Extrait de « Jan de la Lune » 1887
La contre-Révolution en Vivarais
Firmin Boissin
Journaliste et écrivain catholique régionaliste français,
né le 17 décembre 1835 à Vernon
près de Joyeuse (Ardèche) et mort en 1893.
*+*+*
Réveillet:
« Pan,pan,pan ! es ièou, Margarido,
Lou réveihèt te vaou canta.
Perqué doun fasés l'endurmido
Quan lou jour vaï mouréfinta ?
Deïvélio-te, Margaridetto,
E de l'estèlo dei mati,
Veni gueita, per toun hontéto,
Lou lun qué muert, adoulenti.
L'èr est fresquet: l'aourasso miaoulo
E lou quinsou faï pièou, pièou, pièou!
Tiro douçomen ta cadaoulo,
Ma moi, per l'amour de ièou.
Aoussi réna, tout dins soun caïré,
Moun paouré cor malaoutounet,
Per lou gari, laïsso-mé faïré
Soubré ta man un poutounet.
Sé mé vos pas dins toun androuno,
Druèb'un paouquet toun fénestrou ;
E d'amoundaou, ma perlétouno
Poulidomen, faï-mé pintchou.
Es ièou toun Jan, Jan dé la Luno !
Coumo l'aïgo rascl'ei mouli,
Ven'escouta, ma jento bruno.
Ta vouès qué mé ren tréfouli.
Parlo-mé doun, Magaridéto,
Dins toun parla tan amistou,
Davan Dièou saras ma fennéto
E lou priéou diro pas nou.
+*+*+
Traduction:
Pan,pan, pan ! c'est moi Marguerite,
Le réveillet, je viens te chanter.
Pourquoi fais-tu l'endormie,
Quand le jour va poindre?
Réveille-toi Margaridette.
Et de l'étoile du matin,
Viens guetter, par ton balcon,
L'éclat qui meurt, mélancolique.
L'air est fresquet; le vent du nord miaule,
Et le pinson fait piou, piou piou !
Tire doucement ton loquet,
Ma mie, pour l'amour de moi.
J'entends geindre, tout dans son coin,
Mon pauvre coeur amaladi,
Pour le guérir, laisse-moi te faire
Sur ta main un petit baiser.
Si tu ne me veux pas dans ton alcôve,
Ouvre du moins un peu ta fenêtre;
Et de là-haut, ma petite perle,
Bien gentiment regarde-moi.
C'est moi, ton Jan, Jan de la Lune!
Comme l'eau va au moulin,
Je viens écouter, ma jolie brune,
Ta voix qui me rend tout frissonnant.
Parle-moi donc, Margaridette,
Dans ton parler si tendre,
Devant Dieu tu seras ma femme,
Et le prieur ne dira pas non.
C'était un « réveillet » que Jan de la Lune, dans son inspiration amoureuse, avait improvisé, le soir même, en patois rayol (1)
On désigne ainsi les aubades que les jeunes gens vont chanter, les nuits de clair de lune, sous les fenêtres de leurs mies.
Ces réveillets, mélopées naïves et sans art, sont le truchement dont les « galants » se servent pour adresser aux rayolettes qui leur agréent la déclaration de leur amour. Si leur chanteur plaît, la jeune fille ouvre sa croisée, écoute le réveillet et se montre au soupirant. »
(1) dialecte des Vans
*+*+*
Firmin Boissin :
« Ethnographiquement, le Bas-Vivarais comprend trois subdivisions: le Mailhaguez, pays du froment; les Cévennes, pays de la châtaigne; la montagne, pays du seigle, composé des mandements de Borne, de Coucouron et de Lugdarès.
On appelle « pagel » celui qui habite la montagne; le « rayol » désigne l'homme du Mailhaguez, et l'on donne le nom de « cévenol » à tous les terriens de la région des Cévennes orientales dont les cours d'eau, traversant les calcaires du pays de froment, vont se perdre dans le Rhône....... »
*+*+*
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire