jeudi 24 février 2011

La parole à : Norbert Paganelli - poète corse !

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Marsyas 2 donne la parole à un poète corse : Norbert Paganelli !


Pourquoi écris-tu de la poésie en langue corse ?


- L’important est que j’écrive de la poésie…Il se trouve que j’ai baigné très jeune dans un environnement où l’on parlait presque toujours corse et obligatoirement, cela laisse des traces. Par ailleurs j’aime à défendre ce qui est minoré, bafoué, ignoré. Tant qu’on me dira que ce n’est qu’une langue de pauvres bergers et qu’elle n’a pas de titre de noblesse, je tenterai de l’illustrer de mon mieux. le jour où on lui attribuera ses galons et sa casquette de maréchale, je pense que ce jour là, elle ne présentera plus d’intérêt pour moi.


Il y a dans ton propos quelque chose de subversif, d’insoumis…?

- Je crois fondamentalement que le poète est un insoumis et que, ne pouvant s’accommoder du monde tel qu’il est, il prêche obligatoirement la subversion mais non pour aboutir à un ordre pur et parfait qui ne serait jamais contestable, simplement parce que dans la subversion, les hommes donnent le meilleur d’eux-mêmes.


C’est assez curieux mais ce que j’ai pu lire de toi ne renvoyait pas cette image de subversion…

- Ce thème n’est pas obligatoirement toujours présent mais il transparaît plus ou moins….Il ne fait pas que transparaître lorsque j’écris (Chants aux Crêtes) :



Écrits lois
Croyance en la toute puissance des Grands
Revenons faire quelque chose
Avec une autre lumière

Il faut créer pour l’homme
Un chant de haute renommée
Un chant jamais entendu
Mais connu de tous
Un chant qui par lui-même chante
Sans besoin de grelots
Et autre fanfreluches

Nous verrons
Je vous l’assure
Flamber les châteaux
Et toutes les casquettes galonnées
Voici que coule ce matin
La fontaine indomptée

Il me semble que je suis clair…

Mais de quand date ce texte exactement ? C’est curieux on dirait qu’il évoque les récents événements qui agitent le Maghreb…

- L’ouvrage qui contient ce texte est sorti en mars 2008 et le texte a été écrit un an avant…Mais tu as parfaitement raison, on dirait qu’il évoque l’agitation qui a actuellement lieu de l’autre côté de la Méditerranée. Nous abordons là un autre aspect de la démarche poétique : cette sorte de voyance. Rimbaud et bien d’autres l’on dit et je confirme, le poète quand il respire l’air du temps, se projette dans un futur insondable dont il devine les contours sans les cerner vraiment. Oui j’ai eu le sentiment, au moment où j’écrivais ces vers que quelque chose d’important allait se passer, que le peuple, quelque part allait retrouver sa dignité en abattant des dirigeants corrompus.


Je veux bien mais pour l’instant le processus révolutionnaire qui secoue le Maghreb ne bouleverse pas fondamentalement la donne…Et puis est-ce ce n’était pas prévisible ?

- Qui l’avait prévu ? En tout cas ni le gouvernement français, ni même l’opposition et, bien entendu pas les gouvernements locaux…
Mais lorsque tu dis que ces mouvements ne modifient pas la donne….en es-tu si sûr ? Après la Tunisie et l’Egypte quels seront les autres pays limitrophes à être touchés ? Et…elle te semble si loin l’autre rive de la méditerranée ?
J’ai le sentiment que de nombreux bastions vont tomber, là, ici, partout car ces bastions que nous pensons invincibles sont en fait très friables (je cite le même texte) :


Le rocher n’est que poudre
Incertaine
Assez voisine du fer
Et de l’os décharné

Incendiaire oui
Mais divisible aussi
L’eau le vent
La caresse de l’homme
En arrivent à l’éroder


Si la caresse de l’homme peut éroder le rocher….que peut faire la colère humaine lorsqu’elle est multipliée ?


Ta poésie est donc beaucoup plus engagée qu’il n’y parait ?

- Elle n’est pas engagée pour un parti mais elle est engagée dans le sens où j’ai le sentiment qu’elle vient du peuple que l’on ne cesse de trahir et qu’elle n’a qu’une seule ambition : y retourner.


Tu veux dire du peuple corse ?

- Le peuple corse n’est que la partie visible de la grande humanité, le peuple des hommes. J’aime à croire qu’il est grand, libre et généreux car, sinon, en qui croire ?



Peuple
J’entends d’ici ta plainte
Ainsi que tes paroles
Toi qui frappes du pied comme un enfant
Toi qui te prends pour ta propre légende
Allons à compter de ce jour
Porter quelque chose de nouveau

Attendre était mon chant
Je n’ai rien fait pour l’abolir
Aujourd’hui une musique inconnue
Peut bien suffire
À faire s’enfuir les Rois




Marsyas 2
Fev. 2011



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2 commentaires:

Anonyme a dit…

merci de nous offrir ce voyage , ce poète a rappelé en quelques mots le rôle de la poésie : dire avant même que la raison sache

Anonyme a dit…

Affirmatif ! On oublie trop souvent le rôle de visionnaires que peuvent avoir les poètes ! Bien au delà des idéologies et des programmes politiques ! Bravo pour ces beaux textes