LES VERBES OCCITANS ET CEVENOLS
En 1995 paraissait un vocabulaire thématique français-occitan sous le titre : « les Mots occitans ».
Dans cet ouvrage militant puisqu’occitaniste, l’auteur nous déclare :
« Nous avons rassemblé un certain nombre /de mots/ autour de quelques thèmes simples /…/ pour que le lecteur en savoure le parfum et la sonorité, prenne envie de les utiliser sans tarder. »
On en déduira qu’il s’agit de mots occitans que tous les lecteurs, quelle que soit leur origine géographique, peuvent employer « sans tarder », c’est-à-dire sans prendre la peine de vérifier qu’ils sont bien connus et compris chez eux. Vieille idéologie occitane : si on vous affirme que ces mots sont « occitans », vous devez les accepter sans réfléchir puisque l’élite occitane qui vous les propose connaît la langue bien mieux que vous.
Bien sûr, si on n’est pas occitaniste, on se méfiera d’instinct de ce genre d’affirmation, et on cherchera à vérifier si la réalité correspond à l’idéologie : c’est ce que nous avons fait pour un domaine dans lequel nous avons publié un ouvrage assez complet, celui des verbes.
Nous avons donc pris un échantillon de 100 verbes « occitans » tirés de tous les chapitres de cet ouvrage, et nous les avons confrontés avec l’usage ancestral des Cévenols. A la fin, on a pu classer ces verbes selon 3 catégories distinctes :
1. Les verbes dont la forme et la signification correspondent à l’usage des cévenols : vue la prétention affirmée de l’auteur à faire employer tous ces verbes par tous les « occitans », cette première catégorie devrait être proche des 100%, mais on verra qu’il n’en est rien.
2. Les verbes qui en cévenol ont la même forme mais qui n’ont pas le même sens : c’est ce qu’on appelle des « faux amis », mots d’autant plus pernicieux qu’ils semblent familiers.
3. Les verbes dont la forme est inconnue des Cévenols : ils n’ont aucune chance d’être reconnus et donc d’être compris, pas plus à l’écrit qu’à l’oral, car ce sont, littéralement parlant, des mots étrangers à la langue cévenole.
On aura compris que les catégories 2. et 3. comportent des verbes qu’en aucun cas on ne pourra admettre comme « cévenols » : qu’on les affuble du nom baroque d’ « occitans » ne va certes pas les rendre plus familiers, bien au contraire !
Voyons maintenant les résultats concrets de la confrontation entre les « mots occitans » de l’ouvrage (qui y sont accompagnés de leur traduction française) et les mots cévenols attestés par l’usage :
Les faux amis (catégorie 2)
J’en ai compté 13 : SOSCAR nous est vendu pour « rêver péniblement » (p.59) alors qu’en cévenol il signifie « sommeiller, s’assoupir » ; PODAR « ébrancher » (p.66) signifie en cévenol « tailler la vigne » ou « tailler un arbre » ; ESPESIR « éplucher légume ou fruit », p.63 n’a en cévenol que le sens abstrait d’ « éplucher » c’est-à-dire observer avec minutie, et non le sens concret de l’occitan ; ESCAPITAR (« étêter un arbre » (p.66) signifie en cévenol « décapiter » en parlant des personnes, non des arbres !; AVIAR « mettre (une voiture) en marche » (p.75) signifie en cévenol « mettre sur la route, mettre en route » ; SE COLCAR « se coucher, en parlant d’une personne » signifie en cévenol « se coucher, en parlant du soleil » ; « S’ESPADELAR « se briser la rotule » (p.69) signifie en cévenol « tomber à plat ventre » ; SE MARRIR « se fourvoyer » (p.86) signifie en cévenol « se gâter » ; SARPAR « lever l’ancre » (p.90) signifie en cévenol « couper (de façon irrégulière )» ; CUJAR « supposer » (p.96) signifie en cévenol « faillir, manquer » ; S’ACOLAR « perdre son sang par hémorragie » (p.68) signifie en cévenol «se jeter au cou ; se joindre, s’associer » ; ENCLOTAR « emboutir » (p.98) signifie en cévenol « ensevelir, enfoncer, approfondir » ; CODASCAR « faire le cri de la poule qui veut pondre » (p.80) signifie en cévenol, et sous la forme Coudasqueja, «faire le cri de la poule qui vient de pondre », ce qui marque un écart et de forme et de signification temporelle (avant ou après la ponte)
Les verbes étrangers (catégorie 3)
Voici la liste de ces verbes « occitans » qui n’existent pas en cévenol, et n’ont donc aucune chance d’être compris chez nous :
PERBOCAR ; REBASSAR ; BECILHAR ; SAUNEJAR ; DESPERTAR ; MERENDAR ; REBOSCAR ; DENTAREJAR ; DESNASCAR ; BIARNEJAR ; LUCIAR ; NUJAR ; FLOCONEJAR ; TRAPISSAR ; RANVIAR ; GANGALHAR ; MUISHAR ; ASSABENTAR ; APASTAR ; COARNAR ; DESALIAR ; EMBOFIR ; ENSEBELIR ; S’ESTRAVIAR ; ESMARRAR ; ACARPAR ; ESCARBALHAR ; ENFLORIR ; CAMELAR ; LAMAR ; SUBMERGIR ; MIFAR ; MANAR ; ENGRASAR ; ENJAҪAR ; ASEIMAR ; ESTOMIAR ; BELAR ; ENCLOTIR et ESTAMPIR soit un total de 40 verbes
Les verbes occitano-cévenols (catégorie 1)
Ils sont au nombre de 47, mais il faut souligner que nous n’avons pas hésité à faire rentrer dans cette catégorie des verbes qui ne sont pas strictement équivalents. Par exemple nous avons considéré que SALPICAR était assimilable à notre SAUPICA, car nous croyons qu’un Cévenol entendant ou lisant cette forme en SAL- fera la corrélation avec la forme cévenole en SAU- Même remarque pour ALBIEIRAR qui ramène à AUBIEIRA, à MOLZER qui renvoie à notre MOUSE…
Au total c’est donc MOINS D’UN VERBE SUR DEUX qui pourra être adopté franchement par un Cévenol, ce qui signifie que plus de la moitié de ces verbes soit ne seront pas compris, soit seront mal compris ! Pour reprendre une tirade célèbre : « C’est un peu court, jeune homme ! ». On voit concrètement à quel point l’occitanisme est une tentative de détournement de la langue authentique au profit d’une novlangue à moitié incompréhensible. C’est comme si on vous vendait comme « vin de terroir » un mélange de piquette et d’eau.
Encore faut-il ajouter que l’auteur de cette infamie est un Nîmois, et donc que les mots qu’il prétend nous fourguer, s’il les a pêchés dans son propre stock, sont relativement assez semblables : mais imagine-t-on ce que pourrait donner la comparaison entre ces « mots occitans » et le vocabulaire limousin, ou gascon ? La proportion risquerait de tomber à des taux d’étrangeté dépassant les 70 ou 80% (si des lecteurs veulent faire ce travail de comparaison pour leur propre parladure, je pourrai leur envoyer la liste des 100 verbes avec leur traduction)
Le « parfum » et la « sonorité », disiez-vous messieurs les occitanistes ? Votre entreprise pue la marchandise frelatée et la contrebande, ce que nous savions déjà mais qu’il est toujours bon de montrer preuves à l’appui…
Yves Gourgaud,
avril 2014
Références : Los Mòts occitans / Les Mots occitans par Jean Journot, éditions Lacour, Nîmes 1995, 101 pages.
Dictionnaire Cévenol-Français des verbes par Yves Gourgaud, éditions Aigo Vivo, Alès 2012, 410 pages.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire