Ive Gourgaud par son texte ci-dessous nous donne un poème qui a valeur de scoop puisque issu d'un manuscrit inconnu!!!
Nous avons déjà parlé de cette auteur dans Marsyas en publiant un extrait du siège de Caderousse (sur ce lien)
PANORAMA DE LA LITTÉRATURE CÉVENOLE (suite)
8. Jean-Baptiste FAVRE : additions et corrections
Dans la première mouture de mon évaluation de JB Favre, j’ai laissé la part encore bien trop belle à la critique occitanisante, qui veut faire de notre auteur un « anti-philosophe » alors que son oeuvre dit précisément le contraire. C’est ainsi que le papet (« petit pape ») de cette critique, Robert Lafont, est amené à écrire dans sa Nouvelle histoire de la littérature occitane (tome II, page 467), à propos de la « situation intellectuelle de Fabre » ce tissu d’inepties concentrées en une seule phrase :
« Anti-philosophe par principes et par usage linguistique, il appartient bien au siècle des philosophes »
On aura noté que pour ces occitanistes frottés d’un marxisme de salon (car il existe, en matière de critique littéraire, un marxisme éclairant -mais il n’est pas occitaniste), l’emploi de la langue cévenole est « anti-philosophique »...
Pour le reste, ces amateurs (au mauvais sens du terme) n’ont jamais compris deux choses pourtant bien simples, voire évidentes :
- Favre ne naît pas « prêtre » : son état ecclésiatique (avec le statut social et la prudence qui vont avec) peut-il expliquer par exemple l’écriture du "Jean-l’an-prés" ?
- Le marxisme vulgaire de Lafont lui fait prendre le choix linguistique de Favre pour une « aliénation sociale », ce qui passera au mieux pour une plaisanterie : bien au contraire, l’écriture en patois permet de dépasser sa condition sociale d’intellectuel contraint par la langue officielle à des positions orthodoxes. Autrement dit, Favre est peut-être un « anti-philosophe » lorsqu’il écrit en français (et les exemples cités par Lafont sont tous des travaux en français) ; mais quand il écrit en cévenol, sa pensée est tout autre, à l’aune de sa liberté de création : en cévenol, il peut moquer la papauté dans son grand poème héroï-comique du Siège de Caderousse tout comme il peut faire exploser les conventions sociales et leur hypocrisie dans cette prose entièrement « philosophique » qu’est son "Jean-l’ont-pris".
Cette perspective suffit à montrer que les « contradictions » que Lafont croit déceler dans l’oeuvre et la personnalité de Favre n’existent en fait que dans une critique occitane incapable de saisir l’essence de l’écriture d’oc à cette époque précise. On ajoutera que, même pour un auteur aussi connu et reconnu que Fabre, Lafont montre toute la légèreté de sa lecture : ne va-t-il pas jusqu’à affirmer (page 475) que Jean-l’ont-pris « est ainsi nommé parce que son père est aux galères » alors que tout lecteur du roman sait bien qu’il a été pendu haut et court ? Toute la vacuité prétentieuse de la critique occitaniste est ainsi concentrée sur notre grand écrivain, hélas...
Un troisième fait semble conforter ce que j’affirme plus haut, et même le dépasser : pour ceux qui pourraient croire qu’en français JB Favre n’est qu’un curé réactionnaire et « anti-philosophe », voici un scoop, ou plus exactement un texte qui méritera sûrement d’être commenté et exploité par plus averti que moi. Dans ses oeuvres manuscrites, on trouve ce poème que je livre tel quel à la réflexion du public et des spécialistes :
« Anti-philosophe par principes et par usage linguistique, il appartient bien au siècle des philosophes »
On aura noté que pour ces occitanistes frottés d’un marxisme de salon (car il existe, en matière de critique littéraire, un marxisme éclairant -mais il n’est pas occitaniste), l’emploi de la langue cévenole est « anti-philosophique »...
Pour le reste, ces amateurs (au mauvais sens du terme) n’ont jamais compris deux choses pourtant bien simples, voire évidentes :
- Favre ne naît pas « prêtre » : son état ecclésiatique (avec le statut social et la prudence qui vont avec) peut-il expliquer par exemple l’écriture du "Jean-l’an-prés" ?
- Le marxisme vulgaire de Lafont lui fait prendre le choix linguistique de Favre pour une « aliénation sociale », ce qui passera au mieux pour une plaisanterie : bien au contraire, l’écriture en patois permet de dépasser sa condition sociale d’intellectuel contraint par la langue officielle à des positions orthodoxes. Autrement dit, Favre est peut-être un « anti-philosophe » lorsqu’il écrit en français (et les exemples cités par Lafont sont tous des travaux en français) ; mais quand il écrit en cévenol, sa pensée est tout autre, à l’aune de sa liberté de création : en cévenol, il peut moquer la papauté dans son grand poème héroï-comique du Siège de Caderousse tout comme il peut faire exploser les conventions sociales et leur hypocrisie dans cette prose entièrement « philosophique » qu’est son "Jean-l’ont-pris".
Cette perspective suffit à montrer que les « contradictions » que Lafont croit déceler dans l’oeuvre et la personnalité de Favre n’existent en fait que dans une critique occitane incapable de saisir l’essence de l’écriture d’oc à cette époque précise. On ajoutera que, même pour un auteur aussi connu et reconnu que Fabre, Lafont montre toute la légèreté de sa lecture : ne va-t-il pas jusqu’à affirmer (page 475) que Jean-l’ont-pris « est ainsi nommé parce que son père est aux galères » alors que tout lecteur du roman sait bien qu’il a été pendu haut et court ? Toute la vacuité prétentieuse de la critique occitaniste est ainsi concentrée sur notre grand écrivain, hélas...
Un troisième fait semble conforter ce que j’affirme plus haut, et même le dépasser : pour ceux qui pourraient croire qu’en français JB Favre n’est qu’un curé réactionnaire et « anti-philosophe », voici un scoop, ou plus exactement un texte qui méritera sûrement d’être commenté et exploité par plus averti que moi. Dans ses oeuvres manuscrites, on trouve ce poème que je livre tel quel à la réflexion du public et des spécialistes :
Chanson pour les francmaçons
de La Loge de S. R.
dans ce temple majestueux
rien de fastueux
n’eblouit les yeux ;
mais sa simplicité
offre plus de beauté
que l’ Éclat faux et vain
du plus grand dessein
de l’orgueil humain.
la Sagesse le massonna,
la vertu l’orna,
l’amour y regna ;
le vice en est dehors,
et malgré ses efforts,
il ne viendra jamais,
par de noirs forfaits,
en troubler la paix.
le Silence, l’Egalité,
l’honneur, l’Equité
font sa sureté.
loin ces Esprits hautains,
indiscrets ou malins,
dont les fougueux transports,
de cet heureux corps
romproient les accords.
oubliez ici votre rang,
la vertu vous rend
seule vraiment grand ;
ce temple est le cercueil
où doit tomber l’orgueil ;
point de prétention,
de division,
ni de passion.
les hommes sont faits pour s’unir
et le vrai plaisir
nait de ce désir.
à ce penchant si doux
sans crainte livrons nous ;
laissons le censurer,
pour en murmurer
il faut l’ignorer.
oüi, chanter, rire, et boire au frais,
garder nos secrets,
voilà nos forfaits.
venés, esprits jaloux,
vous unir avec nous ;
quand vous les connoitrez,
vous vous dédirez,
et vous en rirez.
mais si ces plaisirs innocens
souvent renaissans
sont peu séduisans ;
daignez apprendre au moins
quels sont les autres soins
dont nous nous occupons
en bons francs massons
hors de nos chansons.
dans ce temple, objet de vos cris,
l’amour ni ses ris
ne sont point admis.
l’amitié dans les coeurs
y répand ses douceurs ;
et, dans nos entretiens,
serre les liens
des vrais citoyens.
nous vivons dans la chasteté,
dans l’humilité
dans la charité.
fidèles à nos rois,
nous respectons leurs Loix,
et celles qu’à dicté /sic/
pour l’humanité
la divinité.
s’il est des frères malheureux,
nous avons pour eux
des coeurs généreux :
touchez de leurs besoins,
par les plus tendres soins,
en dignes francs massons,
nous les consolons,
nous les soulageons.
nous ne tolérons rien de bas,
un juste compas
règle tous nos pas.
le crime et ses noirceurs
ne souillent point nos moeurs,
nous fuyons tout excez,
même en nos banquets,
malgré leurs attraits.
c’est assez nous justifier,
on aime à crier,
laissons abboyer.
c’est autant de perdu ;
rien n’emeut la vertu,
amis, plus de raisons,
ne nous défendons
qu’à coups de canons.
venerable, soutenez nous,
frères armez vous,
unissons nous tous.
bourrons, tirons, corbleu,
allons, feu, triple feu,
après de tels exploits,
l’envie aux abbois
recevra nos Loix.
Transcription à la lettre de l'écrit du XVIII ème siècle
de La Loge de S. R.
dans ce temple majestueux
rien de fastueux
n’eblouit les yeux ;
mais sa simplicité
offre plus de beauté
que l’ Éclat faux et vain
du plus grand dessein
de l’orgueil humain.
la Sagesse le massonna,
la vertu l’orna,
l’amour y regna ;
le vice en est dehors,
et malgré ses efforts,
il ne viendra jamais,
par de noirs forfaits,
en troubler la paix.
le Silence, l’Egalité,
l’honneur, l’Equité
font sa sureté.
loin ces Esprits hautains,
indiscrets ou malins,
dont les fougueux transports,
de cet heureux corps
romproient les accords.
oubliez ici votre rang,
la vertu vous rend
seule vraiment grand ;
ce temple est le cercueil
où doit tomber l’orgueil ;
point de prétention,
de division,
ni de passion.
les hommes sont faits pour s’unir
et le vrai plaisir
nait de ce désir.
à ce penchant si doux
sans crainte livrons nous ;
laissons le censurer,
pour en murmurer
il faut l’ignorer.
oüi, chanter, rire, et boire au frais,
garder nos secrets,
voilà nos forfaits.
venés, esprits jaloux,
vous unir avec nous ;
quand vous les connoitrez,
vous vous dédirez,
et vous en rirez.
mais si ces plaisirs innocens
souvent renaissans
sont peu séduisans ;
daignez apprendre au moins
quels sont les autres soins
dont nous nous occupons
en bons francs massons
hors de nos chansons.
dans ce temple, objet de vos cris,
l’amour ni ses ris
ne sont point admis.
l’amitié dans les coeurs
y répand ses douceurs ;
et, dans nos entretiens,
serre les liens
des vrais citoyens.
nous vivons dans la chasteté,
dans l’humilité
dans la charité.
fidèles à nos rois,
nous respectons leurs Loix,
et celles qu’à dicté /sic/
pour l’humanité
la divinité.
s’il est des frères malheureux,
nous avons pour eux
des coeurs généreux :
touchez de leurs besoins,
par les plus tendres soins,
en dignes francs massons,
nous les consolons,
nous les soulageons.
nous ne tolérons rien de bas,
un juste compas
règle tous nos pas.
le crime et ses noirceurs
ne souillent point nos moeurs,
nous fuyons tout excez,
même en nos banquets,
malgré leurs attraits.
c’est assez nous justifier,
on aime à crier,
laissons abboyer.
c’est autant de perdu ;
rien n’emeut la vertu,
amis, plus de raisons,
ne nous défendons
qu’à coups de canons.
venerable, soutenez nous,
frères armez vous,
unissons nous tous.
bourrons, tirons, corbleu,
allons, feu, triple feu,
après de tels exploits,
l’envie aux abbois
recevra nos Loix.
Transcription à la lettre de l'écrit du XVIII ème siècle
Bien sûr, il resterait à authentifier définitivement l’appartenance de ce poème aux oeuvres de Favre : je laisse ce soin aux spécialistes, me contentant ici de donner la référence précise : Oeuvres de Saint Castor, volume VI, pages 167-173 de la pagination manuscrite (manuscrit 25 (6) de Montpellier).
Yves Gourgaud, mars 2010
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