samedi 4 février 2012

S-A Peyre : Poésies - MARSYAS n° 376 & 377 de Mai et Juin 1961



.




HOMMAGE À SULLY-ANDRÉ PEYRE



Textes mis en forme et notes : Ive Gourgaud - 2011

Peintures :
Katrin Keller - 2006


Nous avons regroupé ici les contributions provençales de S-A Peyre aux numéros 376 et 377 de Marsyas, datés de Mai et Juin 1961. Et nous commençons par un hommage poétique de Pèire MILLET, un des grands poètes de l’ Escolo de Marsyas :



À SULIANDRIÉU PEYRE

D'aquelo fisanço trouvado
Au mas di Souco e dis Amouro,
Que l'ai begudo coume l'aigo
Qu'aveno i ciprès peirenau,

Belèu que me n'en soubro encaro
Proun pèr li raro de l'estiéu
E vèire dins si lèio amaro
L'oumbro di pantai renadiéu.

L'óublide pas, aquelo douno,
Dins li camin que fan tira,
Mai sènso relàmbi moun double
Vers la niue aliuencho mi pas...

PÈIRE MILLET
[Marsyas, Mai 1961]

Traduction : A SULLYANDRÉ PEYRE

Cette confiance retrouvée au mas des Vignes et des Mûres, que j'ai bue comme l'eau qui sourd aux cyprès paternels, peutêtre qu'il m'en reste encore assez pour les limites de l'été, pour voir dans les amères avenues l'ombre des songes renaissants.
Je ne l'oublie pas, ce don, dans les difficiles chemins, mais sans répit mon double vers la nuit éloigne mes pas...

N.B. Mas di Souco e dis Amouro : S-A Peyre habitait le mas de Mûrevigne, à Aigues-Vives (Gard) I raro de l’estiéu : titre d’un recueil de P. Millet Sènso relàmbi : titre d’un recueil de G. Reboul, publié par S-A Peyre.


*+*+*+*+*

Voici maintenant cinq poèmes de S-A Peyre lui-même, les trois premiers publiés en mai et les deux derniers en juin 1961 :

1. SUS LOU TRANQUILE VIGNARÉS...

Sus lou tranquile vignarés
Que s’amaduro pèr l'autouno,
Lou jour lou mai long que se douno
Saup pas coume vendemiarés.

La mort, que jamai tuiarés,
Vous espèro e vous acantouno.
0 mounde, ounte tout nous estouno,
Que faras se'n cop i’a plus res ?

Se li camin an plus de piado,
Se li vigno soun vendemiado
Que pèr la grelo e pèr lou vènt,

Se plus res daio ni rastello
Lis erbo, e se plus de jouvènt
Regardon mounta lis estello ?


Traduction : SUR LES VIGNES

Sur les vignes tranquilles qui mûrissent pour l'automne, le jour le plus long qui se donne ne sait ce que vos vendanges seront. La mort, que vous ne tuerez point, vous attend et vous réduit. 0 monde, dont tout nous étonne, que ferastu lorsqu'il n'y aura plus personne ? Si les chemins n'ont plus de trace, si les vignes ne sont vendangées que par la grêle et par le vent, si nul ne fauche et ne ratelle les herbes, et si nulle jeunesse ne regarde monter les étoiles ?


*+*+*+*+*


2. LA PROUMIERO ...

La proumiero qu'es vengudo
A pausa sus toun lindau
Uno caio qu'a tengudo
Au trelus dins la tousello.

La segoundo qu'es vengudo
A pausa sus toun lindau
De roso à peno tengudo
D'uno lìo de tousello.

La tresenco qu'es vengudo
A pausa sus toun lindau
Uno pèiro qu'a tengudo
Sus’n restouble de tousello.


Traduction : LA PREMIERE... La première qui est venue a posé sur ton seuil une caille qu’elle a prise à l'aurore sur le froment. La seconde qui est venue a posé sur ton seuil des roses à peine prises d'un lien de froment. La troisième qui est venue a posé sur ton seuil une pierre qu'elle a prise sur un chaume de froment.

*+*+*+*+*

3. LI MANOBRO ...


Li manobro fasien Guihaume
Emé li pèiro pèr l’oustau ;
Mai que lou mèstrod'obro chaume,

La bastisso pren gaire d'aut.


Deja plòu sus li foundamento,

E i’aura jamai de téulat ;

Sus l’espèro e sus la memento

Lou cèu desert s'es estela.


Traduction : LES MANOEUVRES... Les manoeuvres se passent les pierres pour la maison qu'on doit bâtir ; mais si le maîtred’oeuvre chôme, les murs ne s'élèveront pas. Il pleut dans les fondations, il n'y aura point de toiture ; et sur l'espoir et la mémoire le ciel désert s'est étoilé.


*+*+*+*+*


4. AVAU DINS LA COUMBO ...

Avau dins la coumbo

L'amour s'es perdu.

L'estello que toumbo,
Saupre s'es pèr tu ?

Alin sus la colo
Mounto lou soulèu,
L'aucèu que s'envolo

Te cerco belèu.


Au mitan dis aubre

Vous sias rescountra.
De ferre o de maubre,
Lou destin es tra.



Traduction : AU FOND DE LA COMBE
Au fond de la combe l'amour s’est perdu. L'étoile qui tombe estelle pour toi ?
Là haut sur la colline monte le soleil. L'oiseau qui s'envole te cherche peutêtre.
Au milieu des arbres vous vous êtes rencontrés. De fer ou de marbre, le sort est jeté.

N.B. La revue littéraire provençale L’Astrado avait édité une belle carte postale avec le texte de ce poème.

*+*+*+*+*


5. L'ENFANT PANTAIO ...

L'enfant pantaio sèns memòri
'Mé belèu quauco proufecìo ;
Pièi à la fin de soun istòri
Tout se coungreio sout li ciho,

E l’ome vèi dins soun vieiounge
La longo enfanço imaginado,
E de la bro vasto di sounge
La séuvo eterno es ensignado.


Traduction : L'ENFANT RÊVE ...
L'enfant rêve encor sans mémoire, mais non sans quelque prophétie puis à la fin de son histoire tout se suscite dans ses yeux, et l'homme voit, dans sa vieillesse, la longue enfance imaginée ; la lisière vaste des songes lui enseigne la forêt éternelle.



N.B. Le thème de l’enfance est une des clés majeures pour la compréhension de la personnalité poétique de S-A Peyre


.

Aucun commentaire: