DISCOURS E DICHO
Les discours des grands hommes, tout comme les sermons, contiennent l'âme d'un peuple et de sa civilisation. Le Félibrige tout entier se retrouve dans les discours de ses Capouliers et de Frédéric Mistral en particulier.
Chaque année l'Armana Prouvençau donnait ses discours les plus importants mais il fallut attendre 1906 pour en avoir une première édition en recueil. L'idée vint de Pierre Devoluy qui écrivait à Maillane (1):
Quant n'i'a de Prouvençau, e dirai meme de felibre, que lis an pas legi o pas sachu legi e trefoulirien d'alegrìo! Sarié noste libre de cabet. Aqui i'a tout l'Evangèli. Lou sabès bèn, tóuti li fes que nàutri, pàuris escoulan, cresèn avé agu uno idèio, se passo pas lou jour que nous aperceguen que vèn de vous, e que, siegue en Albi, siegue en Bartalasso, i quatre cantoun di Terro d'O, es vous qu'avès semena tout lou bon gran.
Pierre Dévoluy voulait une édition populaire, certain que c'était là, le meilleur moyen de répandre les idées mistraliennes.
L'autorisation arriva de Maillane et c'est le Flourège d'Avignon qui fut chargé de cette édition. Aux principaux discours, furent joints quelques articles de l'Aiòli, expliquant ainsi le titre de l'ouvrage: Discours e dicho, qui comptait 132 pages sans traduction.
Rapidement épuisée, cette édition en appela une seconde en 1941. Le Maréchal Pétain venait de déclarer que la renaissance de la France devrait s'accomplir selon les principes essentiels de la doctrine mistralienne qu'il remettait ainsi en honneur. Il fallait donc rééditer ces discours où cette doctrine est exposée avec autant de précision que de maîtrise, comme le dit Marius Jouveau dans sa préface. (2)
Le Félibrige et son Capoulier s'en chargèrent donc, supprimant les articles de l'Aiòli mais ajoutant la traduction française indispensable pour que ces discours soient lus et compris dans tous les milieux, aussi bien en Provence que partout ailleurs. Le souhait du Capoulier Marius Jouveau était que tous les Français veuillent et sachent trouver dans ces discours, de puissantes raisons d'espérer et les hautes vertus nécessaires au redressement de notre Patrie!
Au total ce sont dix-neuf discours qui ont été présentés au public. (3) Bien entendu, si la suprétion des articles de l'Aiòli rend le recueil plus homogène, elle crée aussi un manque. Ces articles auraient mérité une édition séparée comme le prévoyait d'ailleurs Marius Jouveau dans sa préface. Il reconnaissait en même temps la nécessité de publier aussi les lettres que Mistral rendit publiques lui-même, parce que le fond intime de sa doctrine y était plus particulièrement exprimé. (4)
***
Parmi les dix-neuf discours nous pourrions distinguer les discours de Sainte-Estelle proprement dit, discours officiels d'un président de mouvement un jour de congrès, au nombre de dix, et les autres discours, au nombre de neuf. Parmi ces derniers certains, par leur contenu, pourraient être rattachés à la première catégorie, (par exemple ceux de Saint-Rémy, adressés aux Catalans ou de Marseille prononcé au Cercle Artistique en 1882). Quant aux autres, nous les appellerions volontiers discours de circonstance (mort de Roumanille, éloge d'Aubanel, Jeux Floraux etc.). Les discours recueillis et publiés couvrent donc plus d'un tiers de siècle, de 1868, avec le fameux discours aux Catalans: ço que voulèn, à 1904 avec le Discours i chatouno.
Pierre Dévoluy avait vu immédiatement la valeur universelle de ces discours et beaucoup plus tard Pierre Rouquette à son tour, souligna que l'on y trouve: les grands thèmes de la Race, de la Patrie, de la Nation. Ils constituent le développement de ce que l'on a appelé la doctrine du Maître. Chacun apporte non seulement une affirmation de ces notions majeures, mais une explication de leur nature et de leur valeur. (5)
Si nous lisons tous ces discours à la suite, il nous apparaît clairement que Mistral a l'art de mêler lyrisme et doctrine, rêve et action. En fin psychologue, il met toujours son optimisme en avant, afin de donner courage à son peuple. Il sait dans un même discours, demander la liberté du Midi et la reconnaissance du Félibrige en même temps qu'il fait l'éloge de Paris et réclame la décentralisation. Monsieur Lassagne est présent dans les discours mais leur fond reste bien de Calendal.
Si l'on veut connaître la petite histoire du Félibrige, les manifestations du sa de gàrri, alors mieux vaut chercher ailleurs. Dans ses discours, Mistral sait être tout à la fois le poète et le général, le père de la Patrie et le gendarme du canton, l'homme politique et le philosophe. Il connaissait la valeur des choses et savait éliminer des manifestations publiques ce qui pouvait donner une mauvaise image du Félibrige. Il s'intéressait de préférence à ce qui était important pour l'avenir, en particulier les accusations venant de l'extérieur.
Parmi les thèmes principaux, nous relèverons l'histoire, les grandes idées et la politique, les problèmes de la langue, de la littérature, les échos de l'actualité, les symboles et l'action.
***
Pour Mistral, l'histoire locale est importante. Elle peut encourager les bonnes volontés. Il y a aussi les moments graves de l'histoire, ceux qui font qu'un peuple se sent uni par le malheur. Mistral ne manqua pas, à Albi, d'évoquer la Croisade contre les Albigeois, et de lever la Coupe à l'ounour e memòri d'aquéli coumbatènt qu'an escri l'epoupèio dóu Miejour emé soun sang, e qu'an peri, superbe, en cridant: Vivo Toulouso!
Un autre événement important pour le Midi, a été le rattachement des régions d'Oc à la France, en particulier celui de la Provence. Pour son quatrième centenaire, la Sainte-Estelle monta à Paris, plus précisément à Sceaux, où Mistral souligna bien que pour la première fois un peuple poudènt resta libre vèn s'uni pèr amour au pople que ié plais.
Dans ses discours on chercherait en vain le regret du bon vieux temps. Mistral ne regrette pas le passé, il regrette simplement le temps où la langue était florissante car cette langue était le symbole de toutes les libertés qui faisaient notre fierté. En fait, c'est surtout les conséquences, les leçons de l'histoire, que Mistral évoque afin d'aider les habitants des Pays d'Oc, à reconquérir leur personnalité.
Tout le monde a présent à l'esprit, le merveilleux discours d'Albi contre le centralisme qui, pour lui, était le despotisme, contre l'abus de l'unité, contre aquelo puissanço terriblo, demasiado, la centralisacioun.
Ce respect qu'il demandait pour notre langue et pour notre culture, n'avait rien à voir avec le séparatisme dont on l'accusait. Il s'en explica à Albi:
Li soucieta umano soun soumesso à dous balans countràri, que soun lis elemen de soun prougrès e de sa vido: soun, aquéli balans, lou besoun d'unita e lou besoun d'independènci. E dóu legislatour la suprèmo sagesso estarié, m'es avis, à trouba l'equilibre que dèu contro-pesa e manteni d'acord l'independènci e l'unita, à coumpli, en un mot, la lèi de Noste Segne: "Sicut in cœlo et in terra".
Pour Mistral l'unité était faite et à jamais. La France n'avait rien à craindre. La campagne que menait le Félibrige était défensive, non offensive. La solution souhaitée, celle du fédéralisme, liait la coumbinesoun d'uno lèi unitàri emé l'independènci qu'es necessàri à l'ome et devait amener la dignita, la liberta, la vido e la varieta dins l'armounìo. Le mot de fédéralisme n'apparaît pas dans les discours mais l'idée y est, claire et juste. Par contre, s'il ne le nomma pas, Mistral n'hésita pas à étendre ce fédéralisme à l'extérieur des frontières françaises, et à parler de l'Union Latine, particulièrement en 1878, lors des Jeux Floraux de la Latinité à Montpellier, où apparaìt le fameux Empèri dóu Soulèu.
Il est à noter, en ce moment où le Félibrige s'apprête à passer le cap de 1993 et de la nouvelle Europe, que déjà, en 1887, Mistral voyait beaucoup plus loin que les pays latins puisqu'à Cannes, il évoqua les étrangers venus de tous les horizons et urous avans-courrèire di federacioun futuro!
Tout cela n'avait de sens qu'en fonction de l'avenir de la langue, thème majeur de tous les discours. Il fallait d'abord rappeler au peuple la gloire passée de cette langue mais il fallait surtout lui dire ce qu'est exactement une langue afin qu'il ait le goût de préserver ou de reconquérir la sienne. Ici nous ne pouvons pas ne pas rappeler le passage célèbre du discours d'Avignon de 1877:
Uno lengo, lou sabès, n'es pas l'obro fatisso d'un ome o de plusiour, nimai d'uno acadèmi, ni d'un regime quint que siegue. Uno lengo, me sèmblo, es quaucarèn d'aguste e de meravihous, car es lou recatadou d'aquelo lumiero auto qu'an apela lou Verbe.
Avès ausi parla d'aquéli jas de mino ounte s'atrobo escricho, pèr la longo dóu tèms, l'istòri espetaclouso de la creacioun dóu mounde, ounte se vèi d'erbasso, d'aubre carbounela, de pèiro clauvissouso, d'animalas afrous, que soun li testimòni di revoulucioun dóu globe.
Eh! bèn, Messiés e Damo, uno lengo retrais à-n-un jas minerau: car au founs d'uno lengo, se ié soun depausa tóuti lis escaufèstre, tóuti li sentimen, tóuti li pensamen de dès, de vint, de trento, de cènt generacioun.
Uno lengo es un clapas, es uno antico foundamento ounte chasque passant a tra sa pèço d'or o d'argènt o de couire; es un mounumen inmènse ounte chasco famiho a carreja sa pèiro, ounte chasco ciéuta a basti soun pieloun, ounte uno raço entiero a travaia de cors e d'amo pendènt de cènt e de milo an.
Uno lengo, en un mot, es la revelacioun de la vido vidanto, la manifestacioun de la pensado umano, l'estrumen subre-sant di civilisacioun e lou testamen parlant di soucieta morto o vivo.
Mistral voyait les langues menacées se réveiller un peu partout à l'étranger, c'était pour lui l'insurrection des dialectes, des pàuri dialèite poupulàri, trepeja coume l'erbo, secuta, escracha pèr li lengo óuficialo, despièi que mounde es mounde. Notre langue ne pouvait pas mourir non plus, elle qui sait nous rendre heureux, nous attacher à la Patrie, qui sait faire la noblesse de notre peuple et qui est surtout un estrumen de liberta.
Le rôle d'une langue est immense; instrument de liberté, la langue peut, par exemple, aider le peuple à rester dans son pays, à éviter la dépopulation des campagnes.
En 1877, dans son discours de Sainte-Estelle, Mistral annonça fièrement que les statuts du Félibrige avaient été acceptés en préfecture, c'est, dit-il, la proumiero fes qu'un ate óuficiau dóu gouvernamen francés relèvo nosto lengo de sa descounsideracioun en ié recouneissènt lou dre de s'apara! Il fallait profiter de ce droit et Mistral ne cessa de demander qu'à chaque occasion afourti(guen) lou Felibrige en praticant noste parla. A la vilo, au vilage, à l'oustau, pèr carriero, au cafè, dins li ciéucle, sus li camin de ferre o dins li magasin, aguen pas crento d'emplega lou paraulis de nòsti libre.
Ce n'est rien d'autre que ce qu'il demandera onze ans plus tard dans la fameuse Espouscado des Isclo d'Or.
Il fallait aussi enseigner cette langue à ceux qui ne la connaissaient plus. Il fallait un enseignement sérieux et officiel, avec l'aide technique et morale du gouvernement. Le peuple serait d'autant plus encouragé à réapprendre sa langue qu'il verrait Paris s'y intéresser aussi. La langue ne pouvait pas être séparée de tout ce qui fait notre culture et notre civilisation. En effet pour que le peuple eut envie de parler provençal il eut fallu qu'il se sentit provençal, et pour cela un seul moyen: aider à la survie de notre èime de raço.
En effet quand lou pople coumprendra lou sèn patriouti e la grandour dóu Felibrige, alor demandara que i'ensignon sa lengo, e li gouvernamen i'ensignaran sa lengo.
Ce fut un des buts principaux de Mistral et du Félibrige: forcer les portes de l'enseignement. En 1884, ce fut même une véritable supplication!
O Franço, maire Franço, laisso-ié dounc, à la Prouvènço, à toun poulit Miejour, la lengo melicouso ounte te dis: Ma Maire!
E pièi, à nosto lengo qu'an parla nòsti rèire, que parlon eilavau ti païsan e ti marin, e ti sóudard e ti felibre, à nosto lengo de famiho, fai-ié, dins tis escolo, uno pichoto plaço au coustat dóu francés.
En 1888 Mistral eût enfin le plaisir de pouvoir citer le livre de Michel Bréal, reconnaissant que loin de nuire à l'étude du français, le patois est le plus utile auxiliaire...
