mercredi 14 décembre 2011

Sully-André Peyre n° 374 de MARSYAS - Mars 1961 (pages 2647-2654)



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Présentation & choix
Ive Gourgaud
décembre 2011


L’ensemble des contributions de Sully-André Peyre au numéro 374 de MARSYAS, daté de Mars 1961 (pages 2647-2654) :


Poèmes provençaux



ES UN VIÈI POUÈMO...

Es un vièi pouèmo d’autouno,
Au despampage de la touno,
Davans Iou regard que s’estouno.

I’a plus rèn que li vise tors ;
Dins la mueio soubro un pau d'or,
MaIautié de l'aigo que dor.

Li camin se fan ivernouge,
Lou soulèu tremounto mai rouge,
Lis agnèu buton lis anouge.

La fre descoulouris lou cèu,
La lus es un cristau de gèu
Qu'emplis la manco dis aucèu.


Traduction : C'EST UN VIEUX POÈME...
C'est un vieux poème d'automne ; la tonnelle a perdu ses pampres, devant le regard étonné.
Il n'y a rien que les sarments tordus ; dans la mare il reste un peu d'or, la maladie de l'eau qui stagne.
Les chemins se font hivernaux, le soleil se couche plus rouge, et les agneaux d'hier poussent ceux de l'année.
Le froid décolore le ciel, et la lumière est un cristal de glace qu'emplit l'absence des oiseaux.



LI MOUSTRE ...

Li moustre que soun dins la mar
L'empachon jamai d’èstre bello ;
Li preguiero dins la capello
Esvarton pas li jour amar.

La mar es semo e reboumbello
Davans l'areno e lis estèu,
I’a’n escourpioun sus lou pestèu,
Sus lou balen uno paloumbo,

Lou mounde es un grand viravòut
Que s’estransino e que trampello ;
Dins un espai Diéu se rapello,
E la paloumbo pren soun vòu.

Lou jour reviho li parpello
Après li sounge de la niue ;
Agues jamai pòu de tis iue
Quand la lumiero te rampello.


Traduction : LES MONSTRES...
Les monstres qui sont dans la mer ne l'empêchent point d'être belle ; les prières dans la chapelle n'écartent point les jours amers.
La mer est calme ou se soulève devant la plage et les écueils; un scorpion est sur le pène, et sur l'auvent une palombe.
Le monde est un grand tourbillon qui s'exténue et qui halète ; pour un instant Dieu se rappelle, et la colombe prend son vol.
Le jour réveille les paupières après les songes de la nuit ; ne redoute jamais tes yeux lorsque la lumière t'appelle.



T’ENSOUVÈN...

T’ensouvèn de la glèiso en foro de la vilo,
Dins lis aubre e lou prat,
De la clastro d’óublit terriblamen tranquilo,
E dóu desir mau tra.

A l’entour dóu Ventour la routo viro encaro,
Emé lou souveni ;
Mai qu’es l'eternita, ‑ la mai secrèto caro, ‑
Morto sènso aveni ?

Traduction : SOUVIENS‑TOI ...
Souviens‑toi de l’église en dehors de la ville, dans les arbres et la prairie, et du cloître oublié, si terriblement calme, du désir mal jeté.
A l’entour du Ventoux la route tourne encore, avec la souvenance ; mais qu'est l’éternité, ‑ le plus secret visage - morte sans avenir ?


TRAS LOU RETOUR DIS ANNADO...

Tras lou retour dis annado, li terme
Dins l'estrechun creissènt dóu calendié,
Te fasien pòu, memamen que dins l’erme
De souco morto, e toun cor pressentié

Que de pegin, Cassandro de ta vido.
Que pousquèsson mi man, avans lou fiò,
Te faire ama quàuqui roso ravido...
I'a de jardin perdu, que soun en‑liò.

Traduction : À TRAVERS LE RETOUR DES ANNÉES...
A travers le retour des années, tant de bornes, [dans] le retrécissement croissant de nos calendriers, te faisaient peur, comme dans une friche des souches mortes ; ton coeur ne pressentait que peines, Cassandre de ta vie. Que ne peuvent mes mains, avant le feu, te faire aimer quelques roses ravies... Jardins perdus, qui ne sont nulle part.



N.B. J’ai rajouté, entre crochets, le mot DANS, qui figure dans l’original en provençal et permet de saisir le sens de la phrase. Y.G





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