur et salubre….

Il se peut que cette tentative d’installation non juive en Palestine ne soit pas réalisable.
En pareil cas, je n’envisage pas de rester dans ce pays.
Je ne sais où j’irais mais je le quitterais,

Et quitterais naturellement en même temps, formellement, physiquement, moralement et autrement le judaïsme, ayant ainsi accompli un circuit nécessaire.

1 commentaire:

Anonyme a dit…

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