Une amélioration se faisait donc sentir de façon générale; le Félibrige s'étendait aux autres régions des Pays d'Oc, des revues paraissaient qui nous étaient favorables. Tout cela faisait la joie de Mistral qui la partageait avec ses félibres dans ses discours, même si tout n'était pas gagné, il le savait.
A cette langue orale de la vido-vidanto s'ajoutait la langue écrite, la littérature, qui est à l'origine de toutes les renaissances d'Oc. Elle était indispensable à la vie même de la langue et Mistral se réjouïssait que la resplendènto pouësìo fruch(èsse) gaiardamen.
Les troubadours et tous les écrivains de langue d'Oc ont eu droit à l'attention de Mistral dans ses discours. C'était là, reconnaître les vertus de la poésie, et reconnaître qu'elle était indispensable; mais Mistral n'oubliait pas qu'il était tout aussi nécessaire que d'y ajouter d'autres formes d'action.
C'est en ce sens qu'en 1882, il pouvait affirmer: Lou Felibrige enmantella dins la lengo dóu pople coume dins uno fourtaresso, es la souleto resistènci que i'ague seriouso contro lou despoutisme e l'atiramen di centre.
Il fallait résister, résister contre Paris mais aussi contre tous les centres possibles. Et Mistral posait là, le problème de la langue et des dialectes. La langue provençale ne pouvait être qu'un symbole. C'est bien de la langue d'Oc en général que voulait parler Mistral. Son Tresor dóu Felibrige est d'ailleurs la preuve qu'il ne voulut jamais imposer son dialecte rhodanien à tous et l'enseignement réclamé dans ses discours, était celui de la langue d'Oc, de la littérature d'Oc e de la culture d'Oc en général. Les problèmes de graphie et d'unification sont inexistants dans les discours.
On sait que le Félibrige est souvent accusé de laisser les symboles, les artifices et les décorations prendre le pas sur l'action véritable. Ces symboles, Mistral lui-même savait qu'ils étaient indispensables aux hommes pour se reconnaître, pour se situer, dans un monde déjà en trin de se déshumaniser.
Dès 1877, on trouve lou gounfaloun de la Coumtesso, ounte, vuei, resplendis l'Estello di sèt rai. A Santo-Estello, il faut aussi joindre la Coupo dont mention est faite pour la première fois en 1880, à la suite du voyage à Barcelone. (6) Mais dans les discours de Mistral, jamais l'action ne perd la première place. Qu'il chante les poètes, qu'il accable Paris et la situation qu'il nous impose ou invoque une Union Latine, c'est toujours à une action qu'il invite les félibres.
Pour les amener à cette action, pas de meilleur moyen que de définir le Félibrige au delà de ses symboles apparents. De galoi bataioun de voulountàri en 1876, il deviendra, en 1882, le représentant de l'antico independènci d'aquéli raço fièro. Contribuer à la pacification e à l'harmonie sociale, voilà, pour Mistral, l'ambition du Félibrige.
C'est dans l'éloge d'Aubanel prononcée devant l'Académie de Marseille en 1887, qu'il définit ainsi le Félibrige: coume dirian un Evangèli prouvençau, countenènt dins si pajo la revelacioun dóu bèu, dóu naturau, dóu patriau, emé la recounquisto de tout ço qu'èro nostre.
Mistral a toujours cru à ce rôle social du Félibrige. On le retrouve dans le discours de Gap sur la dépopulation des campagnes en 1885, aussi bien que dans celui d'Albi où il note que c'est le peuple qui est demandeur; c'est à dire que le Félibrige ne serait que le représentant, le fer de lance, du peuple. Cet argument était même le thème principal du discours de 1881 que Mistral élimina du recueil. Ce discours, plus que curieux, donnait le Félibrige pour une victoire de la démocratie: Lou Felibrige vai pas à l'encontre dóu siècle, es pulèu pourta pèr lou flume poupulàri, pèr lou courrènt dis evenimen que vènon. C'est là l'insurreicioun di dialèite qu'il constate partout, en France et à l'étranger.
Le Félibrige porté par le peuple n'est sûrement qu'une illusion, une idéalisation ou la concrétisation souhaitée d'un rêve. Ce discours avait été publié à Barcelone en son temps, ce qui n'avait pas peu contribué à convaincre Mistral de la véracité de cette idée. Trompé peut-être par de faux-semblants, il se rendit à l'évidence et c'est là sans doute, la raison de l'absence de ce discours dans le recueil. D'ailleurs, déjà en 1875, Mistral avait du reconnaître que nosto lengo d'O, se gagno de respèt dins lou mounde di letro, vai en perdènt, ai-las! dins lis usage de la foulo.
Certains de ces discours, comme celui de Roquefavour sur l'illusion, sont plus connus, et plus facilement cités. Le discours d'Albi a même été qualifié de bible politique du Félibrige par René Jouveau qui y voit la plus belle expression et la plus belle légitimation des aspirations politiques du Félibrige.
Ainsi, liant illusion et déception, joie, courage et amertume, ces discours sont à la fois hymne à la liberté, hymne à la tolérance, au courage, à l'amour de la patrie, au Progrès, ce progrès qui ne peut s'épanouir que dans l'Union et la fédération, but premier du Félibrige.
S'aquelo grando idèio, la federacioun latino, un jour se verifico, sara lou Felibrige que n'en sara lou nous, ce Félibrige sourti di flan dóu pople d'uno façoun inesperado et qui porte en lui l'aveni de la raço.
Parmi tous ces discours il en est un qui tient une place à part et qui serait un peu le discours suprême, il s'agit du discours aux Catalans, de 1868, qui brandit son titre comme une épée: ço que voulèn.
Ce que nous voulons, oui, Mistral en fait le décompte, et du respect de notre histoire au port du ruban par les chato d'Arles on peut dire que rien de ce que nous voulons n'est hors de propos. L'équilibre et la raison président à ce discours qui devrait être le catéchisme de tous les jeunes Provençaux. Complétant le discours d'Albi, le concrétisant, il met l'Idée mistralienne à la portée de tous. Ço que voulèn, c'était aussi ce que voulait le Félibrige: uno obro fièro, pas soulamen obro d'artisto e de pouèto, mai obro de patrioto, obro de digneta pèr nosto raço e noste païs.
***
En fait, on le voit, il serait facile de faire un parallèle entre les discours de Mistral et ses poèmes comme: Espouscado, Odo à la Raço Latino, I Troubaire Catalan, La Coupo, Li Bon Prouvençau, Lou Tambour d'Arcolo, La Coumtesso et bien d'autres. Qui, dans l'histoire, a su comme Mistral, lier poésie et action, lyrisme, doctrine et efficacité? Discours d'un meneur d'hommes, d'un organisateur et d'un poète, ses discours sont à la fois des morceaux d'anthologies et les évangiles félibréens. Chacun peut y trouver sa raison d'être félibre, et la voie à suivre pour atteindre la branco dis aucèu.
Il n'en est que plus regrettable qu'une édition critique n'ait jamais vu le jour. Elle aurait un succès assuré tant en France qu'à l'étranger. Il nous est impossible d'oublier que nous avons entendu certains de ces discours cités à l'Hôtel de Ville de Liège par un Echevin de la Culture et à Oviedo, par un ancien Président du Parlement de Barcelone. Lorsque nos conseillers à la culture, en France, seront assez cultivés pour citer Mistral, (on leur accorderait même de le citer en français...), lorsque nos ministres, députés et autres personnalités sauront, comme les étrangers, regarder vers Maillane, alors peut-être que l'Europe se fera réellement, avec une France qui n'aurait plus à rougir du traitement qu'elle impose à sa province. Une Europe où chaque peuple aurait sa place et qui, selon le souhait d'Emile Ripert, élèverait une statue à Mistral devant le Parlement de Strasbourg.
Lire et faire lire les discours de Mistral aujourd'hui, c'est poser la première pierre de cette statue.
Pierrette BERENGIER
NOTES
1- Le 20 août 1950; Cf. Correspondance Mistral/Devoluy par C. Rostaing, 1984 (2vol.)
2- Li discours de Frederi Mitral. Préface de Marius Jouveau. Ed. Lou Felibrige, 1941.
3- Nous ne tiendrons pas compte des articles supprimés dans la deuxième édition.
4- C'est ce que nous avons voulu faire avec René Jouveau, en rassemblant les Ecrits Politiques de Frédéric Mistral, aux Ed. Prouvènço d'Aro, 1989.
5- in La France Latine, n094, 30 trim. 1983.
6- Il s'agit en fait de la Coupe offerte par les Provençaux aux Catalans et non de la nôtre.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire