mardi 6 décembre 2011

Sully-André Peyre : MARSYAS n° 373 janvier-février 1961, pages 2635-2646

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S.A. Peyre
G. Pinna
Le blog Graphique
Autorisation de l'auteur




HOMMAGE À SULLY-ANDRÉ PEYRE
(1)

Il y a 50 ans, le 13 décembre 1961, mourait l’un des plus grands poètes provençaux : S.-A. Peyre venait de terminer le numéro de décembre de sa revue littéraire MARSYAS, qui comptait alors plus de quarante ans d’existence, 382 numéros et 2726 pages. Sa veuve, la poétesse Amy Sylvel, fit paraître en mai 1962 un dernier numéro de Marsyas (pages 2727-2742) qui n’était qu’une petite anthologie des divers écrits et des diverses facettes du génie littéraire de S.-A. Peyre.
MARSYAS 2, qui se réclame si directement de l’œuvre et de la pensée de S.-A. Peyre, lui rend un hommage tout particulier en redonnant l’ensemble des écrits provençaux du poète dans la dernière année de sa vie. Nous entendons par « écrits provençaux » à la fois l’ensemble de ses poèmes (avec leur traduction) et l’ensemble de ses critiques mistraliennes, telles qu’elles parurent dans les dix numéros de MARSYAS de l’année 1961. Nous les redonnerons dans l’ordre de leur parution, en commençant ici par le numéro 373 de janvier-février.
Yves Gourgaud.


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1. POEMES PROVENÇAUX


Dans les dernières années de sa vie, S.-A. Peyre avait republié et arrangé des poèmes de jeunesse ; il avait aussi repris des poèmes plus récents, comme celui-ci, daté de 1949 :

ENCANTAMEN


S’èro perdu dins la garrigo,

Au tèms di ferigoulo, avans lou tèms di figo ;


S'esmarravo dins li perfum,

Liuen di routo, di pous, di téulisso, di fum.


Quand pièi retroubè lou vilage,

Di causo emé di gènt recouneiguè plus l’age ;


E fuguè subran ourfanèu

Au mié d'un nouvèu siècle e d'uno vièio nèu.


Traduction : ENCHANTEMENT. Il s'était égaré dans la garrigue, au temps du thym en fleur, avant le temps des figues ;

il se perdait dans les parfums, loin des routes, des puits, des toits et des fumées.

Quand il retrouva le village, des choses et des gens il ne connut plus l'âge. Et soudain il fut orphelin dans un siècle nouveau, dans une vieille neige.



LOU RÈI ...

Lou rèi, qu'es à l'angòni,
S'ensouvèn dóu demòni
À miejour rescountra,
E d'aquelo sinfòni
Que n'en avié tira.

0 secrèto memòri,
Bèn mai secrèto glòri,
Dins quete flume as tra
La clau de soun istòri
E l’oumbro de si tra ?

Ni mistrau, ni favòni,
Ni lou soulèu, grand fèni,
Letiéu, t'agoutara,
Vièi flume malancòni,
Pèr queto mar astra ?

Eterne languitòri
De l'amour, de l’engèni...
Quau dounc la cercara,
Aquelo clau de fèrri,
Quau dounc la pescara ?

À la fin dis esglàri,
Quand la peno es un glàri,
Qu'es à peno retra,
Tant d'amour, tant de glòri,
Quau bèn li couneira ?
Au radié raubatòri,
D'uno mort sèns tafòri,
Lou rèi dispareira.
Pescadou, dins la bòri,
Es que reneissira ?

S'estounant, sèns memòri,
D'aquéu vièi tros de fèrri
Pèr la mar desoundra,
Qu'astrado e que tempèri
Dins soun tis auran tra.

Traduction : LE ROI ... Le roi, qui agonise, se souvient du démon à midi rencontré, et de ce grand poème qu'il a tiré de lui.

0 secrète mémoire et gloire plus secrète, dans quel fleuve jetée, la clé de son histoire et l'ombre de sa face ?


Nul vent fort, nulle brise, nul soleil, grand phénix, ne tarira Léthé, antique fleuve triste, voué à quelle mer ?


Nostalgie éternelle de l'amour, du génie, qui donc recherchera la clé, la clé de fer, et qui la pêchera ?


À la fin des effrois, quand la peine est un spectre et qui ressemble à peine, tant d'amour, tant de gloire, qui bien les connaîtra?
Après le dernier rapt, d'une mort sans tumulte le roi va disparaître. Pêcheur dans la cabane, renaîtra t il un jour ?

S'étonnant, sans mémoire, d'un vieux morceau de fer que la mer a gâté, que destin et saisons jettent dans son filet.






LES PAPIERS DE CHARLES RAFEL

Sous ce titre, S.-A. Peyre accumulait des pensées hétéroclites, énigmatiques ou paradoxales, le plus souvent en français mais parfois en provençal, comme ici :



ISTÒRI SACRADO (Histoire sainte)

1
Abraham reinardejo,
Isaa flaugnardejo,
E Jacob panardejo.
(Abraham le renard, Isaac le traînard, et Jacob le panard).

2
Saül lou brassejaire,
Dàvi barratejaire,
Salamoun l’assajaire.
(Saül le pourfendeur, David le marchandeur, Salomon le sondeur)

3
Saro dins lou sarai,
Agar souto l’engar.
(Sarah dans le sérail, Agar sous le hangar).

4
Ezequiéu a pèr lùssi
Li coumun de l’Apoucalùssi.
(Ezéchiel vous a pour luxe, lieux secrets de l'Apocalypse).

5
Isaïo redis
Lou proumié paradis.
(Isaie, tu redis le premier paradis).



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